Et la contraception masculine, on en est où ?

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Alors que le marché de la contraception féminine est en pleine évolution, la recherche sur la contraception pour homme avance.

Les habitudes changent. En 2010, 45% des femmes utilisaient la pilule comme moyen de contraception. Elles n'étaient plus que 40,5% en 2013, et 36,5% en 2016, selon une étude de Santé publique France publiée à l’occasion de la Journée mondiale de la contraception, ce mardi. L’utilisation du stérilet ou dispositif intra-utérin (DIU, +6,9 points par rapport à 2010), elle, progresse, tout comme celle du préservatif (+4,7 points) désormais prisé aussi des couples stables. Des chiffres qui posent aussi une question en filigrane : où en est la contraception masculine dans tout ça ?

Il existe déjà des méthodes en France

Outre le préservatif et le retrait, les hommes ont déjà, en France, accès à plusieurs moyens de contraception.

La vasectomie, d’abord, qui reste très contestée : si elle n’implique pas de dérèglement hormonal ou du comportement, elle reste irréversible dans 20% des cas et n’est pas efficace à 100%.

La contraception hormonale, ensuite, qui consiste en une injection hebdomadaire d’hormones (un mélange de progestatif et de testostérone) par les muscles. Le hic : seuls deux médecins la pratiquent en France, le Dr. Soufir, médecin à l’hôpital Cochin de Paris, et le Dr. Mieusset de l’hôpital Paule de Viguier à Toulouse. Pourquoi une telle confidentialité de ce traitement, alors que son efficacité a été approuvée par l’Organisation Mondiale de la Santé ? La réponse est multiple. Elle peut être culturelle, d’abord : si 61% des hommes se disent prêts à prendre un contraceptif, selon un sondage CSA, de nombreuses autres études montrent la défiance des hommes envers la contraception hormonale masculine, qu’ils associent "à une ‘perte de la virilité’" (lire par exemple les travaux des psychologues Nikos Kalampalikis et Fabrice Buschini).

En outre, ce traitement comporte des limites. Il ne peut se prendre que pour 18 mois maximum (sinon il risque de rendre stérile), et il n’est efficace qu’au bout du deuxième ou troisième mois. En outre, il ne peut pas être prescrit à tout le monde : les hommes de plus de 45 ans et ceux ayant certains antécédents médicaux - comme un cancer de la prostate dans la famille ou un souci cardiaque – ne peuvent y prétendre. Et dans à peu près 15% des cas, le traitement comporte certains effets secondaires non négligeables : hausse de libido excessive, sautes d’humeur, prise de poids, acné etc. Si vous voulez en savoir d'avantage, vous pouvez visiter le site de l'Ardecom, une association en pointe dans l'information des hommes désireux de prendre trouver un moyen de contraception.

La contraception thermique, enfin, n’est pratiquée qu’à l’hôpital Paule de Viguier de Toulouse. Par le port d’un "slip chauffant" qui élève la température des testicules de deux à trois degrés, cette méthode inhibe la production des gamètes mâles. Mais ce moyen de contraception a également ses limites. L’efficacité n’est obtenue qu’au bout de deux à trois mois (le slip doit être porté au moins 15 heures par jour), et il ne faut pas l’utiliser plus de quatre ans, au risque de devenir stérile. En outre, l’efficacité de cette méthode n’a été testée "que" sur 51 couples, pour lesquels, toutefois, la réussite fut maximale.

Plusieurs pistes de recherches prometteuses

Cela fait plus de trente ans que les chercheurs du monde entier tentent de trouver une contraception masculine 100% efficace et aux effets secondaires moindres. Mais s’ils se rapprochent de l’objectif, les résultats sont encore perfectibles.

Dans leurs travaux du 27 octobre 2016, les chercheurs de l'Université de Munich, financés par l’Organisation mondiale de la Santé, ont par exemple réussi à trouver une méthode efficace à 96% testée sur 320 patients. Le hic : elle comportait de nombreux effets secondaires, et 20 patients ont abandonné le test. La méthode consistait en des injections hormonales dans les fesses toutes les huit semaines. Problème ? 46% des patients ont contracté de l’acné, 38% une hausse accrue de libido, 25% des troubles de l’humeur ou des douleurs au niveau de l’injection et 16% des douleurs musculaires.

Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, de nombreux chercheurs tentent également de mettre au point des pilules, hormonales ou à base de mini-protéines, mais ils sont à chaque fois confrontés à un double problème : les effets secondaires (à peu près les même qu’à Munich) sont encore nombreux et les laboratoires sont encore peu enclins à financer des projets à l’issue commerciale incertaine.

Des résultats prometteurs ont par ailleurs été obtenus récemment, en Inde et aux Etats-Unis, pour une nouvelle méthode : l’injection d’un gel (à la composition complexe) dans le canal déférent, qui bloquerait la sortie des spermatozoïdes des testicules sans bloquer celle du liquide séminal. Cette méthode a montré une efficacité sans faille sur des lapins et des singes, mais les résultats d’essais sur l’homme ne sont pas attendus avant 2020.

Des chercheurs de Berkeley, ont, enfin, présenté en juin un contraceptif potentiellement révolutionnaire, sans hormones, combinant deux molécules extraites de diverses plantes. "Ces deux composés naturels permettraient de bloquer la stimulation de la progestérone sur le sperme, inhibant ainsi le mouvement des spermatozoïdes nécessaire à la fécondation de l’ovule", décrit le magazine "1" dans son numéro du 6 septembre dernier. Qui poursuit : "Un véritable ‘préservatif moléculaire’ qui pourrait dès lors être synthétisé et utilisé de façon ponctuelle, lors d’un rapport, aussi bien par l’homme que par la femme, mais aussi comme contraceptif permanent sous forme de patch ou d’anneau vaginal". Des tests sur des primates devraient bientôt être réalisés. Sous réserve d’avoir les financements nécessaires, de la part d’une industrie frileuse à l’idée de préparer "l’après pilule".