Conseil Constitutionnel : Jospin enfile son costume de "Sage"

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avec Alexandre Kara et AFP , modifié à
C'EST OFFICIEL - L'ancien Premier ministre socialiste a intégré mardi, en prêtant serment, le Conseil constitutionnel. 

L'info. Il est officiellement de retour dans la vie publique. En prêtant serment, Lionel Jospin a intégré mardi le Conseil constitutionnel, devenant ainsi le 73e juge constitutionnel nommé. L'ancien locataire de Matignon devient, au passage, l'unique ancien chef de gouvernement parmi les membres actifs de l'institution.

Une prestation de serment devant Hollande. Sa nomination a été publiée au JO mardi matin, quelques heures avant sa prestation de serment à l'Elysée à 18h. Une cérémonie à huis-clos, très codifiée, au cours de laquelle le chef de l'Etat François Hollande, qui présentait ses vœux au Conseil constitutionnel a, comme c'est la tradition, demandé au nouveau juge de jurer sur la Constitution qu'il remplira ses fonctions "en toute impartialité", gardera "le secret des délibérations et des votes", ne prendra "aucune position publique".

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Pour assister à cette prestation, la quasi-totalité du Conseil constitutionnel était présente, à l'exception notable de l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing, qui s'était fait porter pâle (sur les trois actuels ex-présidents, membres de droit, seul VGE siège au Palais Royal, Ndlr). Le président (PS) de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, qui avait proposé la nomination de Lionel Jospin, était également présent. Ironie de l'histoire, Christiane Taubira était elle aussi de la fête. Par sa candidature à la présidentielle de 2002, l'actuelle ministre de la Justice avait, comme d'autres à gauche, indirectement contribué à l’élimination du candidat Jospin au premier tour. 

Une expérience incontestable mais... Le choix effectué par Claude Bartolone a été validé le 17 décembre par la commission des lois de l'Assemblée nationale.  A cette occasion, le rapporteur UMP Guillaume Larrivé avait eu des formules flatteuses, créditant Jospin de "trois qualités éminentes: l'expérience de l'Etat, l'impartialité personnelle, qui est une vertu, et sans doute une fidélité aux principes classiques de notre République", ce qui est utile à un poste où il faut "savoir modérer les ardeurs de la majorité du moment", avait glissé le député d'opposition. Lionel Jospin s'était alors dit défavorable à une évolution vers une Cour suprême à l'américaine et s'était interdit "de mener une quelconque campagne politique" au cours de son mandat.

...aussi en enjeu politique. Pourtant, la nomination de Lionel Jospin sonne forcément comme une manœuvre politique, avec comme enjeu le retour du Conseil dans le giron de la gauche. Avec l'arrivée de l'ancien Premier socialiste, la prestigieuse institution compte en effet quatre membres nommés par la gauche et cinq par la droite. Avec un électron libre : le très mitterrandien Michel Charasse, nommé par  le président Nicolas Sarkozy en 2010. Dans la majorité, on espère donc que l'influence de Lionel Jospin permettra de diminuer le ratio de textes de lois partiellement ou totalement invalidés depuis 2012, qui s'élève actuellement à un sur deux. Et d'éviter la répétition de couacs comme la censure de la taxe à 75% ou de la loi Florange.

Par ailleurs, le mandat de Lionel Jospin qui est de quatre ans et deux mois (puisqu'il remplace le centriste Jacques Barrot, nommé en 2010 et mort subitement le 3 décembre), n'est pas sans possible conséquence au sein de cette institution. Son président - Jean-Louis Debré, fidèle de Jacques Chirac qui l'avait désigné à la fin de son quinquennat - sera en effet renouvelé en mars 2016. Par sa stature, Lionel Jospin semblerait voué à lui succéder. Mais dans cette hypothèse, il devrait quitter le magnifique bureau du président du Palais Royal dès 2019 et non en 2025, échéance normale de toute personne nommée membre et président en 2016. D'où un risque pour la gauche de perdre un poste-clef si l'Elysée devait changer de mains entre-temps... 

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Quand le Conseil constitutionnel censurait Jospin. Premier ministre, Jospin avait essuyé quelques cuisantes censures de l'institution présidée successivement par le socialiste Roland Dumas, puis le gaulliste Yves Guéna, notamment sur le statut de la Corse avec le refus que l'assemblée régionale puisse adapter les lois. Il s'était en son temps interrogé sur un caractère "politique" de ces décisions.