PS et écolos : couacs en stock

"Nous avons avalé tellement de couleuvres qu’aujourd’hui, les écologistes sont complètement déconsidérés", a déploré lundi l'ex-écologiste Noël Mamère.
"Nous avons avalé tellement de couleuvres qu’aujourd’hui, les écologistes sont complètement déconsidérés", a déploré lundi l'ex-écologiste Noël Mamère. © MAXPPP
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avec Fabienne Cosnay , modifié à
COMPTEUR - Notre-Dame-des-Landes n'est pas l'unique dossier qui divise les écologistes et l’exécutif.

"COULEUVRES". Le gouvernement veut calmer le jeu. "On a besoin de tout le monde", a lâché lundi Jean-Marc Ayrault, interrogé lundi au Salon de l'agriculture sur la querelle avec Europe Ecologie-les Verts (EELV) au sujet du projet d'aéroport Notre-Dame-des-Landes. "Je crois que nous avons des choses à faire ensemble, oui", a renchéri Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, également interrogée sur le maintien des ministres EELV.

Pourtant, les sujets de discordes semblent légion entre EELV et les socialistes. Les écologistes ont certes obtenu de la majorité socialiste plusieurs avancées, comme l'encadrement de l'exposition au risque des ondes électromagnétiques ou encore la limitation des usages de produits phytosanitaires. Mais avec ce projet d'aéroport, la question du maintien de Cécile Duflot et Pascal Canfin au gouvernement se pose bel et bien. Car les écologistes sont farouchement contre, comme l'a rappelé Cécile Duflot dimanche. Mais Jean-Marc Ayrault est tout aussi farouchement pour et le projet se fera bel et bien.

Réaction de l'ex-écologiste Noël Mamère, invité lundi d'Europe1 : "nous avons avalé tellement de couleuvres qu’aujourd’hui, les écologistes sont complètement déconsidérés". Mais est-ce vraiment une "couleuvre" ? Outre le serpent, ce mot amplement relayé par les médias, désigne un affront, une trahison, subit par quelqu'un qui ne proteste pas. Quelles sont les couleuvres réellement avalées par les écologistes ? Décryptage.

LES VRAIES COULEUVRES

Philippe Martin

La taxation sur le diesel abandonnée. Cette couleuvre-là a été très difficile à digérer pour la majorité des écologistes. Après cafouillage et rétropédalage du ministre de l'Ecologie Philippe Martin, c'est François Hollande en personne qui a annoncé, le 15 septembre 2013, au 20 heures de TF1, l'abandon d'une taxe sur le diesel, au grand dam des écolos. A l'origine, une disposition destinée à réduire l'avantage fiscal du diesel sur l'essence devait être inscrite dans le budget 2014. Mais le ras-le-bol fiscal exprimé dans l'opinion a eu raison de cette promesse faite aux alliés verts.

Lors de cette même interview, le président avait vertement répondu aux députés écologistes qui menaçaient de ne pas voter le budget. "Chacun doit se déterminer non pas par rapport à un parti dans une majorité, même si ça compte, même s'il y a des congrès ou d'autres rendez-vous, mais par rapport à l'intérêt de la France, pas en 2014 mais à moyen et long terme". Sans grande orientation prise sur l'écologie, ce sera compliqué pour EELV" de rester au gouvernement avait alors réagi Barbara Pompili, coprésidente du groupe EELV à l'Assemblée nationale.

L'écotaxe repoussée.L'annonce d'un report sine die de l'écotaxe, en octobre dernier, a ravivé les tensions entre le gouvernement et ses partenaires écologistes. "C'est une défaite pour les écolos et pour tous les défenseurs d'une transition énergétique concertée. C'est une catastrophe", avait même déploré un élu Vert, cité en off par le Figaro. "C'est une reculade vraiment invraisemblable face à un lobby agro-industriel mené par le président de la FNSEA, Xavier Beulin, et le Medef pour casser une logique économique qui aurait été la relocalisation", avait également taclé député européen EELV, José Bové.

montebourg et batho

Un budget critiqué, Batho virée. Le limogeage de Delphine Batho, le 4 juillet, après que cette dernière ait ouvertement critiqué le "mauvais" budget alloué à son portefeuille de l'Ecologie, est très passé chez les alliés écologistes. D'une part, parce que Delphine Batho a voulu défendre son ministère. D'autre part, parce qu'au 246 boulevard Saint-Germain, les locataires défilent depuis le début du quinquennat Hollande. Le 22 juin 2012, Nicole Bricq avait déjà été remerciée du ministère de l'Ecologie après avoir été désavouée au sujet d'un permis pétrolier de Shell en Guyane.

