Présidentielle : le film de la soirée du premier tour

Des partisans d'Emmanuel Macron célèbrent sa qualification au second tour de la présidentielle face à Marine Le Pen. Patrick KOVARIK / AFP
Des partisans d'Emmanuel Macron célèbrent sa qualification au second tour de la présidentielle face à Marine Le Pen. © Patrick KOVARIK / AFP
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Thibaud Le Meneec avec agences
Dépit chez Fillon, joie chez Macron, frustration chez Mélenchon... Dans les QG, les candidats du premier tour et leurs soutiens ont tout vécu, dimanche soir.

Une folle soirée dans une campagne présidentielle à nulle autre pareille. Dimanche soir, Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont qualifiés pour le second tour de l'élection présidentielle, tandis que François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et, très loin derrière, Benoît Hamon sont éliminés de la course à l'Elysée. Cinq candidats (et leurs six concurrents) pour autant d'ambiances et de déclarations, des premiers résultats livrés à 20h aux enseignements tirés en plein cœur de la nuit. 

20h00 : deux qualifiés et une déflagration

Ils étaient les favoris des sondages et seront les deux adversaires du second tour : Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont terminé en tête du premier tour. Logiquement, la liesse s'empare du camp frontiste à Hénin-Beaumont et des partisans d'En marche ! au QG du candidat. 

Chez François Fillon, l'ambiance est tout autre : donné largement favori du scrutin jusqu'en janvier, le candidat termine sous la barre des 20% et échoue à porter la droite au second tour. Le mot "déçu" revient en boucle, à peine un soupir ou un "oooh" de déception, comme si la défaite était attendue. "Ce n'est pas forcément les meilleurs qui gagnent", lâche Pauline, 25 ans. "Depuis des mois, les médias, tous les médias, et le CAC 40 font la campagne de Macron. Les juges ont décidé de flinguer Fillon, ils l'ont flingué, ça a marché", peste Anne-Marie Lepourhiet, professeur de droit. Les journalistes sont accueillis au mieux avec méfiance, au pire avec des insultes.

20h09 : les partisans de Hamon "secoués" par la "claque"

Cela fait dix minutes que les premières estimations, qui le placent juste au-dessus de la barre fatidique des 5%, sont apparues dans un silence pesant à la Maison de la Mutualité, à Paris. Benoît Hamon prend la parole : "J'ai échoué à déjouer le désastre qui s'annonçait depuis plusieurs mois..." "Nooooooon", l'interrompent ses partisans, sonnés par le score historiquement bas du Parti socialiste. Secousse, claque, cauchemar... "On savait qu'on ne passerait pas au second tour mais 6%, quand même...", regrette Julie, un verre de rouge à la main, dégoûtée. "Lourde défaite électorale", lâche le candidat PS, "fier malgré tout" d'avoir mené cette campagne. "Ouais !" se revigorent les soutiens rassemblés. Petit sursaut dans la morosité ambiante ? "L'heure est grave", dit Benoît Hamon, avant de disparaître.

20h28 : une Marseillaise sur le toit pour Macron

Sur le toit de la France ? Emmanuel Macron s'y croit, en tout cas. Il n'a pas encore pris la parole mais savoure déjà sa qualification pour le second tour en entonnant une Marseillaise avec ses soutiens à son QG. Ciel bleu, bras levés : l'ancien ministre s'imagine déjà à l'Elysée en regardant ses "Marcheurs" qui le contemplent en contrebas. La symbolique christique à son zénith.

20h41 : pour Fillon, "les obstacles étaient trop cruels"

Le candidat LR apparaît pour la dernière fois en public à son QG, après trois mois d'une campagne aux allures de chemin de croix. Il lève les bras, plus grave que d'habitude, mais toujours belliqueux : "Malgré tous mes efforts et ma détermination..." Peu de cris, pas de pleurs, les mines sont fermées dans ce douloureux épilogue. Le QG s'éteint, la droite se prépare à vivre une soirée de règlements de comptes.

