Les messages subliminaux d'Hollande

Hollande au Bourget a évoqué son parcours, sa trajectoire politique
Hollande au Bourget a évoqué son parcours, sa trajectoire politique © REUTERS
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Hélène Favier , modifié à
Son engagement, sa trajectoire : Hollande a voulu montrer, dimanche, qu’il avait l’étoffe d’un chef.

Famille, histoire, terroir et territoire : premier grand meeting de la campagne oblige, François Hollande a dû forcer sa nature réservée, dimanche au Bourget, pour évoquer son parcours, son engagement. C’était d’ailleurs tout l’enjeu de ce rendez-vous. Au-delà du programme, le candidat socialiste à la présidentielle devait, en effet, se dévoiler pour montrer qu’il avait, "personnellement", l’étoffe d’un chef. Comment s’y est-il pris ? Qu’a-t-il bien voulu dire de lui ? Et quel message voulait-il faire passer ? Voici quelques éléments de réponse. 

>> SES ORIGINES

Ce qu’a dit François Hollande - Dans son discours du Bourget, Hollande a commencé par évoquer ses origines, son background familial. "La gauche, je ne l’ai pas reçue en héritage", a-t-il d’abord insisté avant de se remémorer son enfance. "J’ai grandi en Normandie dans une famille plutôt conservatrice. Mais cette famille m’a donné la liberté de choisir, par son éducation. Je remercie mes parents. Mon père, parce qu’il avait des idées contraires aux miennes et qu’il m’a aidé à affirmer mes convictions. Ma mère, parce qu’elle avait l’âme généreuse et qu’elle m’a transmis ce qu’il est de plus beau : l’ambition d’être utile", a-t-il dévoilé.

Le message qu’il veut faire passer ici - En évoquant ainsi ses racines, François Hollande veut, avant tout, montrer "qu’il a un vrai parcours, qu’il a toujours été déterminé", analyse sur Europe1.fr Gérard Grunberg, politologue et chercheur au CNRS. Hollande rappelle donc, ici, qu'il n'avait personne pour lui mettre le pied à l'étriller et que, ses idées, il a même dû les défendre jusque dans le foyer de ses parents. En somme, avec "cette gauche qu’il n’a pas reçue en héritage", le candidat socialiste souligne que sa carrière politique, il ne la doit qu'à sa force de conviction. "Qu’il a de l’expérience et de la motivation", explique le spécialiste de la gauche.

>> UN ENRACINEMENT

Ce que dit Hollande - Le candidat socialiste a eu également à cœur de montrer qu’il était ancré dans un territoire. "Je suis un élu de la France rurale où les agriculteurs démontrent l’excellence de leur travail, sans en recevoir le revenu qu’ils méritent. Je suis de ce Limousin, de cette Corrèze où j’ai tant appris", a-t-il indiqué avant d’évoquer sa ville Tulle, "petite par la taille", où la résistance s’est illustrée. Tulle "a souffert le martyre : 99 pendus, 200 déportés le 9 juin 1944, emportés par la barbarie nazie (…). J’ai leur nom dans la tête. Ce sont mes héros. Je ne les oublierai jamais", a raconté François Hollande.

Le message qu’il veut faire passer ici - "Plus encore que la présentation d’un programme, François Hollande se devait d’expliquer son rapport au pouvoir, la dimension plus personnelle de son engagement en politique", estime Gérard Grunberg. Ici, François Hollande explique donc ses premières batailles électorales dans une Corrèze à laquelle il est resté fidèle. Il invoque aussi des modèles irréprochables et consensuels : ces "héros anonymes" de la résistance.

>> LE 21 AVRIL - LE SOUVENIR AMER

Ce que dit Hollande - Pour l’élu de Corrèze, le 21 avril 2002 et la défaite du PS dès le premier tour de la présidentielle "reste une blessure". "Je la porte encore sur moi, j’en ai la trace, ce soir  terrible où l’extrême droite, faute de vigilance et de lucidité, face à la menace, face à la dispersion, met la gauche hors-jeu et permet à la droite de s’installer pour dix ans. J’en ai tiré toutes les leçons. Moi, je ne laisserai pas faire".

Le message qu’il veut faire passer ici - Ici, François Hollande veut montrer "qu’il était aussi là dans les mauvais jours", commente Gérard Grunberg. Au soir de la défaite de 2002, le Parti socialiste au bord de l’implosion était tiraillé entre ses courants. "Lionel Jospin, dont l’attitude et le bilan étaient contestés par une partie du PS était alors absent, explique Gérard Grunberg. François Hollande était alors tout seul pour mener la barque". Il tient donc à le rappeler, à insister sur son expérience et sur la nécessité de garder un parti uni. Par ses mots, François Hollande réussit également à lier son histoire à celle du PS, à mêler épreuve personnelle et collective. Un exercice qui, a eu les faveur de l’applaudimètre.

>> SES REFERENCES POLITIQUES

Ce que dit Hollande - Deux noms de personnalité de gauche sont revenus dans le discours de François Hollande : François Mitterrand et Lionel Jospin. Il a ainsi insisté : "la gauche, je l’ai choisie, je l’ai aimée, je l’ai rêvée avec François Mitterrand dans la conquête. La gauche, je l’ai défendue fermement dans ses réalisations : celles de 1981, celles de 1988. La gauche, je l’ai servie comme élu de la République, comme député. La gauche, je l’ai dirigée avec Lionel Jospin, quand nous gouvernions ensemble le pays avec honneur et j’ en revendique les avancées". Il a également évoqué Mitterrand à d’autres reprises : notamment pour évoquer la victoire : "l’autre date qui reste gravée dans ma mémoire est plus heureuse, c’est le 10 mai 1981. J’avais 26 ans."

Le message qu’il veut faire passer ici - "La manière dont il évoque Jospin est différente de celle dont il parle de Mitterrand. En évoquant le premier, il veut montrer qu’il a gouverné, participer à un gouvernement,  même s’il n’a pas été ministre. Pour François Mitterrand, le seul président de gauche de la Ve République, il veut invoquer la victoire. Se placer dans ses pas", note le politologue du Cevipof.  François Hollande a ainsi repris des thèmes très mitterrandiens. Tout son discours sur l’argent - "j’aime les gens, quand d’autres sont fascinés par l’argent" - fait écho, par exemple, au discours d’Epinay de 1971 de Mitterrand qui lui parlait des "puissances de l'argent, l'argent qui corrompt, l'argent qui achète, l'argent qui écrase".