Primaire à gauche : les socialistes naviguent à vue avant leur conseil national

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© FRANCOIS GUILLOT / AFP
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Margaux Baralon
Le PS se réunit samedi pour suivre l'organisation d'une éventuelle primaire. Mais les récentes déclarations de Jean-Christophe Cambadélis, qui présagent d'un abandon de l'élection interne, ont semé le trouble chez les participants.

"Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup", disait Martine Aubry, en 2011, à propos du programme de François Hollande. Depuis deux jours, nombreux sont les socialistes à reprendre à leur compte les propos de la maire de Lille. Avec, dans leur viseur cette fois, l'attitude de la direction du PS sur la question de la primaire.

La primaire menacée. Il faut dire que les choses ne sont pas très claires. Officiellement, l'ordre du jour prévoit que le Conseil national aborde "l'organisation et le calendrier des primaires de la gauche et des écologistes". Mais les déclarations de Jean-Christophe Cambadélis, mercredi, font craindre un changement de programme. Le Premier secrétaire du  PS a en effet évoqué la possibilité de "faire un congrès extraordinaire pour changer les statuts" du parti. Objectif : supprimer l'obligation d'organiser une primaire (notamment si François Hollande se déclare candidat). Autrement dit, à quelques jours seulement d'une réunion décisive pour l'organisation, le patron du PS prévoit déjà de faire une croix sur le scrutin.

Incertitude. "Il remet une pièce dans la machine de l'incertitude", déplore Jérôme Guedj, membre du Bureau national du PS. Ce frondeur, fervent partisan de la primaire avoue donc "ne pas savoir" ce qui va se passer lors du Conseil national. "Nous pensions, un peu naïvement, qu'il s'agissait de parler des modalités du scrutin, d'avoir des discussions très concrètes qui auraient permis de crédibiliser la tenue d'une primaire." Pour l'instant, à part la date (en décembre), aucun détail n'a été arrêté. Et le temps presse. "Il faut qu'on arrive le 18 juin avec des modalités exactes. Sinon, au bout d'un moment, on ne pourra même plus organiser cette primaire, faute de temps", prévient Jérôme Guedj.

" Cambadélis remet une pièce dans la machine de l'incertitude. "

Trois options sur la table. Mais de modalité exacte, il ne devrait pas être question samedi. À la place, les socialistes se prononceront sur différents scénarios. Faut-il continuer de prôner une primaire de toute la gauche et des écologistes ? Jean-Luc Mélenchon refuse d'y participer. Europe Ecologie-Les Verts comme le PCF, de leur côté, rejettent une primaire à laquelle participerait François Hollande. Faut-il acter le principe d'une élection interne au Parti socialiste ? Ou faut-il, enfin, convoquer un congrès extraordinaire pour enterrer définitivement la primaire ? "Il faudra qu'il y ait un vote", assure Corinne Narassiguin, porte-parole du PS. "On pourrait par exemple voter une date butoire", jusqu'à laquelle les socialistes tenteraient encore de convaincre les autres partis de participer. Le conseil national pourrait aussi "voter le principe" du congrès extraordinaire, qui servirait alors de plan B en cas d'échec, et surtout en cas de candidature de François Hollande.

"Enterrement de première classe". Du côté des partisans du scrutin interne, on soupçonne Jean-Christophe Cambadélis, qui n'a pas toujours été favorable à une primaire, de pousser pour que le plan B devienne le plan A. "On est passés d'une dynamique, d'un volontarisme certain en faveur de la primaire, à un enterrement de première classe", enrage Jérôme Guedj. La direction du PS, elle, se dit simplement pragmatique. "Il faut être réaliste. On est bien obligés de tenir compte des décisions d'EELV et du PCF", avance Corinne Narassiguin.

" Les frondeurs continuent d'être dans une logique de règlement de comptes, ce n'est pas le but d'une primaire. "

Règlement de comptes. Ce sont bien ces décisions qui ébranlent le PS. Les frondeurs ne veulent pas en tenir compte et organiser quand même une primaire qui ne rassemblerait que des socialistes. Cela leur permettrait de ne pas laisser le champ libre à François Hollande. Mais la direction du parti ne veut pas en entendre parler. "Il faut sortir du 'pour ou contre Hollande'", argumente Corinne Narassiguin. "Les frondeurs continuent d'être dans une logique de règlement de comptes, ce n'est pas le but d'une primaire. Le candidat de la gauche n'en sortirait pas renforcé." Le Conseil national de samedi promet donc d'être tendu.