La congélation des ovocytes, une pratique exceptionnelle en France

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Fabienne Cosnay , modifié à
LA QUESTION - Seules les femmes dont la fertilité est altérée en raison d'un traitement médical peuvent en bénéficier. Faut-il élargir cette pratique ? 

L'ACTU. Aux Etats-Unis, Facebook et Apple ont décidé de prendre en charge la congélation des ovocytes de leurs employées afin de leur permettre d'avoir un enfant au moment où elles le désirent. Invitée d'Europe 1 mercredi, la ministre de la Santé Marisol Touraine a estimé que cette possibilité n'était "certainement pas un débat pour directeurs de ressources humaines". "Attention à ces projets, ce sont des enjeux difficiles, compliqués, qui ont des conséquences éthiques", a martelé la ministre de la Santé. "C'est une OPA sur la vie privée des femmes qui est tout à fait condamnable", abonde sur Europe 1 le gynécologue obstétricien René Frydman, père scientifique des premiers bébés nés à partir d'un ovocyte congelé.

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Que dit la loi ? En France, une femme qui n'a pas de problème de santé particulier ne peut pas demander la conservation de ses ovocytes. La congélation pour "convenance personnelle" est en effet interdite.

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Qui peut en bénéficier aujourd'hui ? Seules les femmes suivant un traitement altérant la fertilité peuvent en bénéficier, si on se rapporte à la loi de bioéthique de juillet 2011. Les femmes dont la stérilité est menacée par un traitement médical, une chimiothérapie par exemple, ont la possibilité de conserver leurs ovocytes pour pouvoir avoir un enfant, malgré leur cancer.

Une réponse à l'infertilité ? Dans un avis rendu en décembre 2012, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français s'était prononcé pour une congélation des ovocytes. "L'autoconservation ovocytaire est "la seule méthode de traitement de l'infertilité réellement efficace à 40 ans et plus", et permet, à l'inverse des fécondations après dons d'ovocytes, qui connaissent une véritable pénurie en France, "d'utiliser le capital génétique des couples", écrivaient ces experts.

Car les femmes ont des enfants de plus en plus tard. Aujourd'hui, une femme en moyenne accouche à l'âge de 30 ans et 4 mois, que ce soit pour son premier enfant ou pour les autres, selon une étude de l'Insee publiée en septembre. A titre de comparaison, en 1970, l'âge moyen du premier enfant chez les femmes françaises n'atteignait même pas les 24 ans. Or, dans le même temps, l'infertilité augmente avec l'âge. Les chances de grossesse par cycle sont ainsi de 25% à 25 ans, 12% à 35 ans et 6% à 40 ans.

Quel est le taux de réussite ? "Ce n'est pas une baguette magique", prévient le professeur Frydman. 25 à 40% des femmes ayant recours à l'autoconservation ovocytaire auront un enfant.

Quel garde-fou ? "Il faut offrir cette possibilité à des  jeunes femmes qui, en toute connaissance de cause, font leurs calculs, risque contre risque, et choisissent cela en étant informées", estime René Frydman. Pour autant, pour ne pas encourager les grossesses tardives, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français préconisait l'instauration d'une limite d'âge au-delà de laquelle une femme ne pourrait plus être inséminée avec les ovocytes qu'elle aurait fait congeler.

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Qui doit payer ? Au-delà du débat éthique, la question du financement de la congélation des ovocytes est aussi cruciale. "La question est aussi de savoir qui paye. Est-ce que c'est de la prévention médicale et dans ce cas, cela doit être pris en charge par la Sécurité sociale - comme les mammographies remboursées après 40 ans - ou est ce qu'on considère que congeler ses ovocytes relève de la convenance personnelle comme pour la chirurgie esthétique ?", interroge le professeur Frydman. 

"Dans notre système de santé français, l'équité d'accès aux soins est un principe fondateur. Mais imaginer une prise en charge par la Sécurité sociale n'est pas raisonnable si ce droit concerne toutes les femmes françaises", affirme au Monde Jean-Pierre Wolf, chef du centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos) de l'hôpital Cochin.