Magali Reghezza : "Ce qu'on pressent, c'est que ces cyclones vont devenir plus forts en moyenne"

L'île de Saint-Martin dévastée après le passage d'Irma.
L'île de Saint-Martin dévastée après le passage d'Irma. © Martin BUREAU / AFP
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A.D , modifié à
La géographe Magali Reghezza, géographe spécialiste des risques de l'environnement, pense qu'il va falloir qu'individus et pouvoirs publics s'adaptent et se préparent à vivre avec des catastrophes naturelles qui pourraient s'intensifier.
INTERVIEW

Alors que l'ouragan Irma se dirige ce samedi vers la Floride et que les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy ont été classées vendredi en état de catastrophe naturelle après avoir subi son passage, on redoute déjà Katia et José. Ces ouragans se déchaînent seulement quinze jours après la tempête Harvey, qui a ébranlé les Etats-Unis, et juste après un séisme au Mexique, tous ces éléments faisant suite à un été d'incendies en Europe.

Avec ce constat global, il est légitime de se demander s'il faudra désormais toujours être en alerte. Magali Reghezza, géographe spécialiste des risques de l'environnement était l'invitée de C'est arrivé cette semaine pour présenter un bilan de la situation actuelle et à venir.

Des images à la fois extraordinaires et déjà vues. En replaçant les événements dans un temps long, Magali Reghezza tempère l'effet d'accumulation. "Si on regarde sur un temps très long, ce n'est pas surprenant des cyclones de catégorie 4 ou 5 dans la région." En revanche, le constat visuel de la force des ouragans est toujours étonnant. "On voit des îles totalement dévastées. Les vents étaient énormes, on a des rafales à plus de 300 km/h. Mais pour quelqu'un qui travaille sur les catastrophes, ce sont des images qui sont déjà vues, des événements qui sont à la fois exceptionnels au sens où on en voit pas tous les jours, mais normaux dans le sens où ce type de cyclones existe", expose-t-elle.

Des cycles de climat. Le journal Le Monde de vendredi faisait pourtant valoir que la période 70-79 avait été cinq fois plus calme en matière de cyclones que les années 2005-2014. "On appelle ça la variabilité du climat", explique la spécialiste, c'est-à-dire "des séries, qui font que le climat n'est pas toujours pareil. Avec nos regards d'humains, on regarde à quelques années et on a l'impression que c'est extraordinaire. Pour ceux qui le vivent, c'est extraordinaire. Maintenant sur des temps longs, on a des moments où il y en a un peu plus, un peu moins", précise la spécialiste.

Probable lien avec le réchauffement climatique. Il faut donc observer la tendance sur le long terme. Et c'est sur cette échelle que l'inquiétude pointe. "Ce qu'on pressent, c'est que ces cyclones vont devenir plus forts à cause du réchauffement des océans, lié au réchauffement climatique. Pour l'instant, ce sont des tendances", tempère une nouvelle fois la géographe.

"On est incapable de dire si ce cyclone-là en particulier est lié au réchauffement climatique. C'est comme si vous fumez trois paquets par jour : si vous avez un cancer des poumons, on peut se dire qu'a priori, il y a un lien, mais peut-être que le cancer est dû au fait que vous étiez dans un bâtiment avec de l'amiante. Cette incertitude n'enlève rien à la caractéristique du phénomène qui est majeur, maximum, face auquel on est très démuni parce qu'on ne peut pas l'empêcher. La seule solution, c'est prévoir, anticiper, évacuer quand on peut et protéger."

Réfléchir autrement. En pratique, énumère Magali Reghezza, cela veut dire qu'il "faut réfléchir à comment on construit autrement, comment on prépare les populations à faire face à ces crises", avec une prise en charge qui doit être différente selon les populations (personnes âgées, personnes malades, migrants méfiants face à l'autorité...), ajoute-t-elle. "C'est toute la gestion de crise qui est à penser. C'est un enjeu sociétal de savoir, des individus jusqu'aux pouvoirs publics, comment on se prépare pour vivre avec ces catastrophes."

 

>> Retrouvez C'est arrivé cette semaine, présenté par David Abiker, chaque samedi, de 9h à 10h