L'hologramme de Jean-Luc Mélenchon fait un carton

hologramme Jean-Luc Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon a tenu dimanche un double meeting, le premier en chair et en os, l'autre via hologramme. © Thomas SAMSON / AFP
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La technologie, bluffante, a permis au leader du mouvement La France Insoumise de tenir deux meetings à la fois. Une belle opération pour ses militants comme pour les médias.
REPORTAGE

Il a suffi d'un claquement de doigts pour que la pression retombe et laisse place à une clameur collective. Dimanche après-midi, Jean-Luc Mélenchon s'est dédoublé pour tenir simultanément un meeting à Lyon et un autre, via son hologramme, aux Docks d'Aubervilliers, dans le Nord du Paris. L'opération, soigneusement vendue comme une "première mondiale" par ses équipes depuis des semaines, a été un véritable succès.

D'un geste - que les internautes facétieux ont comparé à celui de Ma sorcière bien-aimée ou, plus "franchouillard", Joséphine, ange gardien -, dans un bruit tout droit sorti d'un film de la saga Star Wars, l'image holographique du leader la France Insoumise s'est matérialisée sur la scène parisienne. Couleur, 3D, boutons de la veste : tous les détails y étaient, jusqu'à l'aspect légèrement délavé du jean de la star de l'après-midi. Seuls les spectateurs des tous premiers rangs n'auront pas eu l'illusion parfaite de regarder le leader de la France insoumise en chair et en os.

"On a vraiment l'impression qu'on peut le toucher". Auprès de la grande majorité des militants, la démonstration technologique a fait son petit effet. Aurélie a été "époustouflée par le réalisme" de l'hologramme. "On a vraiment l'impression qu'on peut le toucher", glisse la jeune femme de 29 ans, qui a parfois dû se ressaisir pour se concentrer sur le discours et ne pas se laisser "absorber par les prouesses techniques". À côté d'elle, Mathilde s'enthousiasme. "C'est énorme", souffle celle qui reconnaît avoir eu "un petit coup de stress" avant à l'idée que le dispositif ne fonctionne pas.

Coup de stress visiblement partagé par l'équipe de la France insoumise présente à Paris, obligée de se livrer, avant l'apparition de Jean-Luc Mélenchon, à une séance de meublage digne d'une chaîne d'information en continu qui a bien fait rire les militants. À la fin du meeting, le soulagement était à la hauteur de la pression. "C'était magnifique", s'est félicitée Raquel Garrido, porte-parole de La France Insoumise. "Et on a fait ça tout seul, sans l'appui de chaîne de télé !"

Un "gadget" sur fond sérieux. Charles, 49 ans et une barbe impressionnante, était venu uniquement pour ça, ou presque. "Insoumis" depuis novembre dernier, il "suit tous les meetings de Jean-Luc Mélenchon sur Internet" et n'avait donc "pas vraiment besoin de venir". "Mais je trouvais ça marrant. Il se dédouble, il se démultiplie, et finalement c'est une forme de provocation rigolote." Un peu gadget ? "Totalement, mais sur un fond sérieux", argumente Charles. "Le programme et le candidat sont pour de vrai. Cela n'empêche pas de se la jouer Star Wars." Le militant est lucide sur l'opération de communication bien rodée, derrière. "C'est aussi une façon de se faire remarquer. Si Mélenchon n'avait pas fait son meeting en hologramme, les médias n'en auraient pas dit grand-chose."

Des "techniques qui font rêver". Anticipant les critiques, Jean-Luc Mélenchon lui-même a justifié l'usage de cette technologie, qui a coûté environ 60.000 euros à son mouvement. "J'ai vu qu'il y avait des bougons qui trouvaient que ça faisait trop show-biz", a-t-il clamé sur scène. "Mais enfin, il faut qu'un message politique émancipateur, et quelque peu éclaireur, s'appuie sur des techniques qui sont celles de notre temps, qui fassent rêver, qui fassent sourire." Pour Aurélie, l'objectif est atteint. "C'est cohérent avec l'ère numérique qu'il met en avant."

" C'est aussi une façon de se faire remarquer. Si Mélenchon n'avait pas fait son meeting en hologramme, les médias n'en auraient pas dit grand-chose. "

Des propositions pour le numérique et la culture. Et de fait, le discours de Jean-Luc Mélenchon a laissé une large place à ce thème, ainsi qu'à l'éducation, la recherche, l'environnement et la culture. Le candidat a égrené les propositions, comme celle, nouvelle, de prélever des droits sur les œuvres "tombées dans le domaine public" pour financer des "coopératives" ou des "associations" de "créateurs indépendants".

Jouant à fond la carte de la modernité sur le fond pour s'accorder à sa forme, quitte à être un peu poussif, le député européen a parlé jeu vidéo - qui doit "devenir une industrie de pointe de la patrie" car "jouer, ce n'est pas perdre son temps" -, protection des données personnelles et conquête de l'espace, qu'il ne veut pas voir "privatisé" par "les Etats-Unis et le duché du Luxembourg". "Quand on a préparé ce meeting, on n'était pas sûrs que [ces thèmes] intéressent les gens. Je sais que ces sujets vous intéressent", a-t-il lancé, un brin bravache, sous un tonnerre d'applaudissements.

Électriser les foules. Si son meeting holographique a contraint Jean-Luc Mélenchon à restreindre ses mouvements - il ne pouvait sortir d'un périmètre de quatre mètres sur quatre sous peine de disparaître de la scène d'Aubervilliers -, l'eurodéputé n'a rien perdu de sa verve habituelle. Ni de sa capacité à électriser les foules. Deux salles pleines à craquer – selon la France insoumise, 6.000 personnes avaient fait le déplacement à Aubervilliers et 12.000 à Lyon - ont lancé leur cri de ralliement, "Résistance!", lorsque le cofondateur du Parti de Gauche a vanté sa VIe République et refusé toutes les "magouilles" et les "combines" politiques.

Même les sceptiques de la conférence holographique se sont laissé emporter. "J'aurais préféré qu'il soit là, en vrai. Il en fait un peu trop pour essayer d'être moderne", reconnaît Catherine, peu habituée des meetings. "Mais après tout, il est sûrement obligé, pour qu'on en parle. Et je pense que le but était avant tout de nous rassembler tous ici."