Manuel Valls, un ambitieux à Matignon

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PORTRAIT -  L’ancien ministre de l’Intérieur remplace Jean-Marc Ayrault. La suite logique d’un parcours brillant.

L'INFO. Manuel Valls a été choisi lundi soir pour devenir le nouveau Premier ministre, en remplacement de Jean-Marc Ayrault. Au lendemain de la déculottée socialiste aux municipales, François Hollande a tranché : son ministre le plus populaire est appelé à la tête du gouvernement. Presque une consécration pour ce Catalan d’origine.

>> La victoire d’un favori

 Au sein d’un gouvernement qui a multiplié couacs et erreurs de communication, il faisait figure d’exception. Quand tous ses petits copains étaient voués aux gémonies, Manuel Valls, lui, surfait sur une vague de popularité qui ne s’est jamais démentie. Pas un sondage qui ne faisait de lui le grandissime favori à la succession de Jean-Marc Ayrault. Des pronostics balayés d’un revers de la main par l’ancien maire d’Evry. Ce qui ne l’empêchait pourtant pas, en coulisses, de se préparer.

En novembre 2013, il a cru que son heure était arrivée. Jean-Marc Ayrault avait alors sauvé sa place en annonçant une "remise à plat de la fiscalité". Manuel Valls a rengainé sa déception, et est reparti au travail. Sur le terrain, souvent, histoire de soigner encore un peu plus sa popularité. Et quand la débâcle socialiste aux municipales a commencé à pointer le bout de son nez, le licencié en Histoire a décidé de réécrire la sienne. Durant les jours précédents la défaite annoncée, Manuel Valls a fait chauffer son téléphone. L’aile gauche du PS, qui ne le supporte pas, a ainsi eu droit à quelques garanties. Il a ensuite tenté de débaucher des écolos, comme Dominique Voynet ou Yannick Jadot.  Et a préparé une ébauche de gouvernement, au cas où…

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>> Un "droitier" à gauche

Rocardien pur jus, Manuel Valls est régulièrement qualifié par les siens de "Sarko de gauche" pour des prises de position jugées trop droitières, notamment en matière de sécurité, d'immigration, mais aussi sur la réforme des retraites. En août 2011, il pousse le bouchon jusqu’à proposer une hausse de la TVA, une mesure mise en place par… Nicolas Sarkozy et que la gauche abrogera dès son arrivée au pouvoir. "Oui, la TVA sociale est une mesure de gauche", assure-t-il, un brin provocateur, dans une tribune pour Les Echos, quelques semaines plus tard. La gauche crie au scandale et en vient à se demander pourquoi il n’a pas donné suite à la tentative de débauchage de Sarkozy en 2007…

Entre les deux hommes, dans la forme également, des similitudes existent. Place Beauvau, Manuel Valls s'est très vite imposé comme le ministre incontournable du gouvernement Ayrault. Comme Sarkozy l'avait fait en son temps au sein du gouvernement Raffarin. Premier flic de France, Manuel Valls se rend sur le terrain à chaque fait divers. Une habitude très sarkoziste. Habile communicant, le nouveau Premier ministre aime au moins autant les médias que l’ancien président de la République. Et n’hésite pas à se mettre en scène, comme lors d'une visite en Camargue, qui rappelle furieusement le passage de Nicolas Sarkozy dans un ranch aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Alors, Valls, un "Sarko de gauche" ? "Cela ne me gêne pas si c’est une référence à son énergie et à sa combativité", lâche-t-il dans Le Point, en septembre 2013. 

>> Un stratège qui ne dit pas son nom

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Comment s’imposer à gauche avec une étiquette de droite ? Telle est l’équation qui s’est imposée à Manuel Valls depuis des années. Et l’ancien député de l’Essonne est, semble-t-il, plutôt bon en maths. Histoire de faire oublier ses petits 5% à la primaire, il est le premier à jurer fidélité à François Hollande. Les deux hommes ne s’appréciaient pourtant pas particulièrement. "Avant la campagne, Valls ne faisait pas partie de mes proches, d'un point de vue politique ou amical. Ce n'est qu'à cette occasion que nous nous sommes mieux connus et appréciés", reconnaît a posteriori François Hollande dans l’enquête "Valls, à l’intérieur", des journalistes Laurent Borredon et David Revault d'Allonnes.

Très vite, Manuel Valls, bombardé directeur de la communication du candidat Hollande, se rend indispensable. Il contrôle tout, se tient au courant de tout, au point d’éclipser totalement Pierre Moscovici, le "vrai" directeur de la campagne. Alors que François Rebsamen a préparé le volet sécurité du programme, c’est finalement Manuel Valls qui hérite de la place Beauvau. "C’est son attitude pendant la campagne et sa connaissance des questions de sécurité publique comme son expérience de maire d’Evry" qui justifie sa nomination, explique François Hollande.

Le premier flic de France devient le ministre préféré des Français. Incontournable. Il se permet alors de s'exprimer sur des sujets qui sortent de son domaine de compétence. On le surnomme « le vice-président ». Mais quand ça tangue, comme au moment de la fronde bretonne contre l’écotaxe, il se terre. Malin.

>> Et demain, président ?

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Oui, Manuel Valls a de (très ) hautes ambitions, et il ne s’en est jamais caché. En juin 2009, il est le premier à se déclarer candidat à l'investiture socialiste pour 2012, parce qu'il serait "logique que le maire d'Évry succède au maire de Neuilly". C’est finalement l’abandon, contraint et forcé, de Dominique Strauss-Kahn - "je pensais que c'était le meilleur d'entre nous" -, qui le pousse à se lancer. Sa candidature fait alors sourire rue de Solferino tant l’homme est isolé, idéologiquement et humainement.

Son score à la primaire (5%) confirme le constat. Mais l’homme s’aligne très vite derrière François Hollande. Et sa loyauté ne sera plus jamais prise en défaut. Son image s’améliore, et des socialistes comprennent que Manuel Valls a de l’avenir. Les Français aussi, et quand on leur demande qui ferait le meilleur candidat pour la gauche en 2017, c’est lui qu’ils citent en premier, loin devant François Hollande (33% contre 9%, selon un sondage Harris Interactive pour Le Figaro, en octobre 2013).

Manuel Valls, lui, refuse de se prononcer. "Je ne dirai jamais que je suis candidat à la présidentielle", assurait-t-il dans le JDD, en juillet 2013. Ce qui ne l’empêche pas de structurer ses soutiens, comme l’avait montré une enquête d’Europe1.fr en mai 2013. Et une petite phrase glissée dans un entretien à La Provence dit beaucoup de ses ambitions : "si, demain, on me proposait d'autres responsabilités, je les assumerais, bien évidemment. J'ai toujours pensé que j'avais la capacité d'assumer les plus hautes responsabilités de mon pays". Aujourd’hui à Matignon, demain à l’Elysée ?

 

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