Pourquoi certains syndicats refusent d'appeler à voter Macron

Pas de manifestation unitaire en ce 1er mai 2017.
Pas de manifestation unitaire en ce 1er mai 2017. © PATRICK HERTZOG / AFP
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Clément Lesaffre
A l’exception de la CFDT et de l’Unsa, les grandes centrales syndicales refusent d’appeler à voter Macron, tout en réclamant que pas une voix n’aille au FN.

Un 1er mai pendant l’entre-deux tours d’une élection présidentielle est toujours un moment particulier. L’occasion pour les syndicats d’occuper le terrain, de faire fléchir tel ou tel candidat sur les enjeux sociaux ou même de dénoncer le programme d’un des deux prétendants à l’Élysée. Cette année, comme souvent, la France résonnera de voix dissonantes, les syndicats n’ayant pas réussi à s’entendre pour organiser un défilé unitaire. Surtout, rares sont les centrales qui prennent position politiquement, la faute à de trop grandes incompatibilités avec les programmes d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen.

Macron et Le Pen, "ce n’est pas la même chose". A l’exception de la CFDT et de l’Unsa, qui ont appelé à "faire barrage à l’extrême droite et donc à voter pour Emmanuel Macron", la plupart des syndicats ne peuvent se résoudre à appeler à voter pour lui. Néanmoins, la CGT, FO, Solidaires et FSU refusent de placer sur un pied d’égalité le candidat d’En Marche! et son adversaire frontiste. "Ce n'est pas la même chose", a dit Philippe Martinez, leader de la CGT, sur Europe 1, lundi. Même discours dans la bouche de Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière : entre les deux candidats, "je ne mets pas un signe égal, bien entendu", a-t-il affirmé sur Franceinfo.

"Les électeurs du FN se trompent". Pour Philippe Martinez, le message de la CGT est clair : "Notre mot d’ordre, c’est pas une voix pour le FN", martèle-t-il. "Le Front national, c'est un parti raciste, xénophobe, anti-femmes et anti-salariés parce que c'est aussi un parti libéral", a critiqué le leader syndical sur Europe 1. "Les électeurs du FN se trompent. Ce n’est pas parce qu’on est dans le désarroi qu’il faut voter pour son ennemi", a-t-il lancé.

Animosité de Le Pen envers les syndicats. Le secrétaire général de la CGT a également rappelé, sur LCI, que "Marine Le Pen, dans ses meetings, régulièrement, nous montre du doigt comme son pire ennemi". En effet, la candidate soutenue par le FN ne cache pas son inimitié pour les syndicats. Dans son programme (point 10), elle entend d’ailleurs "instaurer une véritable liberté syndicale par la suppression du monopole de représentativité et moraliser la vie syndicale par un contrôle public du financement des syndicats".

 "La CGT est le seul syndicat qu'elle cite dans ses meetings, ce qui montre que notre animosité est réciproque", a souligné Philippe Martinez sur LCI. "Je me félicite qu'on soit le pire ennemi du Front national, car c'est aussi le pire ennemi des citoyens." Par ailleurs, sur Europe 1, il a tenu à rappeler que son syndicat lutte contre le FN depuis longtemps : "Là où sont présents les syndicats, la CGT en particulier, le vote FN est moins important", a-t-il assuré.

 

Chez Whirlpool, deux visions du dialogue social.L’épisode Whirlpool a cristallisé la relation tendue entre les syndicats et les deux finalistes de l’élection présidentielle. Jeudi dernier, au lendemain du "duel" sur le parking de l’usine d’Amiens, Jean-Claude Mailly avait vivement critiqué le "coup de com’" de Marine Le Pen, passée un court moment pour discuter avec les salariés et prendre des selfies, sans s’entretenir avec l’intersyndicale, qu’elle jugeait composée de représentants "triés sur le volet". Une attitude mal vécue par les syndicats et qui a fait marquer des points à Emmanuel Macron. "Je ne suis pas d'accord avec lui sur ses positions mais il a au moins respecté une chose, c'est la démocratie représentative" en ayant d'abord "une première discussion avec les syndicats" avant de venir sur le site de Whirlpool, a dit Jean-Claude Mailly.

