Greffe de trachée réussie par une équipe française : "C'est le début d'autres explorations"

Le professeur Emmanuel Martinod, de l'hôpital Avicenne, a réussi à faire une greffe de trachée et présenté ses avancées aux Etats-Unis. 1:06
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Shanel Petit avec Anaïs Huet
Le professeur Emmanuel Martinod, de l'hôpital Avicenne de Bobigny, a réussi à faire une greffe de trachée. Une première mondiale, qui ouvre la voie à bien d'autres avancées médicales.
TÉMOIGNAGE

Leur réussite est spectaculaire, et découle d'un travail titanesque. Le professeur Emmanuel Martinod et son équipe de chirurgiens de l'hôpital Avicenne de Bobigny (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) ont présenté dimanche au congrès de la Société américaine à San Diego, aux États-Unis, une avancée des techniques de greffe qui a permis de guérir des patients qui vivaient avec une trachéotomie. 

"Une solution biologique". Emmanuel Martinod, chef du service de chirurgie thoracique et vasculaire, a décidé avec son équipe de transformer des aortes, plus grand canal sanguin du corps humain, en trachées. Les aortes avaient été prélevées sur des donneurs décédés, et cryogénisées (conservées à -80°C). Leur tissu a été greffé, en plus d'un "stent" (tuteur vasculaire), à la place d'une trachée préalablement retirée. "Avec le temps, on peut retirer le tuyau (le stent, ndlr) qu'on avait mis à l'intérieur pour n'avoir plus qu'une solution biologique. En effet, on voit apparaître du cartilage sur le greffon, ce qui restaure la fonction de trachée", précise le professeur Martinod au micro d'Europe 1.

Un travail de longue haleine. Cette réussite exceptionnelle est le fruit d'une patience infinie. "On a passé dix ans au laboratoire, c'est long. Ensuite, il faut obtenir les autorisations, et là aussi, c'est long. Après, il faut évaluer. Là, on a un recul de plus de sept ans par rapport au premier greffé", décrit le chirurgien. C'est la raison pour laquelle l'équipe du professeur Martinod a attendu aussi longtemps pour présenter les résultats d'opérations, effectuées entre 2009 et 2017. 

Entendu sur europe1 :
Avec l'aorte, on a peut-être trouvé la matrice idéal

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Des patients en "impasse thérapeutique" sauvés. Sur vingt patients sélectionnés, atteints de cancer ou d'autres maladies, sept ont finalement bénéficié d'un traitement plus classique, sans greffe d'aorte. Sur les treize autres, cinq se sont vu reconstruire une trachée, sept des bronches souches (les plus proches de la trachée), et le dernier une carène trachéale (bifurcation entre bronches gauche et droite). À chaque fois à partir d'une aorte. "La mortalité à 90 jours a été de 5%. Il n'y a eu aucune complication grave liée au greffon ou au stent (…) La grande majorité des patients respire aujourd'hui à l'aide du greffon qui s'est transformé", résume l'AP-HP. "Il y avait deux grands groupes de patients : des patients qui étaient en impasse thérapeutique, et un autre groupe de patients atteints des lésions tumorales situées assez haut sur le poumon, et pour lesquelles on envisageait d'enlever l'organe en entier. Avec cette technique, on a pu préserver une portion de poumon, ce qui est capital pour le suivi à long terme", se félicite le professeur Martinod.

Mieux comprendre pour mieux soigner. Surtout, pour l'équipe médicale française, cette réussite marque le début d'une nouvelle ère dans ce domaine. "Avec l'aorte, on a peut-être trouvé la matrice idéale", se réjouit le chirurgien, qui espère aider d'autres organes à se régénérer par cette technique. "C'est le début d'autres explorations pour cet organe (la trachée, ndlr), mais aussi peut-être pour d'autres, comme l'intestin. Ça ouvre un champ de compréhension sur la réparation de l'individu lorsqu'on a des lésions ou des tissus à remplacer." Déjà, l'équipe a formulé "une demande pour un nouveau protocole."