Un accord de majorité à gauche, planche de salut d’un PCF en danger

En 2017, le Parti communiste veut enrayer son déclin. FRED DUFOUR / AFP
En 2017, le Parti communiste veut enrayer son déclin. © FRED DUFOUR / AFP
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Divisé sur son soutien à Jean-Luc Mélenchon et défié par la France insoumise pour les législatives, le Parti communiste veut survivre grâce à une union de la gauche.

Réconcilier deux candidats décidés à se tourner le dos. Mardi, le Parti communiste a lancé un appel à "un pacte de majorité pour gouverner la France", relayé par Libération, manière d’encourager le dialogue entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon après un week-end où chaque camp s’est coupé de l’autre. Dans le scénario fou de cette élection présidentielle, le PCF veut "éviter la défaite de la gauche" en dialoguant avec la France insoumise, le Parti socialiste et les écologistes. Et reprendre des couleurs après un long déclin que presque rien n’est venu interrompre.

Une majorité pro-Mélenchon. Cette perte d’influence, c’est d’abord celle d’un courant politique historique en France, passé en quelques décennies des portes du pouvoir au silence de la minorité. Jusqu’où remonter pour témoigner de cette perte de vitesse ? Plusieurs dates symbolisent plus que d’autres une lente agonie : 1984, le tournant de la rigueur de François Mitterrand et le départ des communistes du gouvernement ; 2007, la dernière élection présidentielle à laquelle s’est présenté un candidat étiqueté PCF. Il s’agissait de Marie-George Buffet. Elle avait alors récolté 1,93% des suffrages, très loin des 21,27% de Jacques Duclos en 1969.

Dix ans plus tard, la députée de Seine-Saint-Denis incarne l’aile pro-Mélenchon du parti, majoritaire depuis fin novembre et la décision des militants de soutenir le leader de la France insoumise à la présidentielle, au détriment d’une candidature autonome. "Heureusement que nous avons dit que nous le soutenions…" se rassure aujourd’hui auprès d’Europe1.fr l’ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports du gouvernement Jospin. Qui se dit certaine d’être en tête à gauche le soir du premier tour avec le leader de la France insoumise.

Les législatives, enjeu essentiel pour le PCF. De l’autre côté du parti, les dents grincent toujours. Au-delà de l’absence d’une candidature communiste, c’est l’attitude de Jean-Luc Mélenchon qui irrite depuis quelques mois. L’eurodéputé a répété sa volonté de présenter 577 candidats aux législatives, dont certains dans des circonscriptions jugées "gagnables" par le Parti communiste. “Nous butons très souvent dans le dialogue avec la France insoumise sur une attitude très rigide de nos partenaires”, déplorait Pierre Laurent, secrétaire général du Parti communiste, dans Mediapart, en janvier. "Les militants ne comprennent pas que des candidats de la France insoumise se présentent face à eux aux législatives, alors que nous sommes alliés à la présidentielle", regrette lui André Chassaigne, patron des députés communistes, interrogé par Europe1.fr. Ce dernier aura un candidat "insoumis" face à lui, en juin, dans la 5e circonscription du Puy-de-Dôme. Dernier cadre communiste à se rebiffer : Olivier Dartigolles, porte-parole du parti, qui a estimé mardi que ces cas de figure sont étaient "inacceptables".

 

Pour les communistes, "les législatives restent l’enjeu essentiel", explique le politologue Eddy Fougier à Europe1.fr. Historiquement, les désistements entre communistes et socialistes sont fréquents à ce scrutin. "Faire un bon score demeure un impératif pour le PCF, qui est un parti qui dépend en grande partie des financements publics", détaille Eddy Fougier. "Pour les élections législatives, une voix équivaut à 1,70€, ce qui n’est pas négligeable", abonde André Chassaigne. Menacé de perdre le groupe de quinze députés qu’il avait constitué à l’Assemblée nationale en 2012, le Parti communiste sait que les prochaines années vont aussi être difficiles sur le plan financier. Ce n’est pas mieux du côté des effectifs, avec une baisse criante du nombre d’adhérents depuis le faste des années 1970.

Déclin des idées. Mais le déclin du PC est surtout celui de ses idées. "Sur le fond, le parti symbolisait la contestation, alors qu’il n’est plus qu’une voix parmi d’autres. Les thèmes qui fonctionnent à gauche sont aujourd’hui la décroissance et l’écologie, quand les communistes parlent d’industrie et de production", précise Eddy Fougier.

Pour tenter de redonner des couleurs au parti, son secrétaire général Pierre Laurent a décidé d’annoncer une série d’initiatives en octobre, dans le cadre du centenaire de la révolution russe de 1917. Des pistes pour l’avenir peuvent-elles germer d’un lointain passé ? "Cet événement n’a pas une image positive et en débattre ne devrait pas accroître la popularité du PCF", analyse Eddy Fougier.

Réminiscence du Front de Gauche. Mais les communistes sont avant tout restés nostalgiques du Front de Gauche, né en 2009. À l’époque, le Parti de Gauche, la Gauche unitaire et le Parti communiste s’allient aux élections européennes, puis aux régionales de l’année suivante, avant de porter la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2012, lequel parvient à totaliser 11,10% des voix. "C’est la meilleure chose qu’on ait pu faire", se rappelle André Chassaigne, un temps pressenti pour porter la candidature autonome des communistes si les adhérents en avaient décidé ainsi. "Beaucoup de camarades gardent un bon souvenir de 2012. Les gens qui ont participé à cette aventure ont envie que cela recommence avec Jean-Luc Mélenchon", veut croire Marie-George Buffet. Une même mélancolie d’une gauche radicale unie, sans une stratégie commune pour y parvenir.

Un parti écartelé entre la fidélité à Mélenchon et la solution Hamon. Car les divisions sont profondes place du Colonel-Fabien, au siège parisien du parti. La victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche est considérée comme une chance pour l’aile hostile à Jean-Luc Mélenchon, tentée par l’ancien ministre de l’Éducation. La voie Hamon pourrait-elle menacer l’unité du PCF ? "Ceux qui parlent d’un parti coupé en deux se trompent", balaie André Chassaigne. "Si, au premier tour, Jean-Luc Mélenchon termine derrière Benoît Hamon, les responsables de la France insoumise vont s’en prendre à ceux qui n’ont pas soutenu leur candidat au sein du PCF. À l’inverse, si Benoît Hamon rate de peu le second tour, les socialistes pourraient reprocher à Jean-Luc Mélenchon et ses alliés, dont le PCF, de les avoir empêchés d’être qualifiés. Cela dégraderait les relations entre les communistes et les socialistes en vue des législatives", décrypte Eddy Fougier.

"Question de rapport de forces". À l’aube des batailles électorales du printemps, le Parti communiste dispose d’une faible marge de manoeuvre pour conserver de l’influence et des députés. De l’espoir ? "Le PCF peut avoir un avenir, s’il conserve ses propres orientations", espère André Chassaigne. C’est le sens de son appel à un pacte de majorité à gauche, basé sur l’ambition d’une COP fiscale sur le modèle de la COP21, la VIème République ou encore la remise en cause du traité budgétaire européen. Une dizaine de priorités défendues, alors que le parti n’a plus de candidat pour les porter devant les urnes à la présidentielle. Pour Eddy Fougier, le déclin du parti peut encore s’accentuer cette année : "Tout est une question de rapport de force, il y a de nombreuses inconnues. Mais le PCF n’a pas son destin entre ses mains." Avec cet appel, il tente en tout cas de revenir au coeur du dispositif en proposant aux autres forces de gauche de venir discuter à sa table.