Manuel Valls et Cécile Duflot, chronique d'une inimitié

© AFP
  • Copié
, modifié à
Cécile Duflot et Manuel Valls n'en finissent plus de se déchirer sur la déchéance de la nationalité. Une passe d'armes qui en rappelle d'autres entre l'élue écologiste et le Premier ministre. 

Ces deux-là ne s'aiment pas. Et leur inimitié, avant tout politique, ne date pas d'hier. Cécile Duflot et Manuel Valls n'ont pas la même conception de la gauche et le font savoir lors de passes d'armes qui vont rester dans les annales du quinquennat Hollande. La dernière en date concerne la déchéance de nationalité. Dimanche, la députée écologiste a maintenu sur RTL ses propos sur le sujet et sa comparaison avec le régime de Vichy, ce qui avait provoqué la colère du Premier ministre. Retour sur les plus mémorables passes d'armes entre ces deux bêtes politiques.  

• Acte 1 : Les roms : Cécile Duflot attaque violemment son collègue à l'Intérieur

Nous sommes en septembre 2013. Cécile Duflot est alors ministre du Logement, Manuel Valls, ministre de l'Intérieur. Tous deux ont déjà connu des accrochages mais celui-là sera particulièrement violent. Lors des journées parlementaires d'Europe Ecologie-Les Verts, la ministre s'en prend à son collègue du gouvernement, qu'elle accuse d'être allée "au-delà de ce qui met en danger le pacte républicain". Manuel Valls avait en effet jugé deux jours auparavant que les roms avaient vocation à revenir en Roumanie et en Bulgarie. "Ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres, qui sont évidemment en confrontation", avait-il expliqué. Des propos que n'avaient pas digéré Cécile Duflot. "On ne peut pas dire qu'il y a des catégories de population ou leur origine justifierait qu'elle ne puisse pas s'intégrer", lui avait-elle répondu. 

• Acte 2 : Cécile Duflot quitte le gouvernement

Elle ne l'avait jamais caché : pas question pour elle de participer à un gouvernement dirigé par Manuel Valls. Mais après les municipales de mars 2014, Jean-Marc Ayrault quitte Matignon. Et son successeur s'impose comme une évidence : ce sera Manuel Valls. Alors, selon un article de Libération, lorsque François Hollande nomme Manuel Valls Premier ministre, Cécile Duflot a cette réaction : "c'est juste pas possible". Et ce malgré la promesse d'un grand ministère de l'Environnement. Dans un communiqué co-écrit avec l'ancien ministre du Développement écolo Pascal Canfin, Cécile Duflot explique que "les idées portées par le nouveau Premier ministre depuis plusieurs années, notamment lors de la primaire du Parti socialiste ou comme ministre de l'Intérieur, ne constituent pas la réponse adéquate aux problèmes des Françaises et des Français". Désormais libre de sa parole, Cécile Duflot ne va pas se priver pour dire ce qu'elle pense. 

• Acte 3 : le livre de l'élue écologiste ne plait pas du tout à Manuel Valls

Et ce qu'elle pense, elle le dit d'abord dans un livre. Un livre coup de poing, qui sort en août 2014, et dont le titre résume en quelques mots son état d'esprit : De l'intérieur. Voyage au pays de la désillusion (Fayard). Cécile Duflot tape sur Hollande, "président de personne", dont elle se dit "déçue". Mais elle critique aussi le gouvernement et provoque une nouvelle fois la colère de Manuel Valls. Le Canard enchaîné rapporte que le Premier ministre est très remonté. Ce dernier aurait dit en privé : "De tous les ministres d'Ayrault, c'est elle qui porte la plus grande responsabilité sur ce qui n'a pas fonctionné pendant les deux premières années du quinquennat". 

• Acte 4 : Manuel Valls et Cécile Duflot s'affrontent

Un an après avoir claqué la porte du gouvernement, Cécile Duflot n'a visiblement pas l'intention de faire la paix avec Manuel Valls. Elle fait pratiquement barrage de son corps pour interdire aux écologistes François de Rugy et Jean-Vincent Placé de participer à un nouveau gouvernement. Et dans la presse, elle n'a pas de mots assez durs avec le Premier ministre. Dans une interview au Monde, elle déclare : "Il a le verbe haut, mais où sont ses résultats ? Son logiciel est périmé". Sur RMC, elle insiste : "J'ai un désaccord assez important avec la politique qu'il conduit".

Un sujet cristallise aussi les tensions entre eux : NDDL, pour Notre-Dame-des-Landes. En résumé, le Premier ministre est pour, l'élue écologiste contre. Elle plaide, au contraire, pour "la rénovation" et "la modernisation" de l'actuel aéroport. "Ce projet est désormais la preuve du retard démocratique français, de l'obstination technocratique et de la négation de l'écologie", lance Cécile Duflot au Premier ministre, fin janvier à l'Assemblée nationale, alors que la justice a confirmé l'expulsion de 11 familles du site. Réponse cinglante de ce dernier : "Madame Duflot, les collectivités locales ont unanimement salué cette nouvelle étape. Il s'agit de qui Madame Duflot ? Du président du Conseil départemental, du président du Conseil régional, qui est sur la même position que son prédécesseur, de la maire de Nantes, de plusieurs parlementaires, de l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, dont vous étiez vous-mêmes membre du gouvernement." Et de poursuivre : "Ont-ils tort Madame Duflot ? Connaissent- ils moins bien que vous la réalité du terrain et les attentes de l'économie sur ce secteur ?"

• Acte 5 : la déchéance de nationalité, la goutte d'eau ? 

C'est leur dernier affrontement, l'un des plus violents peut-être. Cécile Duflot ne veut pas entendre parler de déchéance de la nationalité alors que la réforme constitutionnelle, en discussion à l'Assemblée nationale, entend justement l'inscrire dans la loi fondamentale. Vendredi, Cécile Duflot a donc mis un point d'honneur à dire le fond de sa pensée au perchoir de l'Assemblée. "Le dernier régime à avoir massivement utilisé (la déchéance de nationalité) fut le régime de Vichy", affirme-t-elle. Forcément, Manuel Valls n'apprécie pas la référence et lui répond quelques minutes plus tard : "Vichy, ce n'est pas la République. C'est une part de la France, et je rappelle mes mots, mais ce n'est pas la République". Avant de demander plus explicitement à Cécile Duflot "de ne pas associer la démarche et la volonté du gouvernement et de quiconque de cette Assemblée avec cette période que chacun d'entre nous ne peut pas supporter". 

On croit alors la polémique close. Il n'en est rien. Les soutiens de Manuel Valls montent au créneau. Sur Europe 1 dimanche, la ministre de la Santé Marisol Touraine juge les propos de Cécile Duflot "incompréhensibles" et "inacceptables". De son côté, Cécile Duflot n'entend pas se taire. Et sur RTL, la députée maintient ses propos et accuse le Premier ministre de les avoir falsifié et d'avoir monté "une polémique (...), une cabale". Il a "menti sur les propos d'une parlementaire" de façon 'indigne", dénonce-t-elle. On attend la réponse de Manuel Valls.