Des enfants opérés à cœur fermé à Toulouse : une première porteuse d'espoir ?

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Trois enfants ont été opérés à cœur fermé à Toulouse, avec succès, grâce à un logiciel prometteur.

C'est une première : trois enfants, une fillette de cinq ans, une autre de neuf ans, et un petit garçon de six ans, ont été opérés à cœur fermé début novembre à Toulouse, grâce à l'utilisation d'un nouveau logiciel de visualisation en 3D, a-t-on appris ce week-end. Cette expérience, réalisée avec succès, fait partie d'un projet européen de test d'un nouveau logiciel, "l'Echonavigator", fabriqué par Philips. Déjà testée sur les adultes, cette technologie doit être appliquée à une quarantaine d'enfants d'ici deux ans, dans le cadre de ce projet de recherche. Les cardiologues y placent beaucoup d'espoirs.

Comment ça marche ? Concrètement, le logiciel permet de croiser les données issues de deux techniques : les rayons X et l'échographie (ultrasons). Il envoie ensuite le tout sur un écran, qui donne un aperçu du cœur en trois dimensions, d'une précision inégalée. Le chirurgien peut ainsi avoir une vision détaillée de la malformation cardiaque et de l'endroit où elle se trouve. Il peut, grâce à cela, placer des marqueurs sur l'écran. Et le logiciel le guide ensuite lors de l'opération.

Grâce à ce maillage précis de la zone à opérer, le chirurgien peut plus facilement utiliser la technique du "cathétérisme". Au lieu d'ouvrir la poitrine du patient, le cathétérisme cardiaque consiste à introduire par les vaisseaux sanguins (veine ou artère) un cathéter (sorte de tuyau), permettant d’accéder aux cavités cardiaques. Cela nécessite une toute petite entaille, par l'aine.  D'habitude, cette technique nécessite un savoir-faire et une habilité poussés. Mais grâce aux aiguillages fournis par le logiciel 3D, l'opération est plus précise et plus facile.

Quel bénéfice pour le patient ? Pour la personne soignée, le bénéfice est multiple. D'une part, il n'y a plus de cicatrice. L'opération nécessite également une anesthésie moins longue.  Un double avantage qui permet, par exemple, aux personnes fragiles (enfants et personnes âgées par exemple) d'être soignées plus facilement, voire d'être soignées tout court : la lourdeur et la complexité d'une opération de chirurgie cardiaque à cœur ouvert empêche parfois de pouvoir guérir certains patients. Il est également plus simple de soigner les patients en surpoids, chez qui l'accès au cœur est parfois plus difficile. Enfin, cette technologie raccourcit considérablement le séjour à l'hôpital : on passe d'une ou plusieurs semaines à 72h en moyenne. Les enfants soignés début novembre à Toulouse ont, eux, pu rentrer chez eux 36h après l'opération. 

Ya-t-il encore des doutes à lever ? "L'Echonavigator", commercialisé depuis deux ans en Europe et aux Etats-Unis, commence à faire ses preuves sur les adultes. Une vingtaine d'hôpitaux l'utilise en Europe, dont deux en France (Toulouse et Créteil). Idem aux Etats-Unis. Mais le CHU de Toulouse est le premier à faire l'essai sur des enfants. C'est également l'hôpital toulousain qui conduira l'expérimentation sur les quarante enfants prévue par le projet de recherche européen. Que reste-t-il à prouver ? "Il n'y a plus vraiment de doutes à lever. Nous allons simplement tester la faisabilité du logiciel. C'est un outil très puissant et il faut s'assurer qu'il fonctionne vraiment, sur du long terme. Trois enfants, ce n'est pas suffisant", détaille  le Pr. Acar, cardiologue et pédiatre, aux manettes du projet de recherche.

Bientôt un logiciel dans chaque hôpital ?  Chez Philips, seule entreprise à développer la technologie pour le moment, on assure que "de nombreux sites rêvent" de ce logiciel. Mais se pose pour l'heure un problème de taille pour sa généralisation : le prix. L'Echonavigator, fabriqué à partir d'une technologie de pointe, coûte minimum 200.000 euros. Et il faut rajouter plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'euros supplémentaires pour s'équiper d'une salle de cathétérisme dernier cri, avec obligatoirement un équipement de marque Philips pour que cela soit compatible.

"Il faut beaucoup de matériel", reconnaît le Pr. Acar. "Pour notre part, nous avons pu bénéficier de plusieurs années de partenariat avec Philips. Nous bénéficions également de certains fonds grâce au projet de recherche", détaille le professeur. A Créteil, ils ont construit la salle en même temps que l'achat du logiciel. Mais pour les hôpitaux qui ont déjà investi dans une salle, il y a quelques années, il faut désormais la mettre à jour. Surtout si l'équipement n'est pas de marque Philips. Pour le Pr. Acar, toutefois, l'Echonavigator et la recherche qu'il y a autour de sa technologie vont entraîner "une émulation" : "d'autres entreprises s'y mettront. Cela va se développer dans les prochaines années".