20h56 : Le Pen siffle le coup d'envoi du duel avec Macron

Le sourire est encore un peu figé mais le verdict est clair : Marine Le Pen annonce un "résultat historique" avec la qualification du Front national au second tour de l'élection présidentielle. Depuis Hénin-Beaumont, elle s'adresse aux patriotes, dépeint Emmanuel Macron en héritier de François Hollande, fustige le système et promet le rassemblement du peuple français sous les vivas d'une foule un peu déçue de n'être "que" deuxième. "Marine est là pour sauver les Français", "réveillez vous !", "on est chez nous", ponctués de "on n'est pas racistes" : pour se rassurer et préparer un match difficile, cette vitrine de la France frontiste se réchauffe grâce aux fondamentaux.

21h35 : Woerth annonce que "ce n'est pas la droite qui a perdu, mais François Fillon"

François Fillon n'est pas éliminé depuis deux heures que, déjà, ses adversaires à droite lui plantent les premières banderilles. Sur Europe 1, Eric Woerth lâche, clinique : "Ce n'est pas la droite qui a perdu, c'est François Fillon." Ailleurs, c'est un festival de critiques adressées au candidat LR par les siens, déjà tournés vers la suite. Rachida Dati : "Quel gâchis." Gérald Darmanin : "La droite a perdu l'imperdable." Jean-François Copé : "Un fiasco imperdable." Fermez le ban, la droite est en lambeaux.

21h56 : Mélenchon joue la montre et consulte sa France insoumise

"Résistance, résistance !" Les partisans de Jean-Luc Mélenchon passent la soirée à démentir les premières estimations qui le placent en quatrième position. La frustration règne, avec des slogans pleins d'amertume comme "Merci le PS". S'étaient-ils vus au second tour après une fin de campagne tonitruante ? "Je suis dégoûté. Mais on a fait un truc de fou : le mouvement spontané qu'on a créé. Ce score est magnifique. On a tout donné", dit un militant au Belushi's, le bar du Xe arrondissement où le tribun prend la parole pour dénoncer en partie les résultats. "Quoi qu’il en soit, lorsque les résultats officiels seront connus, nous les respecterons. Je ne saurais dire ni faire davantage à cette heure. (...) Je n’ai reçu aucun mandat des 450.000 personnes qui ont décidé de présenter ma candidature pour m’exprimer à leur place sur la suite. Elles seront donc appelées à se présenter sur la plate-forme et le résultat de leur expression sera rendu public", annonce Jean-Luc Mélenchon.

22h15 : un baiser et un discours de second tour pour Macron

Il a remporté une partie de son pari. En à peine un an, Emmanuel Macron est parvenu à devenir un des deux finalistes de l'élection présidentielle. Cela vaut bien un baiser de son épouse Brigitte avant de parler à ses militants réunis à son QG. Et de leur promettre une victoire de la "voie de l'espoir" dans deux semaines, certain de battre Marine Le Pen au second tour.

22h47 : danse rageante avec les 5% chez Dupont-Aignan

Pas de consigne de vote non plus chez Nicolas Dupont-Aignan, où l'on frôle la barre fatidique des 5% depuis le début de la soirée, seuil qui permettrait au candidat de Debout la France de rembourser sa campagne. Le candidat déclare qu'il s'en remettra au choix de ses soutiens pour annoncer qui soutenir (ou pas) en vue du second tour. Dans le 7e arrondissement, au QG, on se console en se rappelant que l'autre parti de la droite a triplé son score en cinq ans. Alors on sourit, on refuse d'être encore considéré comme un petit candidat quand les journalistes, plus nombreux que d'habitude, viennent demander s'il est frustrant de terminer sous ces fameux 5%. Oui, disent-ils. Mais il y a l'après.

23h17 : manifestations à Paris

La présence du Front national au second tour, comme en 2002, provoque des manifestations de la part de groupes antifascistes dans les quartiers de Belleville, Stalingrad ou République, dès l'annonce des premiers résultats. C'est la "Nuit des barricades", qui s'essouffle peu avant minuit, après de violents affrontements entre les manifestants et les forces de l'ordre. Comme une violence inhérente à une campagne inédite et imprévisible.