Présidentielle : qui sont ces indécis qui hésitent entre deux (voire trois) candidats ?

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Les cinq principaux candidats à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen. © GABRIEL BOUYS / AFP
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Axel Roux , modifié à
A quelques jours du premier tour de la présidentielle, un tiers des électeurs sont indécis face au choix d’un candidat.

"Dans la vie, je change souvent d’avis. Alors là, vous n’imaginez même pas dans quel état je suis", souffle Manon, 26 ans, au bout du fil. Comme elle, un tiers des Français sont toujours indécis à quelques jours du premier tour de présidentielle. Une incertitude record qui pourrait voir le choix des électeurs se cristalliser au dernier moment dans l’isoloir.

Une situation loin d’être facilitée par les enquêtes d’opinion. A J-4, quatre candidats sont susceptibles d’accéder au second tour, sans que les critères des votes n’apparaissent très clairement. Selon le sondage Odoxa pour franceinfo publié le 14 avril, 17% des électeurs hésiteraient entre deux candidats au premier tour, tandis que 15% d’entre eux oscilleraient entre trois. Face à cette porosité des électorats, Europe 1 a demandé à des électeurs indécis de leur exposer leur cas de conscience.

Germain, 18 ans, hésite entre Fillon et Macron

En amour comme en politique, il faut croire que les premières fois ne sont jamais simples. Germain, 18 ans et étudiant en première année de prépa à Annecy, en fait l’expérience depuis quelques jours. Pour la première présidentielle de sa vie, le jeune homme tergiverse entre le candidat de la droite et celui d’En Marche! Il n’est pas le seul dans ce cas. D’après Odoxa, 10% des électeurs se tâtent entre François Fillon et Emmanuel Macron.   

Pour Germain, les hésitations sont d’abord liées à la personnalité des candidats. "Macron semble assez flou, je ne sais pas ce qu'il vaut", explique-t-il d’emblée. Avant de reconnaître : "Fillon me plaît, mais beaucoup de gens ne lui font plus confiance depuis les affaires." Une méfiance palpable sous son toit. Sur un groupe Whatsapp (un service de messagerie privée) où sa famille et lui conversent, il n’est pas rare que l’étudiant voit défiler les arguments de son grand frère, pro-En Marche. "Macron veut réduire le nombre de fonctionnaires de 150.000 (en réalité 120.000), c’est beaucoup plus pragmatique (que Fillon, qui propose d’en supprimer 500.000)", plaide-t-il face à sa soeur, pro-Fillon.

Dans ces conditions, pas facile de se faire un avis tranché. "Le programme de Fillon peut aider l'économie, mais il semble trop audacieux", estime le primo-votant. Inversement : "Macron est jeune, semble motivé, à l'écoute", juge-t-il, tout en pointant ce qui lui semble être de vieilles ficelles politiques. "Il a utilisé des stratagèmes, des alliances avec d'autres politiques pour gagner des voix." Pour le premier tour, Germain devrait rester indécis jusqu’au dernier moment. Sauf si un des deux candidats "frappe un grand coup dans les derniers jours", promet-il.

Manon et Quentin, 26 ans, balancent entre Mélenchon et Macron

L’un avait voté pour Dupont-Aignan au premier tour en 2012, puis Hollande au second, l’autre pour le candidat socialiste aux deux. Leur point commun ? Ils hésitent aujourd’hui entre le candidat de la France insoumise et celui d’En Marche!. Un grand écart qui pourrait surprendre - tant les programmes sont opposés - mais qui serait en fait le plus partagé parmi les électeurs indécis. D’après Odoxa, ils sont 17% à tanguer entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Le plus fort taux de porosité observé dans cette enquête.

"Déçue" par la campagne du candidat socialiste et son "rétropédalage" sur le revenu universel, Manon, 26 ans, est désormais convaincue que voter Hamon "n’en vaut plus peine". A la place, cette chercheuse en politique sociale à Paris s’est intéressée au programme de Jean-Luc Mélenchon, qu’elle juge assez compatible avec ses convictions. "D’un autre côté, certaines positions de Mélenchon me font peur", nuance-t-elle, pointant des dossiers jugées troubles sur l’international. "Sur la Russie, sur la Syrie, sur l’Europe, qu’est-ce qu’il va vraiment faire ?", s’interroge la jeune femme, sans savoir quoi répondre.  

