Mélenchon : les dessous d'une campagne qui marche

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En constante progression dans les sondages,  le candidat du Front de gauche mène une campagne atypique.

C'est le candidat qui aujourd'hui  fait salles combles lors de ses meetings. Prise de court, l'équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon a dû faire une croix sur la salle de 2.500 personnes initialement réservée à Limoges pour le 4 avril. La solution de remplacement : le Zénith et ses 6.000 places.

Même effervescence à la lecture des sondages. S'il reste cinquième dans les enquêtes d'opinion, Jean-Luc Mélenchon n'a cessé de progresser depuis son entrée en campagne. Crédité de 6%  d'intentions de vote mi-janvier, l'ex-ministre a franchi cette semaine la barre symbolique des 10% …et se met à rêver d'un score à deux chiffres. Le tout malgré un budget de campagne modeste. Comment le candidat du Front de gauche arrive-t-il donc à soulever les foules au point d'être, aux dires des commentateurs, celui qui fait la meilleure campagne ?

Une personnalité atypique

Jean-Luc Mélenchon est au Front de gauche ce que Georges Marchais était au Parti communiste : un orateur hors-pair, qui crève l'écran à chacune de ses interventions télévisées. Un "bon client" pour les médias. Le 19 février, Jean-Luc Mélenchon offre ainsi sa meilleure audience à Dimanche +. Le 5 mars, son passage dans Parole de Français sur TF1 entraîne un record d'audience de l'émission (Marine Le Pen était également invitée ce soir là, NDLR).

Il faut dire que longtemps étiqueté "populo", l'ex-socialiste a dû rectifier le tir. Arnauld Champremier-Trigano, son directeur de la communication ne s'en cache pas : "Il a fallu contrecarrer l'image négative d'un candidat irritant, violent pour rétablir ce qu'est Jean-Luc Mélenchon avant tout : un intellectuel et un grand socialiste". Ce dernier explique aussi qu'il était nécessaire de "déghettoiser" le candidat Mélenchon "de l'extrême gauche". "On est sorti de la caricature et on a libéré l'écoute", analyse cet homme clé du dispositif de campagne de l'ex-ministre.

Un large auditoire

Il n'y est pour rien mais la faible notoriété des candidats du NPA et de Lutte Ouvrière font du bien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier "s'est créé un vrai espace politique à gauche", observe pour Europe 1.fr Frédéric Dabi de l'Ifop. Nathalie Arthaud et Philippe Poutou sont ainsi extrêmement bas dans les sondages. "Jean-Luc Mélenchon réussit le parfait alliage entre l'électorat communiste traditionnel et un électorat plus jeune, plus gradé socialement qui avait tendance à voter Besancenot", analyse Frédéric Dabi. Et d'après le politologue, le candidat du Front de gauche fait aussi des ravages chez Europe Ecologie-Les Verts, dont il a récupéré une partie des électeurs des régionales.

Et à défaut de faire l'unanimité chez les ouvriers (toutes les enquêtes montrent qu'ils voteront plutôt Marine Le Pen et François Hollande au premier tour, NDLR), le candidat du Front de gauche réussit aujourd'hui à attirer un public divers dans ses meetings. "Ça fait longtemps que je n'avais pas vu autant de jeunes dans les meetings", confie Eric Coquerel, conseiller politique du candidat interrogé par Europe1.fr.

Les meetings de Jean-Luc Mélenchon rassemblent en effet des gens de gauche mais aussi des curieux. C'est le cas de Daniel, chômeur, venu assister au meeting de Besançon le 24 janvier dernier après avoir vu Jean-Luc Mélenchon dans Des paroles et des actes sur France 2. Daniel confie avoir fait le déplacement "par curiosité", explique-t-il au micro d'Europe 1, pour "voir comment ça se passe, comment il (Jean-Luc Mélenchon) développe et fait partager son programme".

Des meetings "populaires"

"Je n’aime que les salles où il y a des drapeaux rouges !". Ce cri du cœur est celui de Jean-Luc Mélenchon mercredi soir à Montpellier. Les meetings de l'auteur du livre Qu'ils s'en aillent tous !  véhiculent tous les codes traditionnels des rassemblements de la gauche. "On renoue avec la fonction tribunitienne de la gauche. On joue le côté place populaire", confirme Eric Coquerel. Et le Front de gauche pousse la logique jusqu'au bout : "les gens sont debout", précise le conseiller de Jean-Luc Mélenchon.

Une atmosphère "populaire" alimentée par le candidat Mélenchon lui-même. Non content d'avoir le sens de la formule - "On ne combat pas le capitalisme de notre époque avec un pistolet à bouchon" –Jean-Luc Mélenchon souhaite faire de ses meetings "un moment d'éducation populaire", allant jusqu'à s'adonner à la lecture de poèmes. De la littérature donc mais aussi une certaine verve. Jean-Luc Mélenchon "n'écrit pas ses discours. Ses feuilles de musique sont des partitions de musique. Il les a travaillées, gribouillées. C'est un vrai art qu'il a", a raconté sur Europe 1 le journaliste Lilian Alemagna, qui a écrit le livre Mélenchon le Plébéien. Pour son collègue Stéphane Alliès, co-auteur du livre, le candidat du Front de gauche "a gardé beaucoup d'attitudes tribunitiennes" de sa "jeunesse trotskiste". "Quand il est en meeting, il pointe tout le temps le doigt", a souligné le journaliste sur France Info.

Très attaché aux symboles du peuple (ses meetings se terminent par "L’Internationale" mais aussi par "La Marseillaise"), Jean-Luc Mélenchon - qui se réclame de François Mitterrand -, a d'ailleurs prévu de réunir des milliers de partisans en faveur de la VIe République à la Bastille le 18 mars (là même où une liesse populaire avait célébré l'élection du socialiste le 10 mai 1981).

Des signes qui ne trompent pas

Et si Jean-Luc Mélenchon croit en une dynamique en sa faveur, c'est qu'il y a des signes qui ne trompent pas. Sur le Web d'abord. Site officiel de la campagne du Front de gauche, www.placeaupeuple2012.fr totalise 300.000 visiteurs uniques par mois. Le compte Twitter du candidat est également un important levier. "Quand on balance un message sur son compte, on a 500.000 personnes qui interagissent", confie son directeur de communication. Le tout pour un budget Web de 100.000 euros (2 à 3 fois moins que le budget Web des écolos et 10 fois moins que celui du PS).

Mais le signe le plus tangible de cette effervescence est à chercher du côté de ses meetings. 10.000 personnes à Villeurbanne mardi soir, 9.000 mercredi soir à Montpellier. Jean-Luc Mélenchon fait salles combles. Victime de son succès, l'eurodéputé doit désormais louer des salles plus grandes. Une solution à court terme toutefois, car trop coûteuse. Faute d'argent (son budget de campagne est de deux millions d'euros, contre 20 millions d'euros environ pour le PS ou 8 millions pour la campagne de François Bayrou, NDLR), Jean-Luc Mélenchon "va reprendre les meetings en plein air", indique Arnauld Champremier-Trigano. Le premier se tiendra le 5 avril place du Capitole à Toulouse.