Pendant 17 semaines, les détenus sélectionnés par l'administration seront observés de près. 1:41
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Chloé Triomphe , modifié à
REPORTAGE - Il s'agit du dernier dispositif de l'administration pénitentiaire pour évaluer durant 17 semaines le niveau de dangerosité et de prosélytisme des détenus radicalisés.

La prison ultra sécuritaire de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, a ouvert lundi matin un nouveau quartier pour les détenus radicalisés, le quatrième du genre en France. Il s'agit du dernier dispositif de l'administration pénitentiaire pour évaluer le niveau de dangerosité et de prosélytisme de ces hommes. Désormais, il n’est plus question de volontariat comme dans les toutes premières expérimentations : les détenus placés dans ces quartiers pendant 17 semaines seront tous choisis par l’administration. A ce jour 200 détenus sur 500 condamnés pour terrorisme y ont été évalués. A terme, l’administration pénitentiaire souhaiterait que les 1100 autres condamnés pour des faits de droit commun mais repérés comme radicalisés passent à leur tour dans ces quartiers. 

L’agresseur au couteau qui a tué une personne et blessé quatre autres samedi soir dans le quartier de l’Opéra à Paris était fiché S par les services de renseignement pour fréquenter des compatriotes tchétchènes radicalisés de Strasbourg. Ce type de profil radicalisé, une fois rentré dans le système judiciaire, est aussi une préoccupation majeure de l’administration pénitentiaire. Avant l'ouverture du nouveau quartier dans la prison où avait séjourné Salah Abdeslam pendant son procès en Belgique, Europe 1 est l'un des rares médias à avoir pu y pénétrer en avant-première. 

Ambiance sécuritaire. Dix-sept cellules pour douze places seulement avec une étanchéité totale du reste de la détention. Dans cette aile réservée aux détenus radicalisés, tout est pensé pour qu'ils ne croisent personne d’autre dans les coursives que les surveillants chargés de les extraire de cellule pour les emmener à l’une des activités qui rythment leur quotidien. Des surveillants qui fonctionneront par deux, spécialement formés aux postures de sécurité, aux ouvertures de cellules, aux attitudes à tenir lors des entretiens. "il y aura une palpation systématique à chaque sortie de cellule et le paquetage des détenus sera plus réduit qu’en détention ordinaire pour éviter la fabrication d’armes artisanales. Nous avons été formés à cette sécurité et nous avons rencontré le personnel qui avait été agressé à Osny dans un quartier équivalent", explique M. Bernard, 1er surveillant. 

Une ambiance sécuritaire qui se ressent et s'entend comme l'explique le chef d'établissement Vincent Vernet : "Ici, le régime c’est porte fermée toute la journée. Les détenus ne sortent de leur cellule individuellement que pour se rendre à un endroit précis : cour de promenade, entretien avec les personnels.Il n'y a pas de bruit. Contrairement à une maison d'arrêt, vous n'allez pas entendre des gens crier aux fenêtres", précise-t-il. "Souvent, l'ambiance d'une maison centrale c'est un calme olympien. Ici, la spécificité c'est que chaque cellule est visible du mirador". 

En observation pendant dix-sept semaines. Pendant cette durée, les détenus sélectionnés par l'administration seront observés de près. Leur quotidien sera rythmé par des activités : accès quotidien à la cour de promenade, parloir les vendredi et samedi, entretiens avec des personnels des services d’insertion et de probation, des psychologues, et un médiateur du fait religieux.

Mais ils seront aussi scrutés dans leur vie quotidienne, dans leurs relations avec le personnel ou leur attitude en groupe lors d'un atelier : se comportent-ils en suiveur ou en leader, par exemple ? Le but est double et l'enjeu crucial : détecter ceux qui risquent de passer à l'acte si leur date de sortie est proche.

Et pour les autres qui ont encore de longues années de prison à purger, il s’agit prioritairement de repérer ceux qui ont le bagage et le charisme pour faire du prosélytisme. Ceux-là, il faudra les isoler pour éviter toute contamination du reste de la population carcérale, car seuls des radicalisés non prosélytes sont compatibles avec une détention ordinaire.

Le chargé de mission qui tient à rester anonyme explique que "l’administration pénitentiaire est sortie de l’amateurisme sur ce type de public, rien à voir avec il y a trois ou quatre ans. Les profils sont bien identifiés selon des critères précis : 40 % des radicalisés ont un passé délinquant, 30% sont des convertis, la majorité a un faible niveau éducatif et un parcours personnel cahotique. Il y aura un pic de sortie en 2022, notre mission c’est de préparer cela, avec autant que possible un travail de désengagement de la violence à mener".