Loi El Khomri : les syndicats se mobilisent… mais en ordre dispersé

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Cinq syndicats ont demandé jeudi une "modification en profondeur" de la loi de réforme du code du travail. Sept autres ont appelé à la grève pour le 31 mars.
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Gabriel Vedrenne avec AFP , modifié à
Tous les syndicats refusent le texte en l'état mais ils ne sont pas pour autant tombés d'accord jeudi. Un appel à la grève a été lancé par ces derniers.

Le projet de loi El Khomri est en train de virer à la saga et cette dernière s'annonce longue. Après avoir menacé d'utiliser le 49.3, changé le nom du projet de loi et repoussé la présentation du texte de deux semaines, la ministre a commencé à rencontrer les syndicats. Ces derniers se sont réunis entre eux jeudi pour définir une position commune. Si toutes les organisations syndicales refusent le projet de loi tel qu'il a été présenté, elles ne sont pas pour autant sur la même ligne. Certains demandent des modifications du texte tandis que d'autres souhaitent un enterrement pur et simple. Des manifestations sont prévues le 9 mars, suivies d'un appel à la grève le 31 mars pour dénoncer "une régression sociale".

  • Que prévoit le projet de loi El Khomri ? 

Le texte porté par la ministre du Travail s'intitule désormais "avant-projet de loi sur les nouvelles protections pour les entreprises et les salariés". Objectif avancé par le gouvernement : apporter de nouvelles garanties aux employeurs pour qu'ils embauchent davantage. "Les victimes sont victimes de cette hyper-précarité, de ces CDD, de ces stages (...) Cette loi est faite pour qu'ils (...) puissent rentrer plus facilement sur le marché du travail en étant en CDI", a argumenté la ministre. Mais pour les syndicats, faciliter les licenciements et renforcer la flexibilité sont des méthodes très discutables pour encourager les embauches.

  • Qu'ont décidé les syndicats jeudi ? 

La CGT, la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, FO, FSU, Solidaires, l'Unsa, l'Unef, la Fage (étudiants) et l'UNL (lycéens) se sont réunis au siège de l'Unsa, à Bagnolet, dans l'est de Paris. Une deuxième réunion avait lieu l'après-midi au siège de la CGT, mais cette fois sans l'Unsa, la CFDT. Car les syndicats sont divisés sur la ligne à adopter. 

A l'issue de la matinée, les syndicats dits "réformistes" (CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa), ainsi que la Fage, ont signé un texte commun pour réclamer que le projet de loi El Khomri soit "impérativement modifié en profondeur, afin de le rééquilibrer en faveur des salariés". Et ces syndicats d'émettre plusieurs propositions. Mais l'autre partie des syndicats a refusé de signer un texte : soit parce qu'ils réclament un abandon pur et simple (FO et CGT), soit parce que le texte commun a été jugé "trop flou et interprétable comme on veut", comme l'a souligné la CGT. 

  • Quels changements réclament les syndicats réformistes ? 

Ceux qui veulent poursuivre le dialogue insistent sur trois points : l'instauration d'un barème aux prudhommes, la réforme du licenciement économique et la liberté accordée à l'employeur en termes d'organisation du temps de travail. Sur le premier point, Philippe Louis (CFTC) s'est montré optimiste : selon lui, "ça devrait bouger sur les indemnités prud'homales, mais ce ne sera pas retiré", a-t-il indiqué après la rencontre avec la ministre du Travail. Le gouvernement serait prêt à ajouter un nouvel étage d'indemnisation pour éviter de porter trop préjudice aux salariés ayant le plus d'ancienneté, mais même la CFDT demande un rejet pur et simple du barème.

En ce qui concerne l'article définissant les conditions du licenciement économique soit réécrit, la loi "doit permettre aux juges d'apprécier la réalité des difficultés économiques et retirer le périmètre national", selon le communiqué. Aujourd'hui, une filiale installée en France ne peut pas être considérée comme en difficultés, et donc procéder à des licenciements économiques, si sa maison-mère et le reste du groupe se portent bien. Avec la loi El Khomri, seul l'activité en France serait prise en compte, un changement de périmètre dont les multinationales pourraient profiter pour mener un dumping social. Le gouvernement pourrait finalement prendre en compte la dimension européenne d'une entreprise.

En outre, "aucun forfait-jour ou modulation (du temps de travail, ndlr) ne doit être mis en place unilatéralement" par l'employeur, selon les organisations signataires. A leurs yeux, l'employé doit a minima pouvoir le refuser sans être sanctionné. Et les yndicats devrait pouvoir avoir leur mot à dire sur le sujet.

  • Que préparent les syndicats totalement opposés au texte ? 

Pour les autres organisations, la CGT FO, FSU et Solidaires principalement, la ministre du Travail devrait renoncer à son projet de loi. Et bien que Myriam El Khomri puis Manuel Valls aient prévu de recevoir tous les syndicats d'ici le 10 mars, ces syndicats veulent descendre dans la rue pour peser davantage. 

FO et la CGT, ainsi que plusieurs organisations de jeunesses, appellent à manifester mercredi 9 mars contre le projet de "casse du code du travail". Hasard du calendrier, les cheminots seront ce jour-là aussi en grève pour défendre leurs conditions de travail. De plus, tous les syndicats, y compris les non-signataires, doivent se revoir le 18 mars, a indiqué Luc Bérille, numéro un de l'Unsa. Et pour éviter que le gouvernement ne tourne la page trop facilement, ces mêmes organisations ont lancé un appel à la grève pour le 31 mars. Sept syndicats ont signé le texte.

  • Et le patronat dans tout cela ?

Le Medef et la CGPME sont très discrets depuis que la ministre a dévoilé son texte, et pour cause : il satisfait plusieurs de leurs revendications. Les organisations patronales refusent donc que le texte soit édulcoré et militent discrètement en ce sens. Le chef de file du Medef Pierre Gattaz a ainsi signé la pétition baptisée "Oui à la loi Travail! Non au chômage", en soutien à la ministre du Travail. Jeudi en milieu d'après-midi, ils étaient 14.310 signataires. En face, une pétition contre la loi El Khomri comptabilisait au même moment 929.435 signatures.