Un gouvernement resserré, est-ce vraiment efficace ?

Au total, le gouvernement d'Édouard Philippe compte 22 membres, dont seize ministres, deux ministres délégués et quatre secrétaires d'État.
Au total, le gouvernement d'Édouard Philippe compte 22 membres, dont seize ministres, deux ministres délégués et quatre secrétaires d'État. © DESK / AFP
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Avec 22 membres, le gouvernement annoncé mercredi est le deuxième plus restreint de la Vème République. Est-ce pour autant un gage de réussite ?
ON DÉCRYPTE

C’est une promesse globalement tenue. Le nouveau gouvernement français, dont la composition a été dévoilée mercredi, compte seize ministres de plein exercice, deux ministres délégués, et quatre secrétaires d'État, soit 22 membres au total, là où Emmanuel Macron parlait, en mars dernier, d’une quinzaine de ministres. Après avoir ressemblé à une chimère au cours des trente dernières années, ce vœu souvent énoncé d’un "gouvernement resserré" semble donc s’être réalisé dans les faits. Mais si certains y voient un vrai gage d'efficacité, d'autres estiment au contraire que tout n'est qu'une affaire de communication.

Le deuxième plus restreint de la Vème République. En pratique, l’équipe gouvernementale comprend un nombre de membres variable qui n’est fixé par aucun texte. Le gouvernement Philippe est cependant le plus compact de la Vème République, après le gouvernement Fillon I, constitué en mai 2007, et composé de 19 membres : quinze ministres et quatre secrétaires d'État. Le gouvernement le plus étoffé a en revanche été, avec 48 membres, le gouvernement Rocard II, formé en juin 1988.

Éviter les interférences.  Pour le chef des députés radicaux de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg, c'est simple : au-dessus de trente, c'est trop. En 2016, il avait ainsi proposé – en vain - une loi constitutionnelle pour plafonner le nombre des membres du gouvernement. Selon cet élu du Val-de-Marne, lui-même ministre de la Recherche dans le gouvernement de Lionel Jospin (2000-2002), une équipe trop nombreuse risquerait de manquer de cohésion, voire de connaître des interférences ou des conflits de compétence. "La délibération collégiale est restreinte s'il y a trop de membres", souligne-t-il auprès d'Europe1.fr.

Un équilibre à trouver. "Quand il y a un nombre important de ministres, c'est parce qu'on veut faire plaisir à tout le monde, afin que toutes les tendances de la majorité soient représentées", explique quant à lui Christian Delporte, historien spécialiste de la communication politique. C'est peut-être là, précisément, où Emmanuel Macron a réussi son pari. Car dans le tout premier gouvernement de son quinquennat, aussi petit soit-il, plusieurs courants politiques sont représentés : si la moitié des ministres n'est issue d'aucun parti politique, trois viennent de LREM, deux de LR, deux du PS, deux du MoDem et deux du Parti radical de gauche.

" L'enjeu, c'est de savoir si le périmètre de la fonction est bien déterminé "

Et si ce n'était pas la taille qui comptait ? "Ce qui compte, ce sont les fonctions", assure Christian Delporte, selon qui "l'enjeu, ce n'est pas de savoir combien ils sont, mais est-ce que le périmètre de la fonction est bien déterminé. Car si ministres et secrétaires d'État font la même chose, le dynamisme est brouillé", observe-t-il.

Des économies de faites. Autre argument souvent avancé par les partisans d'une équipe resserrée : limiter le nombre de ministres permettrait de faire des économies. En 2012, le député socialiste René Dosière, spécialiste de la gestion des finances publiques, estimait qu'un ministre coûte environ 17 millions d'euros par an à la collectivité, ce total comprenant les frais de personnel, la communication, le loyer théorique, les frais de fonctionnement et le train de vie.

" Ce n'est pas ça qui va sauver les dépenses publiques "

"Compte-tenu de l'ampleur des dettes et des déficits publics, cela reste symbolique", nuance Christian Delporte auprès d'Europe1.fr. "C'est la même chose avec la diminution du nombre de parlementaires, souvent prônée par les candidats et souhaitée par les Français. Ce n'est pas ça qui va sauver les dépenses publiques", avance l'historien et politologue.

"C'est d'abord un coup de com'". "Le gouvernement resserré, c'est d'abord un coup de com'", continue-t-il. L’objectif serait d’offrir aux Français l’image d’un gouvernement au sein duquel la communication est plus aisée, et la prise de décision plus fluide. "Afficher une quinzaine de ministres, c'est aussi afficher les priorités du gouvernement", analyse encore ce professeur à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

Les secrétaires d'État, variable d'ajustement ? Reste que la vérité du jour n'est pas toujours celle du lendemain. Les secrétaires d'État, qui ne participent aux Conseils des ministres que lorsque leurs dossiers sont discutés, ne sont que quatre dans le gouvernement Philippe : Christophe Castaner (chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement), Mounir Mahjoubi (chargé du Numérique), Sophie Cluzel (chargée des personnes handicapées) et Marlène Schiappa (chargée de l’égalité des femmes et des hommes). Mais ils pourraient bientôt être beaucoup plus nombreux.

 

Tout au long de la présidence Sarkozy, par exemple, le nombre de ministres est quasiment resté stable, et l'ancien chef de l'État a en cela tenu sa promesse. Celui des secrétaires d’État et des ministres délégués, en revanche, a servi de variable d'ajustement. Le gouvernement Fillon a ainsi compté jusqu'à 37 membres au total.

Tout pourrait vite changer. Comme en 1997 et en 2007, les cartes risquent d'ailleurs d'être rebattues dès le mois de juin, à l'occasion des élections législatives et d'un éventuel remaniement dans la foulée. Malgré les promesses, rares sont donc les gouvernements à être restés sous la barre des trente membres. Le 2 mai 2012, quatre jours avant son élection à la tête du pays, François Hollande affirmait à ce propos dans un entretien au Dauphiné Libéré : "La promesse d’une équipe restreinte ne dure qu’un jour, la veille du gouvernement". Et les semaines qui suivent ?