Cécile Duflot et Pascal Canfin, les deux ministres écologistes, et les principaux responsables d'Europe Ecologie/Les Verts (EELV) s'étaient réunis le soir même pour faire "l'analyse politique" de la situation et avaient parlé de "mauvais signal".  "Nous interrogerons et le président de la République et le Premier ministre sur la volonté de ce gouvernement de mettre en œuvre les engagements sur la transition écologiste qu'il avait pris devant les Français", avait déclaré Pascal Durand, le secrétaire national d'EELV de l'époque.

Valls et les Roms. La question des Roms est un autre sujet de crispation. En août 2012, les écolos sont parmi les premiers à réagir au démantèlement de campements de Roms. Des démantèlements qui "contredisent brutalement une des promesses" du candidat Hollande, qui s'était engagé durant la campagne "à ne pas expulser de familles Roms sans leur apporter de proposition de relogement", fustige alors Europe-Ecologie-Les Verts. Plus récemment, Cécile Duflot a attaqué sans ménagement Manuel Valls, accusant son collègue de l'Intérieur de "mettre en danger le pacte républicain" après ses propos polémiques sur les Roms.

DES COULEUVRES QUI MENACENT

centrale nucléaire MAXPPP

Sortira, sortira pas du nucléaire ? Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, a le don de provoquer l'ire des alliés écologistes. En qualifiant, le 27 août 2012, le nucléaire de "filière d'avenir" par exemple. En déclarant, un mois plus tard, au lendemain de la conférence environnementale, que diminuer le nucléaire et le pétrole, tout en trouvant de l'argent pour financer les renouvelables" est irréaliste. "Ces déclarations sont un peu surprenantes parce que, quand on a entendu le président et le Premier ministre deux jours avant, on se dit qu'il y a quelque chose qui ne colle pas tout à fait", lui répondra du tac au tac sa collègue au Logement Cécile Duflot.

Mais Arnaud Montebourg ne dirige pas. Et la question du nucléaire est au cœur de l'accord électoral négocié non sans douleur entre le PS et les écologistes d'EELV en 2012. Durant la campagne présidentielle, François Hollande a promis de ramener la part d'énergie nucléaire de 75 à 50% d'ici 2025. La "couleuvre" ne sera donc complètement avalée que si le chef de l'Etat abandonne ce projet. Où s'il n'a pas le temps de le mener à bien.

Gaz de Schiste ou pas gaz de schiste. L'autre sujet à éviter entre Arnaud Montebourg et les écolos, c'est celle des gaz de shiste. La loi du 13 juillet 2011 interdit la fracturation hydraulique en France. Mais le ministre du Redressement productif n'a jamais fermé la porte à une autre technique pour rendre exploitable cette source d'énergie.

Après avoir déclaré, en juillet 2012, que "la question de l'exploitation des gaz de schiste devait (...) être posée", Arnaud Montebourg avait de nouveau rendu les alliés écolos verts de rage en proposant cet été la création d'une compagnie "publique et nationale" pour exploiter à terme les gaz de schiste. François Hollande reste toutefois, pour l'heure, opposer à la fracturation hydraulique. Et donc à l’extraction du gaz de schiste.

ND-DES-LANDES, LA "FAUSSE" COULEUVRE

L'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est le dossier le plus emblématique des désaccords entre le PS et les écolos. Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes, est le premier défenseur de ce projet. Pour Europe-Ecologie-Les Verts, la construction de cet aéroport est incompatible avec la sauvegarde des espèces et des écosystèmes. "Le petit caillou, il n'est pas dans le pied de ceux qui sont cohérents, il est dans le pied des écologistes qui participent au gouvernement", confiait d'ailleurs, acerbe, un proche de Jean-Marc Ayrault au Monde, en novembre 2012.

Mais il ne s'agit pas vraiment d'une "couleuvre". En tout cas elle n'a pas été avalée depuis l'entrée des écologistes au gouvernement. Car le dossier ne faisait pas partie de l'accord d'union signé entre EELV et le PS avant les dernières grandes élections nationales. En clair, les ministres écologistes sont rentrés au gouvernement tout en sachant qu'il serait majoritairement pro-aéroport. Et François Hollande les a acceptés en sachant qu'ils étaient contre. Il n'y a donc aucune trahison sur la question, puisqu'il n'y avait eu aucun engagement.

 

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