Depuis 20 à 30 ans, "notre humanité ne progresse plus autant qu'avant"

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A.H. , modifié à
Pour le professeur de physiologie Jean-François Toussaint, ce ne sont pas l'intelligence artificielle ou le transhumanisme qui permettront à l'homme de battre de nouveaux records de longévité.
INTERVIEW

Les humains pourront-ils bientôt vivre jusqu'à 200 ans ? Mesureront-ils en moyenne plus de 2 mètres ? Ou vivre l'intégralité de leur vie en parfaite santé ? Les progrès de la science s'accompagnent de bon nombre de fantasmes sur les capacités de l'espèce dans le futur. Mais selon Jean-François Toussaint, médecin et professeur de physiologie à l'université Paris-Descartes, "on nous survend un certain nombre de choses. (…) Notre humanité ne progresse plus autant qu’elle l’a fait jusqu'à présent."

Les maximums atteints ? "Ce que l’on constate actuellement, c’est que l’ensemble des grands indicateurs de santé publique, de physiologie, les capacités sportives depuis 20-30 ans, sont en train d’atteindre des plafonds. Et dans ce même temps, on nous dit qu’un grand sursaut va tout d’un coup changer les règles qui nous amènent à ces plafonds", indique-t-il vendredi dans la matinale d'Europe 1. Le record de longévité par exemple, détenu par Jeanne Calment (122 ans), "constitue le maximum réellement validé dans l’espèce humaine". L'espérance de vie "n’augmente plus depuis 20 ans, comme tout le reste des maximums : le saut en hauteur, la vitesse de course, etc. D'autres indicateurs sont en train de montrer leurs plafonds, comme la taille moyenne des populations adultes dans tous les pays du monde. Certains pays sont même en train de commencer des régressions", précise-t-il.

Génétique et environnement. Comment expliquer ce ralentissement, si ce n'est ce coup d'arrêt, porté au franchissement graduel des limites de l'espèce humaine ? Pour Jean-François Toussaint, la réponse est à aller chercher dans la génétique et l'environnement. "En repoussant les contraintes environnementales pendant les deux derniers siècles, on a réussi à exprimer beaucoup plus que ce que l’on pouvait exprimer jusque là. Tout ça dépend d’une grande conquête énergétique (…) de l'alimentation, de l'hygiène, de la vaccination, puis de l'ensemble des capacités médicales", détaille le médecin. 

Selon Jean-François Toussaint, "ni l'intelligence artificielle, ni l'ensemble des techniques en place" ne permettront de contrecarrer "les règles du vivant". S'il ne réfute pas en bloc l'intérêt de l'exploration de telles techniques, il souligne surtout "l'intérêt commercial pour tous ceux qui prônent la mort de la mort, qui prônent l’idée que le transhumanisme va pouvoir nous permettre de vivre 500 ans."