Moralisation de la vie publique : l'ère du soupçon

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Antonin André, cehf du service politique d'Europe 1
La moralisation promise de la vie publique met la présidence d’Emmanuel Macron face à ses contradictions. Et si, avec le cas de Richard Ferrand, le président était pris à son propre piège ?

L’effet boomerang peut vous laisser K.O ! Prenez François Fillon, lorsqu’il lance : "qui aurait imaginé le général de Gaulle mis en examen", il écrit le réquisitoire de son propre procès politique à venir. L’effet est dévastateur. Quand Emmanuel Macron, candidat à la présidentielle, joue les chevaliers blancs et fait de la vertu son étendard, comment peut-il confier la rédaction de la loi sur la moralisation politique, premier texte de son quinquennat, à un ministre mis en examen ? Certes dans une affaire de diffamation, mais les mots pèsent : une mise en examen qui doit le conduire en correctionnelle.

Un climat de suspicion. Evidemment la droite s’en saisit. Evidemment l’opinion publique s’interroge. Même chose pour l’affaire Ferrand. Il n'y a rien d’illégal, mais en ayant fait à ce point du renouvellement des pratiques un enjeu, Emmanuel Macron a démultiplié le sentiment de suspicion à l’égard des élus, de tous les élus, y compris de ceux qui l’entourent.

Présumés coupables. Va-t-on basculer dans l’ère de l’inquisition politique ? La présomption généralisée de culpabilité va même au-delà du personnel politique : il n’y a pas que les ministres et les parlementaires, il y a les membres des cabinets ministériels qui doivent être transparents et parfaitement irréprochables, les cabinets des élus locaux et les directeurs d’administrations publiques. Pour tous, le risque est de basculer dans un système où de présumés honnêtes, ils seront soupçonnés a priori, à eux de faire la preuve de leur vertu.

Une paralysie de l'action publique ? Il faut des règles éthiques, déontologiques, légales mais on voit bien que l'on a basculé dans autre chose, dans un engrenage que personne ne semble maîtriser : demain à l’Assemblée, des centaines de nouveaux députés viendront avec leur expérience professionnelle. Chefs d’entreprise, agriculteurs, employés, médecins ou salariés d’une grande firme, tous sont a priori suspects d’être à la solde d’intérêts particuliers. Quand la transparence est érigée en religion, on peut s’interroger à terme sur le risque d’une paralysie de l’action publique.