Quand les médecins s'organisent eux-mêmes pour lutter contre les déserts médicaux

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Virginie Salmen, édité par A.H.
Certains médecins font le choix de revenir dans les zones les plus reculées de France, avec des solutions qui font leurs preuves.
L'ENQUÊTE DU 8H

Les déserts médicaux ne sont pas une fatalité. C'est le message d'espoir que lance le Conseil de l'Ordre des médecins, qui publie mardi matin un rapport très attendu - résultat d'une longue investigation - sur les initiatives, les expériences qui marchent ou pas, à la campagne et à la ville. 

Les incitations financières ne marchent pas. Premier enseignement du rapport : les incitations financières ne fonctionnent pas pour attirer les médecins dans les déserts médicaux. Pour un jeune médecin tout juste diplômé, l'incitation financière de l'Etat est de 50.000 euros. Insuffisant pour ces nouveaux professionnels, qui estiment pour la plupart que cette somme ne peut servir qu'à payer les locaux, le matériel, une secrétaire, et que le reste est englouti par les impôts et l'Urssaf. Après douze ans d'études, s'installer au fin fond de la France, tout seul, pour travailler de 8h à 22h, ne les fait tout bonnement pas rêver. A vrai dire, pour la plupart, il ne s'agit pas d'un problème financier. Pour ces jeunes médecins, la priorité, ce sont les conditions de travail : ils veulent des horaires décents, la stimulation professionnelle et suffisamment de vacances.

Des solutions créées par les médecins eux-mêmes. Il existe toutefois des expériences qui ont fait leurs preuves, des solutions inventées par des médecins eux-mêmes. À Belle-Île-en-me, dans le Morbihan, on comptait seulement trois médecins il y a cinq ans. Aujourd'hui, ils sont neuf. Là-bas, les cabinets médicaux sont situés dans l'hôpital. Les généralistes soignent une grippe dans leur cabinet et peuvent pratiquer une échographie à l'hôpital. Pour eux, le cadre est sécurisant et ils trouvent un vrai intérêt à leur travail. "On est tous dans l'hôpital de proximité, ce qui fait qu'on est le premier recours pour tout ce qui est accouchement, AVC, infarctus, plaie, fracture ouverte…", détaille Dr Stéphane Pinard, l'inventeur de ce système, arrivé comme un pionnier sur l'île en 2012. "Le médecin généraliste retrouve ses lettres d'or. On a dix ans d'études où on passe par tous les services. Et quand on s'installe, on ne fait plus que de la paperasse", déplore-t-il.

Autre exemple de succès : dans le Lubéron, huit cardiologues se sont regroupés pour mettre en commun tous leurs moyens : matériel, emploi du temps, secrétaires… Cette initiative leur a permis de s'accorder sept semaines de vacances par an. Ils se remplacent mutuellement quand ils sont malades et ils ont même pu monter une ligne d'urgence cardiologie 24h/24.

Donner des idées aux médecins. Ces bonnes idées peuvent-elles être généralisées ? En publiant son rapport mardi, le Conseil de l'Ordre des médecins veut justement donner des idées aux professionnels de santé. Cela fonctionne pour une société 100% privée, comme dans le Lubéron. Ça marche aussi avec l'aide des pouvoirs publics, comme à Belle-Île-en-mer, où le docteur Pinard a été épaulé par l'Agence régionale de santé, la Caisse d'assurance maladie et les mairies.