"Plus personne n’est légitime pour se réclamer du gaullisme"

statue de gaulle
© JACQUES DEMARTHON / POOL / AFP
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Pour le politologue Olivier Duhamel, les invocations au général de Gaulle sont nombreuses mais se traduisent rarement concrètement.

Lundi, François Hollande est allé déposer une gerbe sur la tombe du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises. Il est devenu le premier président de la République ou Premier ministre socialiste à rendre ainsi hommage au fondateur de la 5e République. Le même jour, Henri Guaino a déclaré sa candidature à la primaire Les Républicains car, a-t-il affirmé sur France Inter, "il manque sur l'échiquier politique cette famille qui s'appelait le gaullisme". Et dimanche sur TF1, Alain Juppé a rappelé que le général De Gaulle restait sa figure tutélaire. Cette concomitance montre que l’homme de l’Appel du 18 juin imprègne encore profondément la politique française. Pour autant, nul ne peut légitimement se revendiquer de son héritage, juge le politologue Oliver Duhamel.

Est-il possible de donner une définition du gaullisme ?
C’est un petit peu vaste, comme question. Il y a trop d’aspect, trop de choses. Il faudrait faire une dissertation. Disons que De Gaulle, le fond de son obsession, c’était que la France soit la plus grande possible; et que pour cela, il faut un Etat fort, et à la tête de cet Etat, un homme, un chef fort pour l’incarner. Ça, c’est totalement la ligne d’Henri Guaino.

Pour autant, le député des Yvelines peut-il vraiment aspirer à prendre sa suite ?
Poser la question, c’est déjà y répondre. Disons que la principale difficulté, pour lui, c’est d’incarner cette idée du gaullisme.

Pourquoi aujourd’hui, 47 ans après sa mort, beaucoup, jusqu’au président de la République, continuent à faire référence au général De Gaulle ?
Tout le monde estime devoir y faire référence car c’est la plus forte figure présidentielle de notre histoire. Il y a le sentiment diffus depuis 15-20 ans qu’il y a un affaissement de la figure présidentielle, donc ces références sont surtout le fait des "présidentialistes". Quant à François Hollande, il est partagé entre deux lignes pour espérer se représenter en 2017. D’une part, être le seul, faute de rival, capable de rassembler à gauche, et d’autre part, être le protecteur de la nation toute entière. Pour schématiser, il veut être à la fois le Mitterrand de 1981 et le Mitterrand de 1988, ce qui est un peu compliqué. Aller se recueillir sur la tombe du général de Gaulle, c’est plutôt celui de 1988.

Aujourd’hui, qui est le plus légitime pour se revendiquer de l’héritage de De Gaulle ?
Plus personne n’est légitime. En tout cas, nul n’est plus légitime qu’un autre pour s’en réclamer. D’autant qu’il s’agit souvent d’une invocation ponctuelle et pas systématique. Quand on voit à droite la course actuelle du "plus libéral tu meurs" des candidats à la primaire à droite, ce n’est pas du tout la ligne du gaullisme. Peut-être que les deux derniers gaullistes sont Henri Guaino et Jean-Pierre Chevènement. Mais l’un n’arrive pas à rassembler son camp, et l’autre est en semi-retraite.

Qu’aurait-il pensé en voyant François Hollande, président socialiste, lui rendre hommage ? S’est-il retourné dans sa tombe ?Non. Il y avait des socialistes à Londres, il y avait des socialistes dans son gouvernement en 1945 et il y avait même des socialistes avec lui en 1958. Donc, il ne se retournerait pas dans sa tombe, non. Si tant est qu’il est capable de le voir, soit il s’en fiche, soit ça l’amuse.