Procès de l'Erika : Total plaide non coupable

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Administrator User , modifié à
Le procès du naufrage de l'Erika en 1999 au large de la Bretagne s'est ouvert lundi au tribunal correctionnel de Paris. 59 audiences ont été programmées jusqu'au 13 juin pour tenter de montrer les responsabilités dans cette catastrophe écologique majeure. Dès la 1ère audience, le groupe Total, jugé avec 14 autres personnes physiques et morales, a nié toute responsabilité.

C'est la première fois qu'un dossier de pollution maritime de cette importance, impliquant une multinationale, est jugé en France. Trois entités du géant pétrolier français, la holding Total SA, les filiales Total transport et Total petroleum services sont jugées pour "pollution maritime" et "complicité de mise en danger de la vie d'autrui". Au premier jour de ce procès sans précédent, qui durera quatre mois pour un budget de 580.000 euros, Me Daniel Soulez-Larivière, avocat de Total, 4e groupe pétrolier mondial, a demandé l'annulation des poursuites résultant selon lui d'une "construction intellectuelle" et d'un usage abusif du droit. "Il y a une volonté de transformer le droit tel qu'il existe et donc de demander au tribunal de faire le travail du législateur", a-t-il dit. Selon lui, Total, affréteur du navire, ne pouvait en connaître les vices cachés et sa responsabilité ne peut être retenue comme propriétaire de la cargaison. Le pétrolier Erika, navire vieux de 24 ans battant pavillon maltais, s'était brisé en deux le 12 décembre 1999 dans une tempête et avait sombré au large des côtes bretonnes, déversant 20.000 tonnes de fioul toxique sur 400 km de côtes, tuant des dizaines de milliers d'oiseaux et ravageant la faune et la flore marines. Plus de soixante parties civiles sont représentées au procès par une centaine d'avocats, dont l'Etat français, les régions Pays de la Loire, Bretagne et Poitou-Charentes, les départements touchés par la marée noire de l'Erika (Vendée, Loire-Atlantique, Finistère et Morbihan) et des dizaines de communes. De nombreuses associations écologistes, Ligue de protection des oiseaux, Robin des bois, Confédération maritime, WWF sont aussi parties civiles. Tous veulent que le procès change la donne sur les affaires de pollution. "Il existe un préjudice écologique, dont nous demandons la reconnaissance, car depuis la catastrophe, les habitants n'ont plus le même rapport avec la mer", a dit à Reuters Me Jean-Claude Mignard, avocat des régions. Les avocats de la Vendée estiment que si la responsabilité de Total est retenue, les données du transport maritime changeront, car la justice obligera les géants pétroliers à prendre plus de garanties en n'affrétant plus de navires vétustes. Total ne sera pas seul à la barre car hormis l'Etat de Malte, qui s'est vu reconnaître une immunité à l'instruction, l'ensemble des acteurs de l'affaire seront jugés, à commencer par la société de classification italienne Rina, de réputation mondiale, qui a homologué l'Erika. Son avocat, Me Olivier Metzner, a soutenu dans une plaidoirie à l'audience que Rina, qui agissait par délégation de l'Etat maltais, devait aussi bénéficier de son immunité. Giuseppe Savarese, propriétaire italien du navire, Antonio Pollara, responsable de Panship, qui gérait l'Erika, Alessandro Ducci et Mauro Clemente, qui ont sous-affrété le navire à Total, devront aussi faire face au tribunal, de même que trois militaires, dont un amiral, Michel de Fresse de Monval, et un employé civil de la préfecture maritime de Brest. Le capitaine indien du pétrolier, Karun Mathur est aussi poursuivi. Sous le coup d'un mandat d'arrêt, il ne s'est pas présenté au procès et ne s'est pas fait représenter. Les personnes physiques encourent pour la plupart la prison ferme, Total, poursuivi pour "complicité de mise en danger d'autrui" et "pollution maritime" encourt une simple amende mais l'enjeu est dans la symbole et dans les très lourds dommages et intérêts civils que la société risque de payer. L'Etat demande à lui seul 153 millions d'euros et les autres parties civiles plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires, au titre des dégâts et des dépenses engagées, mais aussi au titre du supposé préjudice écologique. Le procès se poursuit mardi avec les premiers interrogatoires.