Primaire à gauche : les candidats font déjà leurs comptes

Pour contenir les dépenses, Benoît Hamon va uniquement s’appuyer sur le travail de bénévoles durant sa campagne.
Pour contenir les dépenses, Benoît Hamon va uniquement s’appuyer sur le travail de bénévoles durant sa campagne. © Thomas SAMSON / AFP
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Romain David , modifié à
Malgré l’enveloppe octroyée par le PS, les participants à la primaire peinent à réunir des fonds.

En matière de campagne électorale, l’argent est souvent le nerf de la guerre. Pour la primaire qu’organise le PS, la question du financement des campagnes est d’autant plus délicate que le parti a refusé d’élargir la dotation accordée aux candidats. Ils devront se contenter chacun d’une enveloppe de 50.000 euros au lieu, par exemple, des 100.000 réclamés par les soutiens d’Arnaud Montebourg. Les participants à la primaire de 2011 s’étaient vu accorder la même avance, mais les remboursements avaient finalement dépassés les 100.000 euros pour certains. Les 50.000 euros alloués cette année sont réservés aux seuls membres des rangs socialistes, souligne-t-on du côté de Solférino. François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias, issus respectivement du Parti écologiste et du Front démocrate, se passeront donc de cette manne. Les donations des particuliers, déductibles des impôts et plafonnés depuis 2012 à 7.500 euros par an, devraient ainsi peser pour beaucoup dans les comptes de campagne. À sept semaines du premier tour, les candidats s’activent pour débloquer des fonds.

Entrés tardivement dans la course, Manuel Valls et Vincent Peillon n’ont plus qu’un mois et demi pour convaincre les électeurs de gauche… et trouver de l’argent. Pris de court, les soutiens de l’ancien chef du gouvernement espèrent réunir quelque 400.000 euros, ainsi que l’ont confié des proches à Europe 1. Une plateforme de dons doit être lancée dans la semaine. Surtout, les dépenses sont surveillées de très près ; si le QG de Manuel Valls, installé dans le 13e arrondissement, emploie à temps plein une dizaine de salariés, l’entourage du candidat table aussi sur le bénévolat des équipes, en partie constituées d’anciens de Matignon qui ont quitté la rue de Varenne avec le Premier ministre. Du coté de Vincent Peillon, on se limite pour l’instant aux 50.000 euros attribués par le parti. "Et c’est tout", assure Christophe Pierrel, porte-parole de l’ancien ministre de l’Education nationale. Campagne éclaire oblige, "on n’a pas de locaux à louer, nous ne ferons pas de meetings tous les soirs", détaille-t-il. Les proches comptent aussi sur les dons des particuliers : le site de campagne pourrait être mis à jour pour permettre de faire des versements en ligne, indique-t-on.

" Plus on avance dans la campagne, plus les donateurs se sentent concernés "

Mais même pour les marathoniens de la présidentielle, les sommes nécessaires ne sont jamais faciles à trouver. Arnaud Montebourg a lancé sa campagne de financements dès le mois d’août, bien avant de confirmer sa participation à la primaire. À la mi-décembre, il a réuni quelque 175.000 euros de dons, selon Michel Piloquet, son trésorier de campagne. Loin donc des 400.000 à 450.000 euros estimés pour couvrir l’ensemble de ses dépenses, depuis la fête de la rose à Frangy-en-Bresse, le 21 août, jusqu’au scrutin du 22 janvier. Mais le trésorier ne doute pas que les soutiens continuent à se mobiliser : "Plus on avance dans la campagne, plus les donateurs se sentent concernés. Il est plus facile de recevoir des dons vers la fin", assure-t-il auprès d’Europe 1. Pour rappel, Arnaud Montebourg avait dépensé 147.000 euros pour sa campagne de 2011, Ségolène Royal 230.000 euros et François Hollande 730.000 euros, selon des estimations du Parisien.