Macron ne fait pas l’unanimité. Si Emmanuel Macron s’est attiré de bons mots de quelques syndicalistes pendant cet épisode de campagne, il reste loin de faire l’unanimité sur le plan social. La banderole de tête de la manifestation de la CGT, FO, FSU et Solidaires (à 14h30 à Paris) aura pour slogan : "contre les reculs sociaux, terreau de l'extrême droite". Une attaque à peine voilée aux programmes des deux candidats, en particulier celui d’Emmanuel Macron.

"Si on continue à plonger le pays dans l’austérité et le chômage, que l’on continue à casser les services publics et l’industrie, on va encore avoir des réveils peut-être plus douloureux dans cinq ou dix ans", a prévenu Philippe Martinez lundi sur Europe 1. Une référence aux 60 milliards d’économies et aux 120.000 suppressions de postes de fonctionnaires prévues par Emmanuel Macron. Le secrétaire général de la CGT estime que si Marine Le Pen est au second tour, c’est à cause de la politique menée par le précédent gouvernement, dont faisait partie Emmanuel Macron. "Il faut tirer les enseignements de la présence de Marine Le Pen au second tour et je n’entends pas beaucoup la classe politique sur ce point", a-t-il ajouté.

Inquiétude face à une loi Travail approfondie. La CGT et FO s’inquiètent de plusieurs mesures au cœur du programme d’Emmanuel Macron. A commencer par son projet de réforme du droit du travail, qu’il entend simplifier au-delà des dispositions prises par la controversée loi El Khomri en 2016. "On s’est suffisamment battu contre la loi Travail", a rappelé Philippe Martinez au micro d’Europe 1, indiquant qu’il était prêt à retourner au front rapidement puisque, s’il est élu, Emmanuel Macron veut faire passer sa réforme par ordonnances dès cet été.

Un nouveau dialogue social qui ne passe pas. L’ancien ministre de l’Économie veut également "redéfinir le dialogue social", parfois au détriment des syndicats. "Les principes fondamentaux (durée légale du temps de travail, égalité professionnelle, salaire minimum...) resteront dans la loi. Mais, par exemple, les horaires effectifs ou l’organisation du travail seront négociés au plus près du terrain. Ils seront définis par accord majoritaire ou par référendum d’entreprise sur la base d’un accord", stipule le programme d’En Marche!.

Emmanuel Macron est aussi partisan d’une étatisation de l’assurance-chômage : l’État fixerait alors unilatéralement le niveau des cotisations patronales, aujourd’hui négocié par les syndicats et les organisations patronales. Autant de mesures qui crispent les syndicats dits "contestataires" (CGT, FO…) et les empêchent d’appeler clairement à voter pour Emmanuel Macron, ce même avec la présence de Marine Le Pen au second tour.

 

Des divisions au sein des divisions

Lundi, deux défilés syndicaux sont prévus à Paris. A 11h, la CFDT, l’Unsa et les étudiants de la FAGE marchent pour appeler à un "vote républicain" pour Emmanuel Macron. A 14h30, la CGT, FO, FSU et Solidaires manifestent pour la défense des acquis sociaux, revendication traditionnelle du 1er mai, avec ce slogan : "contre les reculs sociaux, terreau de l'extrême droite".

Mais au sein de ce second défilé, une voix discordante se fera entendre. Alors que leurs centrales respectives ont appelé à "battre le FN", des organisations CGT, FSU et Sud appellent "à battre les deux candidats". Réunies au sein d'un collectif fraîchement créé ("Front social"), elles défileront à 14h30 aux côtés des centrales nationales mais avec un slogan distinct: "Peste ou choléra, on n'en veut pas". Le syndicat Info'Com CGT vient de réaliser une affiche avec le même slogan, fermement condamné par Philippe Martinez, leader de la centrale CGT.