SIDA : danger sur les "près de 6.000 lieux de rencontres informels"

Certaines forêts françaises servent de rendez-vous sexuel pour une partie de la population.
Certaines forêts françaises servent de rendez-vous sexuel pour une partie de la population.
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Damien Brunon , modifié à
INTERVIEW E1 - Une association s’inquiète sérieusement de la recrudescence des contaminations sur ces lieux mal identifiés, parkings ou forêts.

L’INFO. Le SIDA peut-il resurgir en passant par les lieux tenus les plus secrets ? La question commence à inquiéter les pouvoirs publics alors que l’association HF Prévention a récemment publié des chiffres alarmants. Selon les tests que cette dernière réalise sur les lieux de rencontre informels (forêts, parkings, aires d’autoroute), le taux de contamination par le virus serait désormais de 5%, soit cinq fois plus que dans la communauté gay en général. Pire, le nombre de contamination sur ces lieux a doublé en un an. A deux jours du festival Solidays, la question du VIH est donc loin d’être réglée.

>> Jérôme André est le président de HF Prévention, l’une des huit associations françaises qui apportent prévention et conseils sur les lieux de rencontres informels dans la région parisienne.

Europe 1 : Un lieu de rencontre informel, qu’est-ce que c’est ?

Jérôme André : Ce sont des lieux qu’on peut trouver via des sites Internet ou par du bouche à oreille. Il y a des parkings, des forêts, des lieux bien précis. Certaines personnes utilisent aussi la géolocalisation grâce à des smartphones pour se retrouver. Sur ces lieux, les rapports sexuels sont rapides, de l’ordre de quinze à trente minutes.

En Île-de-France, on intervient sur une quarantaine de lieux de rencontres extérieures, mais il y en a près de 6.000 en France. Il existe une centaine de lieux qui sont fréquentés par 500 personnes par jour, d’autres plus petits lieux voient de leur côté entre 150 à 200 personnes par jour. Ce n’est pas un épiphénomène et ça existe depuis des années.

On nous disait que l’arrivée des smartphones et d’Internet ferait que les gens n’iraient plus se rencontrer dans des lieux extérieurs. Il y a eu une période de dix ans où les gens étaient plutôt sur Internet pour trouver des rapports ou des conjoints, mais en réalité ça reste très difficile d’avoir des rapports par ce biais. Quand les gens viennent sur un lieu de rencontre extérieur, ils ont quasiment systématiquement des rapports sexuels. Certains usagers ont même plusieurs rapports sexuels par jour sur un même lieu.

parking

Qui fréquente ce type de lieu ?

Ce sont principalement des hommes qui ont des relations avec d’autres hommes. 80% d’entre eux se définissent hétérosexuels, pères de familles, mariés avec femme et enfants. Ils aiment leurs femmes et leurs enfants, mais ils ont des aventures avec d’autres hommes. Ils vont donc être hors champ de prévention puisqu’ils ne se reconnaissent pas comme homosexuels ou bisexuels.

Il y a un déni certain. Ces gens vont parfois jusqu’à appeler leurs femmes pour leur dire qu’ils vont avoir du retard à cause du travail, que la réunion a duré plus tard que prévu. Ils ne peuvent pas parler des rapports sexuels qu’ils ont ni avec leur médecin, ni avec leur conjoint, ni avec qui que ce soit. Il y a une forme de déni dans les rapports sexuels qu’ils ont, mais aussi dans les prises de risque qu’ils ont.

Cela pose-t-il un problème sanitaire ?

Pour les gens qui fréquentent ces lieux, le fait d’avoir des rapports sexuels avec d’autres hommes ne pose pas de problème parce que selon eux, le SIDA, c’est chez les gays. Tant qu’ils n’ont pas de relation sexuelle avec d’autres gays, ils estiment qu’ils échappent au fait de pouvoir devenir séropositif. Ils ne sont pas habitués à mettre le préservatif, à appeler SIDA Info service ou à avoir de la documentation liée à la réduction des risques sexuels.

Le problème au final, c’est que, malheureusement, chaque personne qui se découvre séropositive sur ces lieux de rencontre a probablement déjà contaminé sa femme. Ca pose un vrai problème sanitaire puisqu’on se rend compte qu’il y a de plus en plus de gens qui se contamine. Nous, on estime que si ça continue, l’épidémie de VIH risque de repartir.

Et là on parle de cas de contamination liés au virus du SIDA, qui est cinq fois plus présent sur ces lieux que dans le milieu gay, mais c’est encore pire sur les autres maladies et infections sexuellement transmissibles.

On est sur un problème sanitaire pur, c’est pour cela que les pouvoirs publics commencent à regarder le problème plus en détail. Le ministère de la Santé nous a envoyé des personnes pour revoir nos dossiers, voir comment ça se passe sur les lieux, étudier la possibilité de diversifier la structure de manière à pouvoir intervenir plus largement. Quand on va sur des lieux de rencontre qui n’ont jamais eu de prévention depuis des années, on peut imaginer qu’il y a beaucoup plus de séropositifs que ce qu’on trouve en général. Ce sont des gens qui ne vont pas forcément au dépistage et qui n’ont pas conscience qu’ils peuvent être contaminés.

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