Karim Achoui dénonce un "naufrage judiciaire"

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avec agences , modifié à
Les six individus poursuivis pour tentative d'assassinat de l'ex-avocat ont été acquittés.

Coup de massue pour Karim Achoui. Les six individus poursuivis pour la tentative d'assassinat de l'ancien avocat, en 2007, ont été acquittés vendredi au terme d'un procès qui n'a pas dissipé les zones d'ombre de l'affaire. La Cour d'appel n'a donc pas suivi les demandes de l'avocat général, Bruno Sturlese. Ce dernier avait requis 20 ans de réclusion criminelle contre Ruddy Terranova, soupçonné d'être le tireur et 15 ans contre Mamadou Ba, présenté par l'accusation comme son pilote.

Le "Concordia judiciaire". En conséquence, cinq des six accusés seront remis en liberté, seul Mamadou Ba restant incarcéré pour une autre affaire. "Les juges d'instruction ont travaillé n'importe comment", a dénoncé sur Europe 1 Karim Achoui, radié du barreau en 2012 pour des manquements déontologiques, qualifiant l'affaire de "naufrage judiciaire" et de "Concordia judiciaire de la cour d'assise de Paris. L'ex-avocat a en outre indiqué son intention de travailler "sereinement" sur l'affaire, avec "enquête privée et recherches personnelles", pour "essayer de reconstituer l'itinéraire du véritable coupable".

L'avocate de Mamadou Ba, Me Clarisse Serre, parle de son côté de "grande victoire". "Les jurés ont rendu à l'unanimité. C'est rare dans l'histoire judiciaire de voir une affaire qui commence par une tentative d’homicide en bande organisée sur un avocat et qui se termine, cinq ans après, par un acquittement général. Les jurés ont compris qu'on ne peut pas juger des gens sur un casier judiciaire, sur des apparences, sur des renseignements qui ne sont pas confortés. Il n'y avait que des incertitudes, que des hypothèses, rien de vérifié. Les charges étaient plus que faibles", commente Me Serre.

Le rappel des faits. L'attaque se produit le 22 juin 2007, peu avant 22 heures, dans les beaux quartiers de la capitale. Karim Achoui, avocat pénaliste qui s'est forgé une réputation en défendant des figures du milieu, sort de son cabinet du boulevard Raspail, en compagnie de son amie. Le couple se dirige vers leurs véhicules quand deux hommes surgissent alors à moto. Le passager, casque vissé sur la tête, dégaine une arme de poing et ouvre le feu : l'arme s'enraye mais l'ex-avocat est atteint par deux balles de gros calibre.

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Les accusés. Parmi les accusés figuraient le tireur présumé, Ruddy Terranova, et le pilote présumé de la moto sur laquelle deux hommes avaient pris la fuite, Mamadou Ba. A leurs côtés étaient jugés Djamel Hakkar qui, selon l'accusation, aurait commandité l'action depuis sa cellule, et trois hommes présentés comme des intermédiaires de l'opération, Jacques Haddad, figure du grand banditisme, Brahim Bordji et Nordine Kherbache. A l'époque des faits, Karim Achoui avait identifié Rudy Terranova, un Corse passé du jihad au grand banditisme. L'ancien avocat avait affirmé avoir été frappé par le regard de son agresseur, qui avait relevé la visière de son casque avant de tirer.

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En revanche, durant le procès, Karime Achoui s'est fait le quasi défenseur du commanditaire et des trois intermédiaires présumés en affirmant que les quatre hommes n'avaient rien à faire dans le box des accusés. De leur côté, les six accusés ont tous nié les faits durant le procès. Avant que les jurés ne se retirent pour délibérer, Rudy Terranova avait d'ailleurs réaffirmé son innocence et, surtout, nié avoir été un indicateur de la police.

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Les failles de l'enquête. L'essentiel de la bande a été identifié à partir de renseignements "anonymes" parvenus à un commissaire de la police judiciaire de Versailles. La localisation de leurs téléphones et divers témoignages ont permis aux enquêteurs parisiens d'étayer ces premières informations. Selon l'accusation, une partie du groupe aurait notamment participé à une réunion préparatoire le 13 juin au soir au domicile de Ruddy Terranova à Aubergenville, dans les Yvelines. Un témoin clef a également dit avoir été sollicité courant juin par Terranova pour piloter la moto utilisée lors de la tentative d'assassinat mais avoir refusé. Il s'est depuis rétracté.

Les conclusions du procès. Les six acquittements soulignent donc les faiblesses d'une enquête qui n'a pas éclairé les jurés sur les mobiles du guet-apens visant, fait rarissime, un avocat. Une enquête qui s'est en effet contentée de faisceaux d'indices et non de preuves. Dans son réquisitoire, l'avocat général a lui aussi reconnu que les mobiles de la tentative d'assassinat restaient "obscurs", même s'il y voyait la marque du grand banditisme. L'avocat général a toutefois balayé la thèse du complot policier, soutenue par Karim Achoui dans un livre.