Pourquoi François Hollande a perdu le soutien de la jeunesse

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Margaux Baralon
Plusieurs mesures ont été prises durant quatre ans en faveur des jeunes. Mais le quinquennat a manqué d'un cadre global et d'un discours fort.

"Est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu'en 2012 ? Je demande à être évalué sur ce seul engagement, sur cette seule vérité, sur cette seule promesse." Plus de quatre années ont passé depuis que le candidat Hollande faisait de la jeunesse sa priorité. Aujourd'hui, le discours du Bourget semble loin. Et les 18-25 ans se détournent du président socialiste.

Un sondage Ifop pour l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (Anacej), publié mardi, révèle ainsi que les plus jeunes électeurs plébiscitent d'avantage Marine Le Pen ou Alain Juppé que François Hollande. Si l'élection présidentielle devait se dérouler dimanche prochain, François Hollande ne recueillerait que 13 à 15% des voix au premier tour, contre 14 à 29% pour le candidat des Républicains et 17 à 31% pour la présidente du Front national, selon les personnalités en lice. Quel que soit le candidat de droite dans la course à l'Élysée, le président socialiste sortant n'arriverait qu'en quatrième position, derrière Jean-Luc Mélenchon.  "Le tropisme de gauche de la jeunesse s'amoindrit, voire est en passe de disparaître", analyse pour Europe1.fr Anne Muxel, sociologue et directrice de recherches en science politique.

" Le tropisme de gauche de la jeunesse s'amoindrit, voire est en passe de disparaître. "

Plusieurs mesures à destination des jeunes... Pourtant, à bien y regarder, le gouvernement n'a pas été inactif pendant quatre ans. Des contrats aidés à la garantie jeune, en passant par l'extension du service civique, plusieurs mesures ont été dédiées aux jeunes. Dernier geste en date : le déblocage, le mois dernier, de 400 à 500 millions d'euros par an pour prolonger les bourses des jeunes diplômés, mettre en œuvre des quotas dans les IUT pour les titulaires d'un bac technologique, et augmenter le nombre de places en BTS pour les bacheliers pro. "Jamais autant n'a été fait pour la jeunesse dans ce pays", lançait Manuel Valls au moment de dévoiler tous ces dispositifs. Une fois n'est pas coutume, les syndicats étudiants, l'Unef en tête, étaient satisfaits.

Dans un discours aux accents de meeting de campagne, mardi, François Hollande a, lui aussi, nié tout abandon de la jeunesse. "C'est pour elle que nous avons assaini les comptes publics. Moins de dette demain, c'est moins de fardeau pour les générations futures", a-t-il fait valoir, avant de citer pêle-mêle l'extension des bourses, le déploiement de la garantie jeune, la caution locative étudiante ou encore la refondation de l'école.

…mais les résultats se font toujours attendre. Alors comment expliquer ce désamour des jeunes pour l'exécutif ? "Le gouvernement socialiste n'a pas rien fait, mais il n'a pas fait assez", estime Anne Muxel. "Toutes les grandes préoccupations des jeunes n'ont pas de raison d'être levées." Ainsi de l'emploi par exemple. Si le taux de chômage a tendance à baisser chez les moins de 25 ans depuis un an, il reste estimé à 24,6% par Eurostat, bien au-dessus de la moyenne européenne. "Et les jeunes rencontrent toujours des difficultés pour se loger, être autonomes, accéder à des postes suffisamment qualifiés pour leur niveau de diplôme…", poursuit Anne Muxel.

"Ce qui a manqué, c'est un discours fort". Pour Mathieu Cahn, président de l'Anacej et adjoint socialiste à la mairie de Strasbourg, le gouvernement a fait l'erreur de privilégier un "empilement de mesures" plutôt qu'une "vision globale" de ce que devait être une politique de la jeunesse. "Ce qui a manqué, c'est un discours fort, un cadre, qui donne l'impression d'une mobilisation générale." Certes, les jeunes sont plutôt favorables aux différents dispositifs mis en place par l'exécutif pendant quatre ans (si tant est qu'ils en aient entendu parler), mais ceux-ci, même s'ils révèlent des "intentions louables", ne règlent pas un malaise bien plus profond. "Est-ce qu'il y a eu une volonté de donner toute sa place à la jeunesse dans la société ? Non", juge Mathieu Cahn. "Le gouvernement affirme que la jeunesse est l'avenir de la France mais ne traite les questions de la jeunesse que de manière pathologique, comme s'il s'agissait d'une maladie." Autrement dit,  "on applique aux problèmes des jeunes des traitements de crise, ce qui véhicule une image négative de cette frange de la population."

" On applique aux problèmes des jeunes des traitements de crise, ce qui véhicule une image négative de cette frange de la population. "

Méfiance à l'égard de la classe politique. À cela s'ajoute une méfiance généralisée à l'égard de la classe politique. Les socialistes ne sont pas les seuls à en souffrir, mais ils ont aggravé ce sentiment auprès d'une classe d'âge qui a vécu pour la première fois l'expérience de la gauche au pouvoir, sans pour autant constater d'amélioration. "Le sondage confirme qu'il y a une forme de distance entre le personnel politique et les jeunes, ce qui se traduit d'abord par une abstention très forte", souligne Mathieu Cahn. Ainsi, 52% des 18-25 ans pensent ne pas aller voter au premier tour de l'élection présidentielle de 2017. Dès lors, il est réducteur d'affirmer, selon Anne Muxel, spécialiste du vote de la jeunesse, que les jeunes se "droitisent". "Cette 'droitisation' reste essentiellement due à l'attractivité du Front national, qui se fait l'écho des inquiétudes des jeunes, notamment les moins diplômés." Et qui a, également, l'avantage de n'être jamais arrivé à l'Élysée. "On retrouve l'idée de vouloir essayer autre chose", fait remarquer Anne Muxel.