Mais à quoi servent les anciens présidents de la République ?

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Hélène Jouan, cheffe du service politique d'Europe 1 , modifié à
ÉDITO - François Hollande a expliqué mercredi qu'il se réservait le droit de faire des commentaires, dans "l'intérêt de la France". De quoi interroger le rôle d'un ancien président et le poids de sa parole au sien du débat public. 

À quoi sert un ancien président de la République, à part à essayer de revenir ? Excepté le général de Gaulle, qui était déjà revenu avant de repartir, et en dehors de ceux qui ont exercé un double mandat présidentiel et dont la santé de surcroît empêchait toute velléité de retour, les autres n'échappent pas à cette terrible tentation.  

L'impossible retour.Le "au revoir" grandiloquent et blessé de Valéry Giscard d’Estaing n'avait duré que le temps de tourner les talons ; après des vacances mortifères aux États-Unis et une overdose de séries télé, l'ancien locataire de l'Elysée redevient dès 1982 conseiller général. Il croit tenir sa revanche en 1988, y renonce. En 1995, il fait encore un tour de piste avant de se rendre à l'évidence : plus de place pour un ex. Il retrouvera de sa grandeur en devenant président d’une convention européenne qui, pour la première fois, s’attellera à l’écriture d’une constitution pour l’Europe finalement rejetée par référendum.

Nicolas Sarkozy nous avait prévenu en 2012 : "si je perds vous n'entendrez plus parler de moi". On a tous la suite en tête, celle d'un retour rapidement soldé par une défaite humiliante à la primaire d'un parti dont il était le patron.

La maladie de l'homme providentiel. C'est dommage, parce qu'ils pourraient servir à quelque chose. Aux Etats-Unis, Jimmy Carter n’a cessé après son départ de la Maison-Blanche d’œuvrer pour la paix, jusqu’à être couronné d'un Prix Nobel en 2002. De nombreux anciens présidents étrangers, à la tête de fondations philanthropiques, exercent un magistère moral, à l’occasion diplomatique. Mais c'est une maladie française que de croire que le peuple vous attend en sauveur, qu'il est oublieux de votre bilan parce que votre successeur a lui même failli. Il y a des phrases incroyables : en 1988, en annonçant sa non-candidature, Valéry Giscard d’Estaing profère : "s'il y avait des circonstances difficiles, vous pourrez toujours compter sur moi. Il n'est pas question que les français se disent "Giscard nous laisse tomber".

En 2014, quand il revient à la tête de l'UMP, Nicolas Sarkozy se justifie ainsi : "ce serait une forme d'abandon que de rester spectateur devant le délitement du débat politique".

Un ex-président face à l'histoire. François Hollande prépare-t-il, lui aussi, un retour ? Il est encore un peu tôt pour prendre le pari. Néanmoins, il reste convaincu que son bilan n'a pas été apprécié à sa juste valeur, mais aussi que son empêchement de se représenter résulte de circonstances exceptionnelles sous la Cinquième République, et pas d'un effacement de la gauche du réel qu'il pense incarner. François Hollande est d'ailleurs persuadé d'être le seul à pouvoir encore parler au nom de celle-ci tant que le PS n'est pas sorti du trou. Sans doute se dit-il que rien n'est impossible !

Comme les autres, François Hollande va user de sa parole pour s'assurer au minimum que la trace qu'il laisse dans l'histoire n'est pas galvaudée. Et pourquoi pas, en cas "de circonstances difficiles",  à savoir un échec du macronisme, nous convaincre "qu’il ne peut rester spectateur face au délitement" comme l’ont dit deux de ses prédécesseurs, qui pourtant ne sont jamais revenus !