Troadec, un politique comme les autres ?

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ZOOM - Le leader des Bonnets rouges rêve en grand. Au point de perdre le soutien de ceux qui le supportaient hier.

Il y a deux mois, il était inconnu au bataillon. Aujourd’hui, il envisage de s’installer à l’Elysée. Entre temps, Christian Troadec s’est imposé comme le leader des "bonnets rouges", ces Bretons frondeurs qui ont causé tant de soucis au gouvernement. Porté par sa nouvelle notoriété, le maire de Carhaix se découvre des ambitions, et a même élargi son horizon, dimanche, à Notre-Dame-des-Landes. Au risque de devenir un homme politique comme les autres…

Il rêve de la présidentielle. C’est le Graal des politicards. Certains y pensent depuis la cour de récré, d’autres en se rasant en le matin. Christian Troadec, lui, a attendu de devenir le "bonnet rouge" le plus célèbre de France pour reconnaître, le 16 décembre dernier, que lui aussi est "tenté" par une candidature à la présidentielle de 2017. "Avoir une candidature régionaliste à la présidentielle de 2017 me semble quelque chose de pertinent", a-t-il expliqué. Christian Troadec, qui se définit comme "un maire régionaliste", estime qu’il a une carte à jouer, et il est "sérieux" : "quand on voit aujourd'hui des régions et départements à forte identité dans l'Hexagone, je pense qu'il y aurait toute légitimité à essayer de briguer la présidentielle pour faire valoir nos idées", a-t-il insisté. "Il faut vraiment briser le carcan jacobin et je pense qu'il y a une opportunité dans les trois ans à venir de pouvoir y parvenir", a-t-il assuré, optimiste.

Il s’est coupé de sa base. Deux reproches sont fréquemment faits aux politiques : "vous vivez à Paris et ne comprenez donc pas les problématiques du Français lambda" et "vous ne pensez qu’à votre carrière". Sur le volet de ses ambitions personnelles, le chef de file des frondeurs bretons commence à agacer. En appelant à la "mobilisation générale" et à manifester le 22 février à Nantes contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, il a perdu un soutien de poids : les Bonnets rouges, rien que ça. Dans un communiqué, le collectif Vivre, décider et travailler en Bretagne, à l'initiative du mouvement, a en effet clairement pris ses distances. "Le collectif confirme que, dans ses prérogatives, il n'a pas à se positionner sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le leitmotiv du collectif est le maintien de l'emploi et du travail productif en Bretagne", explique un communiqué, qui rejette tout amalgame entre Christian Troadec et le collectif. "Clairement, il n'y a pas d'appel à mobilisation de la part des Bonnets rouges pour le 22 février", ajoute le communiqué. C’est dit.

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(Christian Troadec aux côtés de Philippe Poutou, leader du NPA)

Et quand il se rend à Lorient, fin novembre, pour une manifestation "pour l'avenir de la Bretagne", Christian Troadec est hué. "Le voir au milieu des manifestants aujourd’hui alors qu’il était avec le Medef, la FDSEA et les Bonnets rouges qui demandent une dérèglementation du travail et du cadre administratif, je trouve ça indigne et lamentable. C’est de la récupération", s'offusquait ainsi un militant du FSU dans Le Télégramme.

Enfin, un procès en parisianisme pourrait bien inviter Christian Troadec à la barre prochainement. Histoire de surfer sur son "succès", l’édile a prévu de sortir un livre sur l’épopée des Bonnets rouges. Problème : plutôt que de choisir un éditeur breton, c’est au Cherche-Midi, vieille maison d’édition parisienne, que Christian Troadec a choisi de sortir son ouvrage. Les Bretons devraient apprécier…

Le précédent Edouard Martin. Ces accusations de récupération, Edouard Martin commence à les connaître. Depuis qu’il a décidé  de franchir le pas et d’accepter l’investiture socialiste pour les prochaines élections européennes, le charismatique leader syndical d’ArcelorMittal (CFDT) est la cible de toutes les critiques. "On a l'impression qu'il s'est servi de Florange pour son ambition personnelle. Il s'est servi de nous jusqu'au bout", lui a ainsi reproché son homologue de Force ouvrière sur Europe 1. "Pour nous, c'est clair, c'est une trahison. Je pense qu'il sera meilleur politicien que syndicaliste", taclait encore Walter Broccoli.

Les Français sont majoritairement d’accord avec cette perception des choses. Selon un sondage BVA pour i>Télé, CQFD et Le Parisien-Aujourd'hui en France diffusé samedi dernier, ils sont en effet 52% à considérer "qu'il a tort parce qu'il trahit ses camarades en rejoignant ceux qu'il a critiqués lorsqu'il était représentant syndical". Christian Troadec est prévenu.

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