Le "burn-out" est-il vraiment une maladie ?

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Le député Benoît Hamon veut faciliter les démarches de reconnaissance du "burn-out" comme maladie professionnelle. Mais…

Le "burn-out" est-il une maladie professionnelle ? Oui, répond Benoit Hamon, qui monte une nouvelle fois au créneau pour faciliter sa reconnaissance en tant que tel. Ce phénomène, difficile à définir, peut désigner un état de nervosité extrême, une détresse psychologique ou un état de grande fatigue, la plupart du temps lié au travail. Le député socialiste a déposé une proposition de loi mercredi pour faciliter les démarches vers sa reconnaissance comme maladie professionnelle et ainsi donner au salarié de nouveaux droits. Mais la tâche s'annonce complexe, car sa reconnaissance comme maladie tout court est encore loin d'être assurée. Décryptage.

Le "burn-out", ça veut dire quoi ? A ce jour d'ailleurs, aucun pays n'a encore reconnu le burn-out comme une maladie. "L'expansion du terme 'burn-out' est une source de confusion en raison des limites imprécises de cette réalité", relève d'ailleurs l'Académie de médecine, dans un rapport publié mardi sur ce sujet. "C'est une grande souffrance dont l'ampleur est très mal évaluée (...). On n'a pas une idée de son importance, beaucoup de chiffres ont été cités", poursuit le psychiatre Patrick Légeron, l'un des auteurs du rapport, cité par l'AFP. Les estimations qui circulent vont de 30.000 personnes touchées par le burn-out, selon l'Institut de veille sanitaire (InVS), à trois millions, selon un cabinet spécialisé dans la prévention des risques professionnels.

Mais sa difficulté à définir le phénomène ne veut pas dire qu'il n'existe pas. Il est simplement difficile de "faire la part des choses entre des symptômes comme la fatigue ou le mal-être au travail et ce qui relève d'une vraie maladie nécessitant la prise de médicaments", explique le Pr Légeron. Les pathologies reconnues qui s'en rapprochent le plus sont le "trouble de l’adaptation", "l'état de stress post-traumatique" ou "l'état dépressif", selon l'Académie de médecine.

" L'expansion du terme 'burn-out' est une source de confusion en raison des limites imprécises de cette réalité "

Maladie professionnelle, l'impossible reconnaissance ? Cette difficulté à définir le "burn-out" peut avoir des répercussions directes pour un salarié. S'il veut signer un arrêt maladie à son patient, par exemple, un médecin doit user d'artifices lexicaux comme "souffrance au travail" sans avoir de références précises pour évaluer le mal dont souffre son patient.

Pour faire passer sa souffrance en maladie professionnelle, c'est encore plus compliqué pour un salarié. Une maladie professionnelle est une maladie reconnue comme étant liée à son travail. Sa reconnaissance donne accès à de nombreux droits (le détail ici) : prise en charge à 100%, indemnités journalières pour vos heures non travaillées etc. Depuis juillet 2015, un salarié peut faire reconnaître une "pathologie psychique" comme maladie professionnelle. Mais il doit, pour cela, prouver auprès des Comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles que sa maladie entraîne une capacité permanente ou partielle (d'au moins 25%) de travailler. Il doit aussi montrer en quoi sa "pathologie psychique" est directement liée à son travail, ce qui est loin d'être évident. Selon l'Académie de médecine, les symptômes du "burn-out" peuvent être dus à un surinvestissement tout à fait personnel, au travail ou dans sa vie privée, ou même à des antécédents psychopathologiques.

Que propose Benoît Hamon ? La proposition de l'ancien ministre, qui a été signée au total par 83 députés de gauche (socialistes et écologistes), suggère de faciliter l'instruction et la reconnaissance individuelle des cas "d'épuisement professionnel" par les comités régionaux. Benoît Hamon entend notamment supprimer le quota de 25% d'incapacité de travailler. Ainsi, "les dossiers pourront être plus nombreux à être instruits" et "la reconnaissance de ces pathologies psychiques liées au travail sera réelle",  assure le député.

Benoît Hamon ne se fait pas d'illusion sur sa proposition en tant que telle, qui ne devrait pas être à l'ordre du jour de l'Assemblée tout de suite. Mais il espère qu'elle sera votée dans le cadre de la future réforme sur le temps de travail. Lui assure en tout cas avoir reçu un "écho positif" émanant  de la ministre. Mais Myriam El Khomri refuse pour l'heure de se prononcer. "Le débat parlementaire sera ouvert mais ça n'est pas dans le texte en l'état", glisse simplement son entourage à l'AFP.

Sa proposition est-elle crédible ? Cité par Le Monde, Jean-Pierre Olié, psychiatre et coauteur du rapport de l’Académie française de médecin, estime que légiférer revient à "mettre la charrue avant les bœufs". "La notion de burn-out, telle qu’elle est aujourd’hui, désigne quelque chose de trop imprécis pour offrir une réponse thérapeutique unifiée", écrit le rapport. Selon l'Académie, il n'y a qu'une seule réponse possible : la recherche.  L'Académie préconise le développement de programmes spécifiques de recherche, une  meilleure collaboration entre la direction des entreprises et les médecins du travail, ainsi que la mise en place d'une structure rassemblant les ministères concernés et notamment le ministère de la santé, resté silencieux sur cette question jusqu'à présent.

"Même si ce n'est pas pour demain, on peut imaginer qu'un jour, lorsqu'on aura davantage de connaissances sur le burn-out, on pourra peut-être le reconnaître comme une entité précise au sein de troubles psychiatriques" ou encore comme une "forme particulière de dépression", note le Pr Légeron. Cela permettra notamment de le faire reconnaître comme une maladie professionnelle. Chose impossible actuellement, "puisqu'il n'a pas été identifié comme une maladie", ajoute-t-il.