Les entérocoques, ces superbactéries qui seraient plus âgées que les dinosaures

Une chimiste analyse les germes spécifiques aux entérocoques afin d'en étudier les propriétés (France, 2005).
Une chimiste analyse les germes spécifiques aux entérocoques afin d'en étudier les propriétés (France, 2005). © DERRICK CEYRAC / AFP
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La revue Cell publie une étude révélant que certaines bactéries résistantes aux antibiotiques seraient apparues sur Terre il y a plus de 450 millions d'années. 

Et si certaines superbactéries étaient plus vieilles que les dinosaures ? Cette conclusion, formulée par une équipe de chercheurs de l'Institut Broad et relayée jeudi par la revue Cell, pourrait bien constituer une avancée majeure pour la recherche bactériologique mondiale. 

La surprenante vieillesse des entérocoques. Septicémies, infections urinaires ou encore maux abdominaux : tels sont les dégâts provoqués par les entérocoques, ces bactéries se présentant sous forme de chaînettes ovales. Si leurs effets étaient jusque-là connus, leur âge demeurait cependant un mystère. C'est à ce flou scientifique qu'a voulu remédier un groupe de chercheurs américains de l'institut Broad dirigé par la doctorante Ashlee Earl.

Grâce à une analyse du génome et du comportement des entérocoques actuels, cette équipe est parvenue à reconstituer la manière dont les entérocoques s'étaient formés puis développés au cours du temps. Selon Ashlee Earl, les chercheurs sont "remontés dans le temps" et ont découvert que les bactéries étaient apparues sur Terre il y a près de 450 millions d'années. Une trouvaille choc, puisque cela voudrait dire que ces bactéries sont antérieures aux dinosaures, apparus il y a environ 200 millions d'années, selon le site Science Daily.

Des bactéries résistantes aux antibiotiques. A ce jour, les entérocoques représentent les principales causes d'infection dans les hôpitaux, et constituent ainsi un enjeu de santé publique.

L'année dernière, une étude britannique réalisée dans sept services hospitaliers et présentée à la Healthcare Infection Society (HIS) révélait que 85 % des chaussons de patients analysés étaient porteurs d'entérocoques. Un vrai problème, étant donné que les entérocoques ont la triste spécificité d'être résistants aux antibiotiques.

Selon la revue Cell, l'étude a permis de constater que "toutes les espèces d'entérocoques étaient naturellement résistantes à la sécheresse, à la famine, aux désinfectants, ainsi qu'à de nombreux antibiotiques". Pour les scientifiques, cette résilience "exceptionnelle" ne doit pas être sous-estimée et s'explique par le fait que ces bactéries étaient présentes dans les intestins d'animaux terrestres disparus tels que les dinosaures. Ainsi, elles se sont très vite adaptées à des environnements hostiles. Une adaptation réussie, puisque les entérocoques feraient aujourd'hui partie des plus vieilles bactéries de notre écosystème.

L'espoir de nouveaux traitements. Grâce aux chercheurs de l'institut Broad, les gènes apparus chez les entérocoques il y a des millions d'années sont à présent identifiés. Selon Ashlee Earl, les scientifiques "connaissent désormais les périodes durant lesquelles les entérocoques ont pu développer leur résistance actuelle".

L'agence de presse américaine UPI (United Press International) rapporte que cette connaissance est "clé", car elle pourrait permettre l'élaboration de nouveaux traitements. Dans une interview accordée au San Diego Union Tribune, François Lebreton, premier auteur de l'étude, va jusqu'à affirmer que cette découverte permettra sûrement de concevoir de "nouveaux types d'antibiotiques et de désinfectants qui éliminent spécifiquement les entérocoques". Une perspective qui devrait enthousiasmer patients mais aussi personnel hospitalier.