Rumeurs sur Aubry : quel impact sur l’opinion ?

La candidate à la primaire socialiste accuse les sarkozystes d'être à l'origine des rumeurs.
La candidate à la primaire socialiste accuse les sarkozystes d'être à l'origine des rumeurs. © Maxppp
  • Copié
Caroline Vigoureux , modifié à
INTERVIEW - A peine candidate, Martine Aubry est attaquée personnellement. Décryptage.

Quelques jours à peine après l’officialisation de sa candidature à la primaire socialiste, Martine Aubry doit déjà se défendre d’informations réelles ou fantasmées. A quelques mois de l’élection présidentielle, ces "bruits de couloir" ont-ils un impact dans l’opinion publique ? Europe1.fr a posé la question à Philippe Aldrin, professeur de science politique et auteur de Sociologie politique des rumeurs.

>> Europe1.fr : Pourquoi assiste-t-on à un déferlement de rumeurs visant Martine Aubry ?

Philippe Aldrin : On recycle les rumeurs qui existaient déjà lorsqu’elle était au ministère des Affaires sociales. La valeur d’information d’une rumeur dépend de la conjoncture politique. Maintenant que l’on sait qu’elle pourrait être présidente, Martine Aubry a changé de position dans le jeu politique. Les bruits qui collaient à son image depuis plusieurs années prennent aujourdhui une dimension politique différente, plus sensible.

>> Europe1.fr : La pré-campagne est donc une période propice aux rumeurs ?

Philippe Aldrin : En période de campagne électorale, le système régulé de l’information politique (c’est-à-dire les relations permanentes entre professionnels de la politique et professionnels des médias) subit les effets d’une conjoncture politique sous haute tension. Et pour comprendre le climat que crée une telle tension, il est utile de rappeler que la réputation constitue la principale ressource d’un homme ou d’une femme politique. C’est comme ça que, dans le cas de Martine Aubry, une vieille rumeur devient soudainement une nouvelle sensationnelle. Et, finalement, avant même qu’on puisse vérifier ces rumeurs, on les commente, on tente d’en analyser l’origine et l’impact.

>> Europe1.fr : Les rumeurs ont-elles un réel impact dans l’opinion publique ?

Philippe Aldrin : Il est toujours très difficile de le savoir puisqu’on peut se faire l’écho d’une rumeur sans y apporter du crédit. Autrement dit, on aime relayer les rumeurs mais il n’y a pas forcément de croyance dans le récit. Elles apportent un contrepoids inattendu. Quand une rumeur persiste dans l’espace public, on peut considérer qu’elle porte atteinte à la crédibilité de la personne visée. Mais il existe une espèce de conscience ou de bon sens populaire, qui se méfie toujours de ce type de choses : les “gens” savent que la politique est un univers de compétition sans merci où les coups sont parfois très bas.

>> Europe1.fr : On connaît pourtant plusieurs cas où desrumeurs ont longtemps pesé sur des personnalités politiques…

Philippe Aldrin : On se souvient en effet de l’affaire Marcovitch, qui visait le couple Pompidou. Les rumeurs ont couru quelques mois en 1968-1969. Et plus de quarante ans après, on en parle encore comme un élément constitutif de l’histoire politique française. Valérie Giscard d’Estaing avait aussi fait l’objet de rumeurs sur sa vie nocturne, sa personnalité. Ce genre de rumeurs font finalement partie de la part informelle de notre histoire politique.

>> Europe1.fr : Martine Aubry a-t-elle raison de se défendre de ces accusations ?

Philippe Aldrin : Parfois, un démenti public peut tuer la rumeur. En 2003, il était dit que Dominique Baudis participait à des ballets noirs, des soirées sadomasochistes. Ce qui allait tout à fait à l’encontre de sa personnalité, du personnage public. En venant sur le plateau du journal de 20h pour y opposer un démenti formel, il a publicisé l’information mais il y aussi mis fin. C’est à double tranchant. Dans le cas de Martine Aubry, en donnant des interviews dans les médias, elle crée une curiosité autour de ces rumeurs et un vrombissement médiatique autour de sa colère.