Une région sans élus de gauche, la triple peine

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En Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Paca, seuls la droite et le FN siégeront au Conseil régional pendant six ans. Un crève-cœur pour la gauche. Mais pas seulement…

"Pendant 5 ans, les socialistes ne siégeront pas dans ces régions". La sentence est signée Jean-François Cambadélis, et elle illustre concrètement la principale conséquence des retraits de liste décidés en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Paca, pour faire barrage au FN. Elle comporte une erreur aussi, puisque les conseillers régionaux sont élus pour six ans et non pour cinq, comme le laisse entendre le premier secrétaire du PS. C’est donc pendant six ans qu’aucun élu socialiste, et au-delà de gauche, ne sera présent sur les sièges de ces conseils régionaux.

  • Une page qui se tourne

Aucun élu de gauche dans le Grand Nord et en Paca, c’est d’abord une page d’histoire qui se tourne. Picardie est dans l’escarcelle de la gauche depuis 2004 et Paca depuis 1998. Surtout, depuis les premières élections régionales, en 1986, la région Nord-Pas-de-Calais avait toujours été classée à gauche. La claque électorale est donc d’une ampleur inégalée. Et sans les relais locaux que constituent les conseillers régionaux, la reconquête s’annonce difficile.

  • L’impuissance sur les politiques régionales

C’est la conséquence la plus directe, celle sur le fonctionnement même de la région. "Concrètement, la gauche sera absente de la gestion des lycées, de la gestion des transports, dont les trains, et des organismes de formations professionnelles", résume Jean-Luc Bœuf, spécialiste des collectivités territoriales. En outre, pas de conseillers régionaux, même dans l’opposition, implique l'absence de présence dans les commissions, pas de déplacements dans les lycées, bref, une prise de distance progressive, et forcément dommageable, avec le terrain. "C’est un coup d’arrêt à un mécanisme de représentation exceptionnelle auprès des électeurs", explique l’auteur d'Un seul lit pour deux rêves, La France et ses régions (Primset éditions).

A moyen terme aussi, alors que les régions et leurs compétences sont en pleine redéfinition, "la gauche sera absente, dans les territoires concernés, de tout ce qui va se dessiner dans les deux-trois ans à venir", poursuit le spécialiste.

  • Un manque de personnel politique pour l’avenir

C’est la conséquence à plus long terme, la moins quantifiable, mais peut-être la plus pénalisante. Plus d’élus régionaux signifient plus de collaborateurs dans les cabinets ou dans les permanences, plus d’agents dans les organismes régionaux… En résumé, un personnel politique qui manquera forcément. "On sait bien qu’il y a des collaborateurs de cabinets qui peuvent devenir ensuite assistants parlementaires auprès d’un député, revenir à la Région, devenir candidats", rappelle Jean-Luc Bœuf. "Là, le robinet est coupé pendant six ans. C’est tout un système de recrutement qui est tari."

  • Moins d’élus, moins de cotisations

Avec les retraits dans le Grand Nord et en Paca, la gauche dans son ensemble va perdre pas moins de 180 élus régionaux. Les conséquences sont aussi financières pour les partis concernés. Prenons l'exemple du Parti socialiste. Ses statuts édictent que les élus "percevant une indemnité au titre de l’exercice d’un mandat sont tenus de payer une cotisation à l’association départementale de financement de leur fédération", en clair à leur formation politique. Les conseillers régionaux de Paca et du Grand Nord (régions de plus de 3 millions d'habitants), touchent 2.661 euros brut par mois, ils doivent reverser entre 8 et 10% de cette somme à leur fédération locale. Avec près de 90 élus socialistes de moins, le manque à gagner pourrait donc atteindre près de 200.000 euros annuels pour le PS. Non négligeable, d’autant qu’après les défaites des départementales de mars 2015 et des européennes de 2014, l’addition des revers électoraux commence à être salée pour la rue de Solférino.

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