En France, près d'un cancer sur deux pourrait être évité

L'INCa, situé à Boulogne-Billancourt.
L'INCa, situé à Boulogne-Billancourt. © CHRISTOPHE SIMON / AFP
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Anouk Helft , modifié à
Des changements dans le mode de vie pourraient permettre d'éviter près de 40 % des cancers selon le dernier rapport de l'Institut national du cancer. 

384.442 nouveaux cas de cancer ont été diagnostiqués en France au cours de l'année 2015 selon l'Institut national du cancer (INCa). Alcool, tabac, excès de viande rouge, activité sportive trop faible ou inexistante... Les facteurs de risques du cancer sont multiples et connus. 

Dans la 9ème édition du rapport annuel "Les cancers en France", l'INCa met cependant en avant que 40 % des cancers pourraient être évités grâce à des changements dans le mode de vie et le comportement. 

L'impact de l'alimentation et de l'alcool. Selon les données recueillies par l'INCa, 20 à 25 % des cancers sont dus à des habitudes alimentaires particulières, telles que la consommation excessive de viandes et de charcuterie ou au contraire la faible consommation de fibres. 

Autres facteurs alimentaires de risque du cancer : le sel, les aliments salés et les compléments alimentaires à base de bêtacarotène. De même, consommer plus de trois produits laitiers par jour est associé à une augmentation du risque de cancer de la prostate. Pour ce qui est des aliments protecteurs, les experts évoquent les légumes et les fruits, denrées riches en fibres. Récemment, une étude menée par des chercheurs de l'Institut du cancer Dana Farber de Boston mettait notamment en avant l'action bénéfique des fruits à coque tels que les noix ou noisettes sur le risque de résurgence du cancer du côlon. 

Parmi les facteurs de risque comportementaux, on retrouve sans surprise le tabagisme et l'alcool, causes de mortalité évitables les plus meurtrières à l'échelle mondiale. D'après le rapport, le tabac serait responsable de 45.000 décès par cancer en France en 2013.

Selon Catherine Hill, chef du service de biostatistique et d'épidémiologie de l'Institut Gustave Roussy, "ces chiffres ne sont pas du tout étonnants". Pour la spécialiste, "les choses pourraient s'arranger si les lobbys cessaient de dominer le jeu en envoyant des messages erronés. Par exemple, les publicités évoquent souvent le concept de modération lorsque le produit en question est une boisson alcoolisée. Cependant, elles n'évoquent jamais le fait que la modération correspond à dix verres par semaine maximum. "

Le rapport rappelle en effet que la consommation d'alcool en France reste parmi les plus élevées d'Europe. Elle se situerait au sixième rang des pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) les plus consommateurs d'alcool chez les 15 ans et plus. Selon les chiffres de l'INCa, un habitant de plus de 15 ans boit en moyenne 2.6 verres par jour. 

D'après le rapport de l'INCa, la consommation d'alcool augmente le risque de développer un cancer dans sept localisations : la bouche, le pharynx, le larynx, l’œsophage, le côlon-rectum, le sein et le foie. Au total, l'alcool serait responsable de près de 15.000 décès annuels par cancer, soit 9.5 % de l'ensemble de décès par cancer. "La consommation d'alcool a baissé de manière significative" commente Catherine Hill. "Cependant, elle reste beaucoup trop importante et régulière par rapport à ce que les études sanitaires préconisent. " La solution ? "Davantage de communication et de prévention" répond la chercheuse. 

Le rôle sous-estimé des facteurs environnementaux. Pollution, exposition au scanner, bronzage artificiel, pesticides... Les facteurs environnementaux ont également leur part de responsabilité dans la survenance des cancers. D'après l'INCa, 5 à 10 % des cancers y seraient liés. 

Pour le docteur Anne Salomon, médecin pathologiste de l'Institut Curie, "avec l'augmentation de l'espérance de vie, il est très probable que le nombre de cancers augmente fortement dans les années à venir". 

D'après cette spécialiste du diagnostic des cancers du sein, il faut réaliser que tout comme les facteurs environnementaux, il y a des facteurs de risques hormonaux et liés au choix de traitement. "Pour le cancer du sein en particulier, il faut tenir compte de l’impact du nombre de cycles ainsi que de celui de l’allaitement et des traitements hormonaux substitutifs lorsque l’on analyse le taux de survenance " explique-t-elle. 

La question de la survie aux cancers

Pour la première fois, le rapport de l’INCa livre des chiffres relatifs à la survie après différents types de cancer.

Les taux de survie, calculés à partir de l’état du patient quinze ans après le diagnostic, sont les plus faibles après un cancer du pancréas, du foie ou de l’œsophage. Ils tournent autour de 10 %. Le taux de survie au cancer du poumon demeure également mauvais. Il varie entre 14 % et 5 % en fonction de l’âge auquel la maladie se déclare.

"Le très faible taux de survie au cancer du pancréas s’explique par le fait que le pancréas est un organe situé profondément. Son diagnostic est donc extrêmement difficile" commente Anne Salomon.

Le docteur poursuit : "pour autant, le taux de survie à d’autres cancers augmente. Pour le cancer du sein par exemple, il y a de réels progrès. Avec le temps, on voit apparaître une meilleure prise en considération des traitements ajustés. En d’autres termes, pour certains cancers, on préconisera seulement une chirurgie. Cependant, pour d’autres, on prescrira des traitements sur le long terme si besoin, même si le cancer est relativement indolent. La désescalade des traitements est porteuse de beaucoup d’espoir. "

Si la prise en charge des cancers est ainsi encore à améliorer, le suivi du patient l’est également. En effet, selon le rapport de l’INCa, près de 18 % des anciens malades interrogés ont déclaré que l’annonce du diagnostic était "trop brutale".