Rama Yade : une démission bien préparée

Se sachant en sursis à l’Unesco, Rama Yade a eu l’habileté politique de devancer le couperet.
Se sachant en sursis à l’Unesco, Rama Yade a eu l’habileté politique de devancer le couperet. © Reuters
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avec Antonin André et agences , modifié à
Sa démission de son poste d’ambassadrice de l’Unesco est un coup politique. Décryptage.

En juillet, Rama Yade ne sera plus l’ambassadrice de la France auprès de l’Unesco, poste qu’elle occupe depuis décembre 2010. L’ancienne secrétaire d’Etat aux Sports a présenté sa démission par lettre à Nicolas Sarkozy en fin de semaine dernière, comme l’annonçait Europe 1 mercredi soir. Tout porte à croire que Rama Yade savait que son sort était scellé à ce poste. Elle a donc décidé d’anticiper la nouvelle, histoire de réaliser un habile coup politique et médiatique. Explication en quatre actes.

Acte I : les rappels à l’ordre. Nommée en décembre 2010, Rama Yade s’est rapidement attiré les foudres de ses anciens collègues du gouvernement. En janvier, elle avait été reçue par le directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie, alors ministre des Affaires étrangères, pour s’entendre rappeler son devoir de réserve en tant qu'ambassadrice à l'Unesco.

En avril, c’est le nouvel occupant du Quai d’Orsay, Alain Juppé lui-même, qui, lassé de la voir décocher ses flèches sur les plateaux télés, la rappelle à nouveau à l’ordre. Un rappel publiquement relayé par François Baroin, porte-parole du gouvernement. "Il me semble important pour elle que ce message soit entendu, si elle veut poursuivre une carrière d'ambassadeur", avait déclaré le ministère du Budget. Des menaces balayées par la principale intéressée, qui avait alors assuré qu'elle "existai(t) avant" et qu'elle "existerai(t) après" son poste d’ambassadrice.

Acte II : la démission. Las, l'Elysée décide finalement de lui retirer son poste à l'occasion d'un mouvement général des ambassadeurs, annoncé fin juin, pour banaliser sa sortie. Mais Rama Yade ne l’entend pas ainsi. Fidèle à son image de rebelle, l’ex-secrétaire d’Etat aux Sports défie la volonté de Nicolas Sarkozy en envoyant, en fin de semaine dernière, sa lettre de démission au palais présidentiel.

La décision de Rama Yade n’est donc toujours pas officielle au cours du week-end. L’ex-secrétaire d’Etat a alors du mal à dissimuler sa gêne dimanche sur le plateau de C Politique, sur France 5, quand Géraldine Muhlmann lui demande si sa démission est une question de semaines. "Oui, oui ou de…", bafouille Rama Yade avant de se reprendre : "Jean-Louis Borloo est en train actuellement de constituer ses équipes de campagne. Donc, on va voir. Au moment où elles seront officielles, je me libérerai complètement." Il n’aura finalement pas fallu attendre trop longtemps.

Acte III : les explications. Mercredi soir, Europe 1 révélait l’information selon laquelle Rama Yade avait déposé sa démission. Voilà donc l’ex-secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme contrainte de s’expliquer. "J'ai besoin de renouer avec une liberté totale", déclare-t-elle jeudi dans lemonde.fr, en démentant avoir voulu anticiper un départ contraint. "L'objectif des rappels à l'ordre était de me priver d'expression, de me faire renoncer à mon soutien à Jean-Louis Borloo. Me démettre de mes fonctions m'aurait rendu ma liberté, ce qui n'était pas précisément le but. Cette liberté, j'ai décidé de la prendre", assure-t-elle. "On a sans doute voulu utiliser ce poste pour me faire renoncer à la politique. Mais ma priorité, c'est la politique. Ma liberté se trouve encore plus grande."

Mais c’est surtout pour soutenir Jean-Louis Borloo que Rama Yade a pris sa décision. "J'ai exprimé au président de la République, tout en le remerciant de m'avoir nommée, ma volonté de rendre le poste et de m'en expliquer de vive voix. Je lui ai expliqué mon souhait de m'investir dans la campagne de M. Borloo", dit-elle

Acte IV : et maintenant ? On l’a bien compris, Rama Yade souhaite s’investir pleinement dans la campagne électorale d Jean-Louis Borloo pour la présidentielle, alors même que l’ancien ministre de l’Ecologie n’a pas encore officialisé sa candidature. Actuellement conseillère municipale à Colombes, dans les Hauts-de-Seine et conseillère régionale d’Ile-de-France, l’ex-secrétaire d’Etat voit désormais plus haut en terme de mandat électif. "J'ai également décidé de m'engager pour être élue au Parlement", déclare-t-elle sur lemonde.fr, sans préciser si elle visait l’Assemblée ou le Sénat. Députée ou sénatrice donc, avant, en cas de victoire de Nicolas Sarkozy ou, plus probablement de rapprochement entre son nouveau mentor et Nicolas Sarkozy, de retrouver un poste au gouvernement ?