Les conséquences sous-estimées du syndrome du "cœur brisé"

Un couple se tient devant une installation lumineuse à Sydney (Photo d'illustration)
Un couple se tient devant une installation lumineuse à Sydney (Photo d'illustration) © SAEED KHAN / AFP
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Anouk Helft
Selon une étude, cette pathologie cardiaque connue pourrait causer des dommages plus durables et sévères que prévu.

Avoir le cœur brisé peut être plus grave qu'on ne le croit. En effet, si cette expression est souvent utilisée au second degré, elle peut également prendre tout son sens d'un point de vue médical. 

Depuis les années 1990, les scientifiques ont même attribué un nom à cette pathologie cardiaque : le syndrome de tako-tsubo (STT). Peu fréquent, le STT est ce que l'on appelle une cardiopathie de stress. En clair, c'est une maladie cardiaque se déclenchant après un événement anxiogène telle qu'une rupture ou la perte d'un être cher. 

Bien que le STT ait fait l'objet de diverses études ces dernières années, on ne peut pas en dire autant des séquelles qu'il laisse derrière lui et qui étaient il y a encore peu entourées d'un certain flou. C'était sans compter une équipe de chercheurs écossais, dont les travaux paraissent cette semaine dans le Journal of the American Society of Echocardiography. Ils révèlent qu'à long terme, la maladie endommagerait le muscle cardiaque et pourrait causer des douleurs bien particulières. 

Torsion inhabituelle et fines cicatrices. Afin d'étudier les propriétés du syndrome du cœur brisé, des chercheurs de l'Université d'Aberdeen, en Ecosse, ont suivi 52 patients ayant été victimes du STT sur une période de quatre mois. 

Durant ces quelques mois, les cœurs des patients ont été périodiquement examinés à l'aide d’échographies à ultrasons et d'IRM (Imageries par Résonnance Magnétique) cardiaques. En analysant les différentes images obtenues, les chercheurs ont constaté que le mouvement et le pompage du cœur étaient inhabituels. 

En effet, la torsion effectuée par le cœur lorsqu'il pompe était retardée chez les patients autrefois victimes d’un STT. Par ailleurs, les scientifiques ont observé de fines cicatrices à la surface du cœur des sujets. Or, les cicatrices de ce type sont connues pour réduire l'élasticité du cœur et l'empêcher de se contracter normalement. 

Pour Dana Dawson, docteur spécialiste en chirurgie cardiaque et responsable de l'équipe, "ces trouvailles pourraient expliquer pourquoi les victimes du STT ont par la suite des taux de survie similaires à ceux des personnes ayant eu une crise cardiaque". Selon la scientifique, l'étude a permis de montrer que "cette maladie avait en réalité des effets délétères persistants sur le cœur des patients". 

Vers des opérations post-STT ? "Des études récentes ont montré que cette pathologie n’était pas aussi rare que ce que l’on pensait" confie Dana Dawson. "C’est pour cela qu’il est de plus en plus capital d’identifier ses effets sur les individus" ajoute-t-elle. Selon l’étude, près de 3.000 personnes souffriraient en effet de ce syndrome au Royaume-Uni.

Pour la chercheuse, le fait d’avoir découvert que le STT avait des conséquences durables impose une réflexion autour de la prise en charge actuelle de la maladie. "Nous avions tendance à penser que les patients ayant souffert d’une cardiomyopathie du stress s’en remettaient complètement  sans intervention médicale. Nous avons désormais montré que les séquelles cardiaques avaient des conséquences négatives bien plus durables" explique-t-elle.

Metin Avkiran, professeur de cardiologie moléculaire au King's College de Londres, partage cet avis. Selon ce spécialiste, "cette étude met en avant le besoin urgent de trouver de nouveaux traitements plus efficaces face à cette pathologie dévastatrice".