Les jurys populaires, une réforme floue

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Fabienne Cosnay , modifié à
L’Elysée en a fait une priorité et impose son calendrier. Les questions et réserves se multiplient.

C’est devenu le sujet prioritaire à l’Elysée. La réforme à faire adopter au plus vite. Lancée à l’automne par Nicolas Sarkozy, évoquée lors des vœux télévisés du 31 janvier, l’introduction de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels et aux côtés des juges d’application des peines est désormais actée. Comme Europe 1 le révélait mercredi matin, le chef de l’Etat veut aller vite, très vite sur le sujet. Quitte à bousculer son Garde des Sceaux, Michel Mercier. Europe1.fr fait le point sur ce qu’on sait de cette réforme et ce qu’on ne sait pas encore.

Ce qu’on sait….

Le calendrier. Le fond de la réforme n’est pas encore connu mais le calendrier est, lui, déjà fixé. Selon les informations d’Europe 1, Nicolas Sarkozy a demandé à la Chancellerie d’accélérer la cadence et de lancer au plus vite les procédures de consultation avec les syndicats. Avec un double objectif : une présentation du projet de loi en Conseil des ministres d’ici à trois semaines et un vote avant la fin de la session parlementaire, en juillet prochain. Du côté de la place Vendôme, on se garde bien de donner un calendrier précis car les contours de la réforme sont encore flous.

L’objectif affiché. Le but de cette réforme est de “rapprocher le peuple des magistrats", selon les mots du chef de l’Etat. "La présence des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels réduira le fossé qui s'est créé petit à petit, toutes ces dernières années, entre le monde de la justice et le peuple français", avait déclaré Nicolas Sarkozy lors de ses voeux aux députés et sénateurs, mercredi dernier.

"La présence des jurés populaires, bien loin de diminuer l'importance du magistrat professionnel, renforce son autorité et le met à l'abri des contestations", avait-t-il ajouté, déplorant "tant de décisions (...) qui suscitent commentaires et incompréhensions". Une déclaration perçue comme une défiance de l'exécutif à l'égard des magistrats professionnels, selon les deux principaux syndicats de magistrats.

Les jurés. La Chancellerie a tranché sur ce point. Aux côtés des magistrats professionnels, seront associés, l’espace d’une semaine, des jurés, citoyens ordinaires. Le système sera calqué sur le modèle des cours d’assises. Les jurés seront tirés au sort sur les listes électorales et devront passer cinq jours complets au tribunal. Après avoir reçu une formation de 24 heures, ils siègeront soit au tribunal correctionnel, soit aux côtés des juges d'application des peines, pour décider des libérations conditionnelles.

Ce qu’on ne sait pas….

Quels types de dossiers ? Depuis le début, Chancellerie et Elysée répètent que les jurés populaires seront institués pour "les délits les plus graves". Sans que l’on sache ce que "grave" signifie. S’agit-il des atteintes aux personnes ou des actes faisant encourir une peine de prison ? En tout état de cause, il semble matériellement impossible d’instituer des jurés populaires dans tous les tribunaux correctionnels au risque d’asphyxier encore un peu plus le système. Au final, selon des propositions avancées place Vendôme, la réforme pourrait ne concerner que les cours d’appel.

Quel budget ? Cette réforme risque de coûter cher. Mais pour l’instant, impossible de chiffrer le projet de loi. Une chose est sûre : ces jurés populaires devront être payés. La justice en a-t-elle les moyens ? Les syndicats ironisent déjà sur une réforme inapplicable, rappelant que dans de nombreux tribunaux, ceux qu’on appelle les "juges sans robe" (juges de proximité, assesseurs dans les tribunaux pour enfants) ont vu leurs fonctions supprimées, faute de pouvoir être payés.