Ni à gauche, ni à droite ? Un pari risqué

© PHILIPPE HUGUEN / AFP
  • Copié
, modifié à
Avec son mouvement "En marche !", Emmanuel Macron cherche à transcender le clivage traditionnel droite-gauche.

"Ni à gauche, ni à droite". Tel est le credo du mouvement "En marche !" lancé par Emmanuel Macron mercredi soir à Amiens. Le ministre de l’Economie veut donc transcender le clivage traditionnel de la politique française, qui régit pourtant la chose publique depuis plus de deux siècles dans l’Hexagone. L’ambition n’est pas mince. D’autres ont essayé avant lui, peu ont réussi, en tout cas sur le long terme. "Au regard de l’histoire, je dirais que c’est sans avenir. Mais le contexte actuel est peut-être le bon", analyse le politologue Olivier Duhamel.

Entendu sur europe1 :
" Bayrou est celui qui a réussi le mieux cette stratégie "

L’exemple historique le plus récent est celui de François Bayrou. Et il devrait inciter Emmanuel Macron à la prudence. "C’est celui qui a réussi le mieux cette stratégie, mais il n’est pas allé au bout", rappelle Olivier Duhamel. En 2007, l’actuel maire de Pau avait axé sa campagne présidentielle sur un rejet du clivage droite-gauche. Le concept avait séduit, au point de faire de lui le troisième homme du scrutin, avec 18,57% des voix. Un joli score sur lequel il ne réussira jamais à capitaliser.

En créant le MoDem, un parti refusant toute alliance, quelle qu’elle soit, François Bayrou avait poussé sa logique jusqu’au bout. Mais le bipartisme a finalement été plus fort. Toutes les élections intermédiaires se révèlent catastrophiques pour le mouvement démocrate. Et en 2012, François Bayrou, à nouveau candidat, ne se classe que cinquième de l’élection présidentielle, avec moins de 10% des suffrages. Aujourd’hui, l’ancien ministre de l’Education doit se contenter de la mairie de Pau comme seul mandat, et il soutient ouvertement Alain Juppé pour la présidentielle. Un homme de droite, incontestablement.

"Si on se dit que les temps ont changé, avec une crise sans précédent de la représentation politique et des partis traditionnels, une telle initiative n’est pas forcément vouée à l’échec", explique pourtant Olivier Duhamel. Un sondage publié en décembre 2015 va ainsi dans le sens de la volonté d’Emmanuel Macron. Selon cette étude Odoxa pour Le Parisien, 68% des Français se déclaraient favorables à des "propositions communes" de la droite, de la gauche et du centre pour sortir de la crise. La position transpartisane semble donc majoritaire.

Entendu sur europe1 :
"  "Sur la méthode, le meilleur précédent, c’est Valéry Giscard d’Estaing" "

Et si Emmanuel Macron avait en fait une autre stratégie en tête. "Sur la méthode, le meilleur précédent, c’est Valéry Giscard d’Estaing en 1974", analyse Olivier Duhamel. "A l’époque, il part du constat que l’UDR, gaulliste, est vieillie, usée, fatiguée. Et avec un parti, certes qu’il n’a pas créé mais qu’il a transformé à son image (Les Républicains indépendants, ndlr) plusieurs années auparavant, il parvient à remporter la présidentielle de 1974. Emmanuel Macron pourrait être le pendant de cette stratégie, à gauche, cette fois". En clair, le ministre de l’Economie ferait le pari de supplanter un PS en grave crise depuis plusieurs années. A gauche, donc.

D’ailleurs, l’initiative d’Emmanuel Macron n’a pas été franchement bien accueillie rue de Solférino. "Ce n'est pas le premier" à se déclarer "ni de droite ni de gauche", a réagi lors du Talk Le Figaro Jean-Christophe Cambadélis, qui semble avoir flairé le danger. "À partir du moment où il a décidé de ne pas attaquer le PS, il est ami. Mais le jour où il voudra nous attaquer, remettre en cause le candidat du Parti socialiste, nous ne serons plus amis", a prévenu le député de Paris, particulièrement grinçant : "Vous savez, dans ma vie politique, des modernes qui ont terminé pas aussi bien qu'ils le pensaient, j'en ai vu des légions", a-t-il conclu.