Vote des étrangers : Valls à contre-courant

Manuel Valls s'était prononcé dès janvier 2010 pour le droit de vote des étrangers. Il est aujourd'hui plus réticent.
Manuel Valls s'était prononcé dès janvier 2010 pour le droit de vote des étrangers. Il est aujourd'hui plus réticent. © Christophe Morin/MaxPPP
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Opinion publique, PS, et même lui-même… la prise de position du ministre de l’Intérieur détonne.

LA PHRASE. Le droit de vote des étrangers,  "est-ce que c'est aujourd'hui une revendication forte dans la société française ? Un élément puissant d'intégration? Non", répond Manuel Valls, plus très franchement emballé, dans Le Monde daté de mardi.

Avec cette déclaration, le ministre de l'Intérieur se positionne...

...Contre le candidat Hollande.  Il s’agissait dans le programme du candidat Hollande de l’engagement numéro 50. "J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans", est-il écrit au cœur des 60 propositions de l’actuel chef de l’Etat. Tout au long de la campagne, François Hollande a répété cette promesse. Et le 2 mai, lors du grand débat d’entre-deux-tours, il s’était même dit prêt à aller jusqu’au référendum sur cette question.

La proposition n° 50 du candidat Hollande :

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...Contre le Parti socialiste. La prise de positon de Manuel Valls coïncide avec la publication, le même jour et dans le même quotidien, d’une tribune signée par 75 députés PS pour réclamer à François Hollande la mise en œuvre rapide de la réforme portant sur le droit de vote des étrangers. "La réforme doit intervenir rapidement, pour se donner les moyens de l'appliquer lors des prochaines municipales", écrivent ces élus, parmi lesquelles se trouvent certaines figurent du parti, tels Elisabeth Guigou, Patrick Bloche, Jean-Jacques Urvoas, Razzy Hammadi, Annick Lepetit ou encore Patrick Menucci.

>> A lire aussi : l'appel de 75 députés PS

Lundi encore, David Assouline, porte-parole du PS, a martelé l’attachement de sa formation à la mesure. "Ce droit doit s’inscrire, parce qu’il est légitime, c’est la démocratie telle que nous la concevons au niveau local", a déclaré le sénateur de Paris lors de son point-presse hebdomadaire. "Le PS souhaite bien entendu que cet engagement soit réalisé", a-t-il insisté.

...Contre l’opinion publique.  A en croire les sondages, une majorité de Français est favorable au droit de vote des étrangers, et ce depuis de nombreuses années. Une étude Ifop pour le JDD datant de 2005 montrait que 63% des personnes interrogées se prononçait pour. Fin novembre 2011, dans un sondage BVA, 61% des français se disaient favorables à l'idée du vote des étrangers pour les élections locales. Pour les sondeurs, l’opinion publique semble donc prête.

...Contre lui-même. C’est peut-être le plus gênant. Cette réticence au droit de vote des étrangers est une première pour Manuel Valls. Durant toute la campagne, il n’a évidemment pas eu d’autres choix que de soutenir la proposition de son candidat. En mars 2012, il avait ainsi qualifié sur Europe 1 de "nauséabonds" des propos de Claude Guéant liant droit de vote des étrangers et nourriture hallal dans les cantines.

"Engagement de campagne, cette réforme devra trouver les voies de sa mise en œuvre", répétait-il encore le 27 juillet dernier dans Maroc Hebdo. Surtout, dès le 13 janvier 2010, loin encore de l’échéance présidentielle, le député-maire d’Evry de l’époque avait plaidé pour le droit de vote des étrangers. "C’est un vieux combat des socialistes", disait-il alors sur France Info. "En 2012, nous devrons porter cette belle proposition", avait-il ajouté.

Et c'est un combat qui remonte à fort loin pour Manuel Valls. Dans un billet de blog datant du 31 mai 2007, exhumé par @Salam93 sur Twitter, l'actuel ministre de l'intérieur se désespère. "Cela fait des années que nous attendons que le droit de vote des étrangers aux élections locales soit reconnu", affirme-t-il alors. Et de rappeler : "Le 26 novembre 2002, j’ai déposé avec Jean-Marc Ayrault et Bernard Roman, une proposition de loi constitutionnelle allant dans ce sens." C'est donc à un combat de 10 ans auquel semble renoncer Manuel Valls.