Chantre du made in France, l’ancien ministre du Redressement productif mise également sur le "low cost" pour limiter la facture. Son QG de campagne, rue du Docteur Roux dans le 15e arrondissement, a entièrement été meublé grâce au boncoin.fr. "On négocie tout comme des centimiers. On a fait faire un pupitre dans la Nièvre - du made in France -, plutôt que d’en louer un pour chaque meeting. Il a été amorti immédiatement", raconte Michel Piloquet. Une manière également pour le candidat de s’afficher en bon gestionnaire, respectueux des deniers publics. "C’est une campagne anti-Bygmalion", se félicite l’argentier.

Principal poste de dépense : les meetings. La campagne d’Arnaud Montebourg en compte 25, et les quatre derniers prévus en janvier – deux à Paris et deux en province – doivent réunir chacun 1.500 personnes, pour un coût avoisinant les 20.000 euros par événement. Dans ces conditions, le montant de la dotation du parti a fait grincer quelques mâchoires. "Ça nous parait relativement injuste, c’est un vrai manque de considération du coût réel d’une campagne électorale", déplore Michel Piloquet.

" On ne fait pas dans le son et lumière "

 

"Pas toujours très simple…" de trouver l’argent, glisse-t-on dans l’entourage de Benoît Hamon, où s’organise une campagne plus modeste, loin des sommes qu’espèrent débloquer les favoris. "On table sur 200.000 euros. On ne fait pas dans le son et lumière", explique à Europe 1 Mathieu Hanotin, député de Seine-Saint-Denis et directeur de campagne de l’ex-ministre de l’Education. Là encore, ce sont les meetings qui creusent le budget. Celui du 14 décembre, au gymnase Japy à Paris, est évalué 20.000 euros. "Un grand meeting de lancement, les suivants ne connaîtront pas la même organisation", assure Mathieu Hanotin, qui refuse de dévoiler le nombre exact de réunions publiques que doit tenir son poulain, peut-être parce que ce chiffre pourrait être revu à la baisse en fonction des contraintes financières. "On adapte nos capacités à faire selon les possibilités", reconnaît-il.

Pour contenir les dépenses, Benoît Hamon, à l’instar d’Arnaud Montebourg, va uniquement s’appuyer sur le travail de bénévoles. "Nous n’aurons pas de masse salariale", assure son directeur de campagne, qui concède néanmoins avoir dû faire appel à certains prestataires, pour la création du site de campagne, ou encore la séance photo en vue de la réalisation des affiches électorales. Autre source majeure de dépense : la location d’un QG de campagne, en l’occurrence au 11e étage de la Tour Montparnasse. Puis viennent s’additionner "ces milliers de petits trucs à la con", souffle-t-on : tracts, chaînes de SMS et fournitures de bureaux en tout genre.

Dans l’équipe de Gérard Filoche, on bataille encore pour obtenir le nombre de signatures nécessaires au dépôt de candidature et aux 50.000 euros alloués par le parti. "En attendant, on ne compte sur rien", confie Eric Thouzeau, le directeur de campagne de l’ancien inspecteur du travail. Sa campagne s’appuie sur une enveloppe prévisionnelle de 25.000 euros, constituée de dons qui ne dépassent pas les 50 euros. "On n’a pas beaucoup de banquiers et de patron du CAC 40 dans nos donateurs", raille Eric Thouzeau. Gérard Filoche devra se passer de QG de campagne : les fonds serviront à financer ses déplacements et la location de salles pour des prises de parole sans commune mesure avec les meetings de ses rivaux.

Malgré des différences entre les budgets de plusieurs centaines de milliers d’euros, Mathieu Hanotin estime que les candidats sur la ligne de départ sont encore sur un pied d’égalité : "Le problème, ce serait que quelqu’un comme Macron arrive, avec 3 ou 4 millions d’euros", ironise le soutien de Benoît Hamon.

Un plafond de dépense

Pour éviter les trop fortes disparités, les organisateurs de la primaire de la droite et du centre avaient fixé un plafond de dépense de 1,5 million d’euros pour les deux mois de la campagne officielle. Une mesure qui, pour le moment, n’a pas encore été adoptée par le parti socialiste. "On avait demandé un plafond, mais nous n’avons pas eu de réponse. C’est un regret. Nous reposerons la question", assure le directeur de campagne de Benoît Hamon.