Qui soutient encore le projet de réforme constitutionnelle ?

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M.Du avec William Galibert et AFP , modifié à
Le projet de réforme constitutionnelle est débattu à partir de vendredi à l’Assemblée nationale mais le vote des parlementaires s’annonce très incertain.

Dans l’arène de l’Assemblée nationale vendredi : le fameux projet de réforme de la Constitution voulu par François Hollande, qui vise à y inscrire l’état d’urgence et la controversée déchéance de nationalité. Mais le vote des députés, programmé le 10 février, est pour le moins très incertain.

  • Socialistes et apparentés : la division

Les 287 députés PS sont toujours fracturés sur ce texte, principalement sur l'article 2 sur la déchéance de nationalité. Dans sa dernière rédaction présentée par Manuel Valls la semaine dernière, il rend possible la déchéance de nationalité ou des droits attachés pour les auteurs de crimes ou délits terroristes.

Le président du groupe, Bruno Le Roux, avait estimé que la nouvelle mouture sans référence aux binationaux permettrait de "rassembler beaucoup plus largement". Mardi, en réunion de groupe, les débats sont repartis pour un tour, avec "énormément de contestation de l'article 2", selon des participants. Le groupe PS a réclamé au gouvernement de supprimer la référence à l'interdiction de l'apatridie dans l'avant-projet de loi d'application.

Prônant d'y aller "pas par pas", Hugues Fourage, l'un des porte-parole, s'est dit convaincu que les élus PS voteraient la réforme "majoritairement". L'opposition va jusqu'alors au-delà des "frondeurs", une députée légitimiste estimant que "l'écrasante majorité des députés PS, comme des ministres, sur le fond ne sont pas en adéquation avec cette proposition" sur la déchéance. Au moins 12 députés, dont deux vice-présidents et une porte-parole du groupe, Annick Lepetit, entendent ainsi défendre un amendement pour substituer à la déchéance de nationalité une "déchéance nationale", qui équivaut à une privation de certains droits.

  • Radicaux de gauche : un vote pour ou une abstention

Les 18 radicaux de gauche devraient majoritairement voter pour ou s'abstenir. Si leur chef de file, Roger-Gérard Schwartzenberg, a réaffirmé mardi qu'il n'y avait "pas d'inconvénient à voter la réforme", il a trouvé le texte d'application problématique. Selon Alain Tourret, "beaucoup s'orientent vers une abstention raisonnée" dans l'idée "que la discussion continue à la chambre haute".                 

  • Ecologistes : un groupe partagé

Les 18 écologistes, au groupe scindé sur nombre de sujets entre soutiens et opposants au gouvernement, sont partagés, notamment sur l'article 2. D'après Sergio Coronado, une "majorité" s'opposera à la révision de la Constitution, même après la nouvelle rédaction. Là où Cécile Duflot parle de "catastrophe", Barbara Pompili est plutôt favorable à l'article 1 sur l'état d'urgence, mais estime que la déchéance "va poser plus de problèmes qu'elle ne va en résoudre". François de Rugy est favorable aux deux articles.

  • Gauche démocrate et républicaine : une opposition au texte

Toujours dans un rejet "frontal", les 15 députés Front de gauche ont une "opposition claire, nette" à l'extension de la déchéance de nationalité, et ne voient pas l'utilité de constitutionnaliser l'état d'urgence.  "Qu'à la suite d'actes terroristes un grand pays comme la France modifie sa Constitution, c'est en définitive donner aux terroristes et à Daech un motif de satisfaction exceptionnel", selon leur chef de file André Chassaigne.

  • Les Républicains et apparentés : le suspense

Les 196 députés LR, aux voix indispensables pour avoir la majorité des 3/5e des suffrages exprimés au Congrès, ménagent le suspense, et ne seraient plus majoritairement favorables à la réforme. Leur chef de file Christian Jacob, qui avait précédemment indiqué qu'ils voteraient le texte "sans état d'âme" à condition qu'il soit "efficace", s'est refusé mardi à donner une position de vote vu le "flou" régnant. L'ex-Premier ministre François Fillon s'est prononcé contre la réforme mardi, rejoignant ainsi des députés comme Nathalie Kosciusko-Morizet, Hervé Mariton, Patrick Devedjian, ou le juppéiste Edouard Philippe. "Cette histoire devient presque aussi compliquée et floue à droite qu'à gauche", selon une députée LR. 

A Europe 1, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti assure que "l'on est toujours dans la cacophonie, la majorité ne s'en sort pas". Il poursuit : "s'ils disent oui aux apatrides, c'est ridicule, c'est grotesque juridiquement, c'est stupide moralement. Nous nous restons sur la fidélité de la parole présidentielle lors du Congrès. S'il y a des ajouts, s'il y a des retraits, nous ne serons pas au rendez-vous". Un autre élu de l'opposition confie : "Hollande a voulu nous tendre un piège politique mais ce piège est peut-être en train de se refermer sur lui".                

  • UDI : dans l'attente

Les 29 députés UDI attendent l'"atterrissage" du texte à la fin des débats pour se prononcer, en concertation avec les sénateurs. Le président du parti, Jean-Christophe Lagarde, a indiqué la semaine dernière que la nouvelle mouture lui paraissait "plus correspondre" aux souhaits centristes, avant de tempérer son propos. Le chef de file des députés, Philippe Vigier, a insisté sur les attentes non satisfaites, notamment sur l'état d'urgence.