Sur le chômage, les candidats sont-ils réalistes ?

En cinq ans et une crise, la France s'est enfoncée dans un chômage massif
En cinq ans et une crise, la France s'est enfoncée dans un chômage massif © REUTERS
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Hélène Favier , modifié à
"Contrat de génération", "exonération de charges" : que valent les projets de Hollande et Sarkozy ?

Pour le dixième mois consécutif, le chômage a augmenté en février. Selon les chiffres rendus publics lundi par le ministère du Travail, le taux frôle désormais les 10% et le pire est sans-doute à venir, estiment les spécialistes qui prennent en compte les derniers plans sociaux annoncés.

A 26 jours de la présidentielle, ce chômage élevé pourrait donc peser lourd dans le choix des Français appelés à choisir leur futur dirigeant. Face au problème, les deux favoris de l’élection, François Hollande et Nicolas Sarkozy, ont, en tout cas, fait le même choix : axer leur programme autour d’une mesure phare en faveur de l’emploi des seniors. C’est le "contrat de génération" de François Hollande. L’exonération de charges pour les seniors de Nicolas Sarkozy. Pourquoi cibler les séniors ? Ces deux mesures sont-elles crédibles ? Retour sur ces deux propositions de lutte contre le chômage.  

 

Le constat des candidats - "Notre taux d’emploi des 25-54 ans est bon par rapport à nos voisins européens. En revanche, il est mauvais au niveau global, plombé par le chômage des jeunes et des seniors", explique à Europe1.fr Eric Heyer, directeur adjoint au Département analyse et prévision de l’OFCE. Et de manière numérique, les chômeurs seniors sont les plus nombreux. "La tentation est donc de dire qu’il faut améliorer l’emploi des seniors", confirme l’économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques.

LES SOLUTIONS DES CANDIDATS

Ce que propose Hollande - Face à ce sous-emploi des actifs seniors, François Hollande propose, depuis la primaire socialiste de créer, un contrat de génération. Il se présente sous la forme d’un CDI signé par un salarié de moins de 30 ans. Durant les cinq premières années suivant son embauche, son entreprise bénéficierait d'une exonération totale des cotisations de sécurité sociale sur son salaire. A une condition : qu’elle s’engage aussi à ne pas licencier durant cinq ans un senior de (ou de plus de) 55 ans, déjà présent dans l'entreprise et missionné pour encadrer le jeune. Durant les cinq ans, l'employeur serait également exonéré des cotisations d'assurance chômage (4% du salaire) liées à ce senior. L’équipe Hollande table sur la création de 500.000 contrats de génération pendant le quinquennat, pour un coût estimé à près de 2,3 milliards d’euros.

Ce que propose Sarkozy - De son côté, Nicolas Sarkozy propose, lui, une exonération "permanente" des charges patronales pour les embauches de chômeurs de plus de 55 ans en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d'au moins six mois. Cette aide, permanente, sera toutefois limitée au plafond de la Sécurité sociale, soit 36.000 euros de salaire brut annuel. Le gouvernement avait envisagé début 2011 une telle mesure, avant d'y renoncer en raison notamment de son coût.

RISQUE D’EFFETS D’AUBAINE

Les mesures décryptées par un économiste - "Sur le papier, ces mesures sont séduisantes. Le contrat de génération offre par exemple une solution pour favoriser l’emploi à la fois des jeunes et des séniors. Reste que ces deux idées ont peu de chance de créer de l’emploi", estime l’économiste Eric Heyer, sceptique sur les mesures des deux favoris de la présidentielle.

"Quand on cible ainsi une catégorie de population, le risque est de créer des effets d’aubaine", met-il en garde, avant de prendre pour exemple, les "contrats jeunes" créés en 2003 par François Fillon. Ces contrats concernaient l’emploi en entreprise des 16-25 ans sans qualification, avec, en contrepartie, l'exonération des cotisations sociales pendant deux ans. "Et bien, dit-il, des études ont montré que dans 90% de ces contrats signés, il s’agissait d’effets d’aubaine". C’est-à-dire, que dans un contexte déprimé, les entreprises qui ont "de toute manière besoin d’embaucher" se tournent vers des emplois aidés, solutions ‘bon marché’. 

"Selon la caisse de la sécurité sociale, 20 millions de contrats sont signés par an. Or deux tiers de ces emplois ont une durée très courte. Cela signifie que les entreprises françaises ont une certaine flexibilité et un besoin d’embaucher". En cas d’exonération, elles se reporteront sur ce type de contrats aidés, sans que cela ne crée de l’emploi.

"Au final, c’est la double peine. De telles mesures ne créent pas d’emploi et coûtent cher à un Etat déjà endetté", insiste Eric Heyer.