Pour Quentin, 26 ans également et professeur agrégé d’anglais à Grenoble, Mélenchon a "l'avantage de correspondre en partie à (s)es idées", notamment sur l’économie et le souverainisme. "Mais j'ai des désaccords", pointe vite ce jeune prof, ex-adhérent au MRC, le parti politique fondé par Chevènement. En particulier sur les relations du candidat de la France insoumise avec le Venezuela, ou encore sur la VIè République. Par esprit de "républicanisme à l’ancienne", glisse-t-il.

Face à ces discordances, Manon et Quentin n'écartent pas l’idée de glisser un bulletin "Macron" dans l’urne dimanche. "Il a quand même de bonnes idées, ça ne va pas m’arracher la main de voter pour lui", concède Manon. "Il a un avantage, c’est la clarté idéologique", poursuit Quentin, pourtant positionné à l’opposé de sa ligne libérale et fédéraliste. Malgré leurs hésitations, tous deux expliquent qu’ils pourraient basculer pour le candidat d’En Marche! en cas de remontée de Fillon dans les sondages. "Ce serait le seul qui pourrait éviter un second tour Fillon-Le-Pen", considère Manon.

Denis, 38 ans, tâtonne entre Hamon, Mélenchon et Poutou

Il veut "une vraie gauche" au pouvoir, mais hésite encore sur laquelle. Pour Denis, 38 ans, sans emploi et vivant à Châtellerault, hors de question en tout cas de voter pour un candidat qui pourrait "stigmatiser les chômeurs, comme Fillon et Macron". Comme 15% des personnes sondées dans l’enquête Odoxa, il hésite entre le candidat socialiste et celui des insoumis. Avec aussi une bonne part de réserve pour le candidat du NPA.  

Pour Denis, l’indécision sur les deux "gros" candidats porte d’abord sur leurs appareils. S’il juge que Benoît Hamon à les "meilleures idées", il ne fait plus confiance aux figures du Parti socialiste. "Cambadelis, Cazeneuve, Aubry, Montebourg, etc., on les a assez vus", tranche cet ancien électeur d’Eva Joly et de François Hollande en 2012. Et si la France insoumise peut jouer la carte du renouveau démocratique, ce qui le gêne, "ce sont ses militants". "Ils en font trop, ça fait un peu idole du sauveur. Mélenchon ne fera pas tout tout seul, ce n'est pas une icône."

Face à ces deux poids lourds, Denis pourrait finalement voter Philippe Poutou, un petit candidat "moqué" et "ignoré" des médias, selon lui. "Poutou mérite mieux, mais le match à quatre (Mélenchon, Macron, Fillon et Le Pen) pousse à voter 'utile'", regrette Denis, qui aurait préféré avoir une présidentielle "à trois tours", pour voter pour chacun de ses candidats. A défaut, et s’il ne lui faut en retenir que deux, le bulletin de Denis chancelle entre Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou. Entre ces deux-là, il va hésiter "jusqu'au jour-J dans l’isoloir".

Fabrice, 51 ans, hésite entre Le Pen et Mélenchon

En 2012, comme 20% des électeurs, il s’était abstenu. Cette année, Fabrice, 51 ans et manutentionnaire à Toulouse, ira bien voter au premier tour de la présidentielle. "Dégoûté de la politique depuis longtemps", il fait partie des rares indécis à hésiter entre le vote frontiste et celui de la France insoumise. Une porosité électorale trop basse pour avoir été mesurée dans l’enquête Odoxa. Et qui détonne avec le traditionnel socle d'électeurs potentiels convaincus de voter Marine Le Pen (87%). Un score loin devant celui de Jean-Luc Mélenchon, qui compose avec 66% d’électeurs très sûrs de leurs choix.

"Pas intéressé par les programmes" des candidats, Fabrice avoue qu’il n’a "pas encore pris la peine d’en ouvrir un". S’il a un temps envisagé de s’abstenir à nouveau, le climat de la campagne actuel, dominé par les révélations sur le train de vie de François Fillon, l’a convaincu de se déplacer dimanche. Un vote coup de gueule "pour les dégager tous", explique-t-il sans détour. Et quand on l’interroge sur les soupçons d’emplois fictifs qui pèsent au FN, Fabrice préfère botter en touche. "Les politiciens sont tous un peu pourris. Mais si c’est elle ou Mélenchon, ça va mettre un sacré coup de balai à tous ces costards-cravates", espère-t-il.

En attendant de se retrouver seul dimanche dans l’isoloir, il promet de "faire un petit d’effort" en regardant sur internet les différents sites des candidats. Même s'il assure : "J'ai mieux à faire de mes journées."

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