Présidentielle : comment Marine Le Pen bouscule Emmanuel Macron

Emmanuel Macron et Marine Le Pen n'ont pas reçu le même accueil à Amiens, mercredi 26 avril. Montage Europe 1 via AFP
Emmanuel Macron et Marine Le Pen n'ont pas reçu le même accueil à Amiens, mercredi 26 avril. © AFP
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Arrivée deuxième du premier tour, dimanche, la candidate du Front national mène une campagne offensive contre Emmanuel Macron, lequel éprouve des difficultés à reprendre la main.

"Je ne vais pas vous promettre l’interdiction des licenciements. (...) Je ne prends pas l’engagement de vous nationaliser !" Au milieu de la foule en colère, Emmanuel Macron peine à se faire entendre auprès des ouvriers de l’usine Whirlpool d’Amiens. Qui ont rencontré, plus tôt dans la journée de lundi, Marine Le Pen, venue par surprise court-circuiter la visite du candidat d’En marche ! à ces salariés, dont l’emploi est menacé par une délocalisation. Un coup tactique de la candidate du Front national, avec un objectif : montrer que l’ancien ministre de l’Economie n’agit qu’en réponse à sa concurrente au second tour de l’élection présidentielle.


Arlette Chabot : "Une campagne électorale est...par Europe1fr

Macron critiqué pour sa soirée de dimanche. Cette stratégie offensive, Marine Le Pen l’applique depuis dimanche soir et la publication des premiers résultats du premier tour de l’élection présidentielle. La soirée des deux candidats n’avait ainsi rien en commun : la candidate frontiste a tenu un discours ciblant une fois de plus son adversaire et la "dérégulation totale", avant de disparaître rapidement dans la nuit d’Hénin-Beaumont, là où se tenait la soirée électorale du FN.

A Paris, Emmanuel a d’abord préféré chanter la Marseillaise depuis le toit de son QG avant de s’adresser à ses militants. "Il a prononcé un discours de président élu", estime Charles Villeneuve, dans l’émission des Grandes voix d’Europe 1, rejoint par Robert Namias, peu amène à propos d’un discours "prononcé tardivement", "qui manquait de souffle et de vision". Le dîner à la Rotonde a aussi laissé des traces, comparé à tort ou à raison au Fouquet’s de Nicolas Sarkozy en 2007. "Je l’ai trouvé sur un nuage, ayant perdu le contact avec ce qu’il fallait faire", juge Michèle Cotta.

Le Pen laboure le terrain. En retard de près de trois points au premier tour (24,01% contre 21,30%), la prétendante frontiste a décidé de jeter toutes ses forces dans la bataille pour rattraper son retard vis-à-vis d’Emmanuel Macron : ce dernier battrait ainsi Marine Le Pen avec plus de 60% des voix selon les derniers sondages. Dès le lundi matin, elle a donc repris sa campagne en sillonnant les allées d’un marché du Pas-de-Calais, alors qu’Emmanuel Macron n’était pas encore réapparu en public. De quoi se demander si le vainqueur du premier tour a pris la mesure de l’affrontement qui l’attendait.

Devant les premiers doutes sur sa capacité à garder son sang-froid, le leader d’En marche ! a voulu calmer le jeu, mardi, en visite à l’hôpital de Garches, dans les Hauts de Seine : "Je n’ai jamais considéré que quoi que ce soit était gagné." Pas exactement l’avis de François Hollande, son ancien mentor : "Je pense qu'il convient d'être extrêmement sérieux et mobilisé, de penser que rien n'est fait parce qu'un vote ça se mérite, ça se conquiert, ça se justifie, ça se porte." Aurait-il surestimé la solidité de la digue anti-FN en France ? "Il était content, dimanche, on peut le comprendre. Mais il est encore en campagne et on a l’impression qu’il n’a pas mesuré la gravité de la situation. Le front républicain ne marche pas vraiment et la victoire sera peut-être moins large que prévue", prévient Arlette Chabot sur Europe 1. "Cette élection, elle n’est pas gagnée", abonde Robert Namias.


Michèle Cotta : "Une campagne de second tour...par Europe1fr

Polémique sur l’UOIF. Marine Le Pen, elle, a continué de tirer à boulets rouges sur son adversaire lors de ses interventions médiatiques sur France 2 et TF1, lundi et mardi. Dénonçant une nouvelle fois les méfaits de l’Europe et "l’argent roi", elle a également attaqué l’ancien locataire de Bercy sur sa proximité supposée avec des tenants de l’islamisme radical : "Nous sommes confrontés à des candidats qui nous expliquent qu’il n’y a pas de culture française, aux mains des communautaristes comme l’UOIF (Union des Organisations Islamistes de France, NDLR). Monsieur Macron, clairement, est entre leurs mains." Une affirmation sans fondement mais qui a suffi à obliger les équipes du candidat à répondre et déminer une possible affaire embarrassante. "Elle a marqué des points dans cette séquence de trois jours. Le match est plus égal et plus serré que dimanche soir", juge Gérard Carreyrou des Grandes voix d’Europe 1.

Début de la campagne à Amiens ? Mercredi, la visite inattendue de Marine Le Pen sur le site de Whirlpool à Amiens a permis à la candidate du FN de réaliser un nouveau coup politique au détriment de son concurrent pour l’Elysée. Mais elle est restée bien moins longtemps sur place que son rival : dix minutes et quelques selfies pour l’eurodéputée FN, contre plus d’une heure au milieu des salariés pour l’ex-banquier. Ce dernier a aussi promis qu’il "reviendrait pour rendre compte", manière de désamorcer l’accueil rugueux. "La première période a été à son désavantage. En discutant avec les gens, il est arrivé à renverser le cap, mais en bout de course", analyse Michèle Cotta.