Villeneuve-sur-Lot : la fin du front républicain ?

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Fabienne Cosnay , modifié à
A l'UMP comme au PS, cette stratégie censée faire barrage au FN est aujourd'hui remise en cause. 

La question. C'est un sujet qui met d'accord le FN, plusieurs responsables de l'UMP et certains députés socialistes : le concept de "front républicain", stratégie censée faire barrage au FN, a vécu. La forte abstention enregistrée (47,53%), le pourcentage élevé de votes blancs ou nuls (14,25%) et le gain de 7.000 voix supplémentaires engrangé par le candidat du FN Etienne Bousquet-Cassagne à Villeneuve-sur-Lot, et ce, malgré l'appel du PS à faire "barrage" au parti d'extrême droite, seraient autant de preuves de l'inefficacité du front républicain.

Marine Le Pen

Le FN enterre le f

ront républicain. Au vu du "score historique" d'Etienne Bousquet-Cassagne, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a jugé dimanche soir que "le principal enseignement" de cette législative partielle était que "le soi-disant 'front républicain' (était) mort". "L'UMPS n'arrive plus à mobiliser son électorat pour empêcher le Front national de gagner des suffrages", a conclu la présidente du FN. "C'est un échec du 'front républicain', ça ne fonctionne plus", a renchéri Louis Alliot, vice-président du FN. "Je rappelle qu'en 2002, le 'front républicain' avait permis à M. Chirac d'être élu avec 80%, et 20% pour Jean-Marie Le Pen. Aujourd'hui, les 'fronts républicains' donnent 51, 52, mais pas beaucoup plus", a t-il pris soin de préciser.

Pour Florian Philippot, également vice-président du FN, le 'front républicain' est avant tout "une combine entre des partis qui font semblant 364 jours sur 365 de s'opposer et qui en réalité, au moment crucial de l'élection, sont ensemble", a-t-il fustigé lundi sur Europe 1.

Les doutes de l'UMP. Plusieurs ténors du parti n'hésitent plus à s'interroger ouvertement sur l'efficacité du front républicain. "Je ne suis pas sûr que faire du 'front républicain' une stratégie nationale soit une bonne idée,  je me demande même si ça n'alimente pas, d'une certaine manière, la propagande du Front national qui veut mettre l'UMP et le PS dans le même sac - le 'tous pourris' - pour s'en dissocier", a estimé Alain Juppé, ancien fondateur de l'UMP, dimanche sur BFM-TV. Pour le patron des députés UMP, Christian Jacob, cette stratégie est contre-productive puisque ce front n'apporte pas "une réponse politique durable". Un sentiment partagé par Valérie Pécresse. "Félicitations à Jean-Louis Coste pour son élection à Villeneuve sur Lot, mais ce soir le "Front Républicain" des socialistes a vécu", a écrit l'ancienne ministre du Budget sur son compte Twitter.

Sur Europe 1, Jean-François Copé a fustigé ce concept, estimant que cette notion n'avait pas "de réalité". "Je n'ai jamais cru au front républicain (…) Ce qui me paraît très important, c'est que les électeurs comprennent bien les différences qui existent entre les différents partis, le PS et l'UMP, ce n'est pas pareil", a indiqué le président de l'UMP. En rappelant qu'il n'avait jamais cru à ce concept, le député-maire de Meaux justifie aussi la stratégie du "ni-ni", ni front républicain ni FN, qu'il avait arrêtée avec Nicolas Sarkozy et qui n'a cessé de diviser le parti depuis les élections cantonales de 2011.

Au PS, le décès n'est pas acté. Enterré le front républicain ? Absolument pas, assure François Hollande. "C'est grâce aux voix socialistes que Jean-Louis Costes a été élu", a confié le président, en marge de son déplacement au Qatar. Invitée sur Canal+, lundi matin, Marisol Touraine préfère le "sens républicain" au "front républicain" mais l'idée est la même. "Je me réjouis que le sens républicain l'ait emporté, c'est d'autant plus à remarquer que du côté de la droite, ce n'est pas toujours le cas. Les discours ambigus sur la nécessité de ne pas voter pour le Front national ont été fréquents", a taclé la ministre des Affaires sociales.

… mais des élus PS s'interrogent. Des députés situés à la gauche de la gauche ont fait part sur Twitter de leurs doutes sur la pertinence du front républicain. Les députés Yann Galut et Razzy Hammadi contestent ainsi son caractère systématique. "L'automaticité du Front républicain, ça suffit !", écrit le député de Seine-Saint-Denis sur son compte Twitter. Pour le député du Cher Yann Galut, la direction politique prise par l'UMP, à savoir la ligne Buisson, oblige le PS à revoir l'automaticité de son vote en cas de duel UMP-FN à une élection. "Le PS ne saurait en effet donner de consignes de votes de front républicain contre le Front national là où les candidats de l’UMP reprennent eux-mêmes les thèses que nous combattons". "La 'droite décomplexée' de l’UMP se révèle en fait n’être qu’emprunt des codes, des valeurs, du langage et du programme du Front national", accuse le cofondateur de la Gauche forte.

Cope-Fillon

A l'UMP, l'heure du choix. Alors que les élections municipales et européennes se profilent à l'horizon 2014, l'UMP se retrouve aujourd'hui confronté à un choix. Le parti doit-il courir derrière le FN ou au contraire marquer sa différence avec le parti d'extrême droite ? Sur Europe 1, lundi, Jean-François Copé a défendu sa "droite décomplexée", "une droite qui assume un message d'autorité", qui donne "un message de courage sur les questions économiques" et "un pays généreux socialement mais sans assistanat". A l'annonce des résultats de Villeneuve-sur-Lot, dimanche soir, le patron de l'UMP estimait déjà que "pour reconquérir le coeur des Français", l'UMP devait "continuer d'assumer une ligne politique qui soit claire, qui ne soit pas de l'eau tiède, qui ne soit pas dans l'ambiguïté", prônant "une droite décomplexée, fière d'elle-même, qui assume". Quitte à s'approprier les thèmes du FN. François Fillon, lui, voit les choses autrement. Lors du verdict des urnes, l'ancien Premier ministre a appelé l'UMP à rester "fidèle à ses valeurs" et "à fédérer largement les forces de la droite et du centre autour de propositions courageuses et crédibles". Deux lignes, donc.