Médicaments sans ordonnance : prend-on des risques ?

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Margaux Baralon , modifié à
SANTÉ - Après la parution jeudi d'une étude alarmiste de 60 Millions de consommateurs, certains professionnels appellent à la modération.

Faire un infarctus après avoir pris un simple médicament contre le rhume ? La chose reste rarissime mais ne serait pas totalement impossible, selon une étude de 60 Millions de consommateurs rendue publique jeudi. Après avoir établi la liste des 61 médicaments les plus vendus parmi ceux délivrés sans ordonnance, le magazine a chargé des experts de mener une batterie de tests pour évaluer leur dangerosité. Résultat : 28 d'entre eux présentent des dangers pour la santé, estime l'étude.

"On prend des risques". Le professeur Jean-Paul Giroud, pharmacologue clinicien et co-auteur de la liste des médicaments dangereux, est formel : "On prend des risques." Et le scientifique de citer l'exemple de l'Actifed®, prescrit pour soulager le rhume. "Utiliser ce médicament, qui contient du paracétamol, de la pseudoéphédrine et un antihistaminique, c'est de la folie, affirme-t-il au micro d'Europe 1. Pour la bonne et simple raison qu'on n'a pas besoin de trois médicaments. En automédication, une seule substance doit suffire."

Hypertension et AVC. L'emploi d'un antihistaminique n'est pas dénué d'effets secondaires, comme "des problèmes de prostate, d'insuffisance hépatique, d'hypertension, et un risque d'AVC", rappelle le pharmacologue. Quant aux pastilles pour la gorge, de type Drill® ou Strepsils®, elles contiennent de la chlorhexydine, un antiseptique. Or, "un mal de gorge n'est ni lié à un virus ni lié à une bactérie. C'est une irritation, souligne le professeur Jean-Paul Giroud. Vous auriez la même efficacité avec un bonbon car ces pastilles servent surtout à rafraîchir son arrière-gorge lors de la déglutition".

"Pas d'hécatombe". Un constat que le docteur Marcel Ichou, généraliste, trouve alarmiste. " Quand on prend n'importe quel médicament, on prend un risque, estime-t-il. Tous les gens prennent ces médicaments et il n'y a pas d'hécatombe." Une telle étude ne servirait donc, selon lui, qu'à "jeter la suspicion sur les pharmaciens et à faire peur aux gens".

Inefficaces mais pas dangereux. "Entre un produit inefficace et un produit dangereux, il y a une sacrée différence, abonde le docteur Gérald Kierzek, urgentiste. Dans cette liste, on mélange des dérivés de la morphine, ce qui peut être dangereux, et des substances homéopathiques, qui sont, au pire, inefficaces." L'urgentiste prend pour exemple l'un des médicaments incriminés, le Doli Etat Grippal®, qui contient du paracétamol et de la vitamine C. "Le premier n'est pas dangereux tant qu'on respecte les posologies et la seconde n'a jamais tué personne", assène-t-il.

Une automédication raisonnée. Tous s'accordent en revanche sur la nécessité d'être vigilant avec l'automédication. "Il faut qu'elle soit canalisée. Or, elle ne l'est pas encore parce que les pouvoirs publics ne font rien pour ça", regrette le professeur Jean-Paul Giroud. Quant au docteur Gérald Kierzek, il rappelle qu'il ne "faut pas s'automédiquer plus d'une petite semaine".