Grippe A : un climat de suspicion

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Les experts chargés de conseiller l’OMS et la France sont accusés d'avoir exagéré les risques.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) fait face à la critique. Le Conseil de l’Europe a auditionné son numéro deux pour obtenir plus d’informations sur la gestion de la pandémie de grippe A. L’indépendance des spécialistes de l’OMS et du comité français de lutte contre la grippe est remise en cause, d’autant que ces derniers bénéficient d’un anonymat quasi-total.

"Nos enfants ont été vaccinés inutilement, l'OMS a fait une erreur grave et ne mérite pas notre confiance". C’est sur un ton plein de reproches que le docteur Wolfgang Wodarg, un expert épidémiologiste allemand, s’est adressé au numéro deux de l’OMS, le docteur Keiji Fukuda. Il a notamment accusé l'OMS d'avoir exagéré la menace de la grippe en la qualifiant de "pandémie" sous la pression des laboratoires.

L’OMS "n'a pas été indûment influencée par les laboratoires", a répliqué Keiji Fukuda, avant d’ajouter : "On ne peut pas savoir immédiatement combien de victimes il fera et il faudra au moins deux ans pour une estimation définitive".

L’anonymat des experts accentue le doute

A l’origine de ce climat de suspicion, le manque de transparence autour des experts scientifiques chargé de conseiller l’OMS. La plupart travaillent pour l’industrie pharmaceutique, ce qui peut remettre en cause leur indépendance. Keiji Fukuda s’est défendu, rappelant que les experts consultés "doivent signer une déclaration relative à leurs intérêts privés".

Problème : cette liste n’est pas publique, elle n’est réservée qu’aux seuls membres de l’OMS. Le Canard Enchaîné avait tenté de connaître l’identité des 18 membres du "comité d’urgence" de l’OMS pour la grippe A. Il n’a reçu aucune réponse, ni de l’organisation, ni des institutions françaises. Dans son édition du 6 janvier 2010, le journal ironisait : "L’opacité comme gage d’indépendance, plutôt original !".

Le coût de la vaccination estimé à 18 milliards de dollars

Mardi matin, le quotidien Le Parisien a affirmé que les "liens d'intérêts" entre six experts de l'OMS et des firmes pharmaceutiques "sont avérés". Le journal cite six chercheurs, tous rémunérés par des laboratoires pharmaceutiques. Certains, à l’image du chercheur Bruno Lina, émargent chez quatre entreprises en même temps.

Dès lors, l’indépendance de ces chercheurs peut être discutée. Le chercheur jamaïcain Peter Figueroa a affirmé que "cela n’a pas influencé mes choix". Les enjeux sont pourtant énormes. A l’origine de cette enquête, le député socialiste allemand Wolfgang Wodarg a affirmé que les campagnes de vaccinations ont provoqué un surcroît de dépenses de 18 milliards de dollars pour les systèmes de santé publique.