Les gendarmes financiers en colère

Réforme des CRC: les magistrats contre la loi étudiée mercredi à l'Assemblée
Réforme des CRC: les magistrats contre la loi étudiée mercredi à l'Assemblée © MAXPPP
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Hélène Favier , modifié à
L’Assemblée examine un projet de loi de réforme visant les Chambres régionales des comptes.

Connus comme les gendarmes financiers des administrations, les personnels des Chambres régionales des comptes se sentent menacés. En cause : une loi examinée, mercredi en dernière lecture, à l’Assemblée et qui pourrait, selon eux, entraîner la suppression "au minimum d’un tiers des CRC en métropole" et générer "la mise à la diète" des autres "en réduisant dans des proportions inacceptables le portefeuille des collectivités qu’elles contrôlent", indique le Syndicat des juridictions financières (SJF), très majoritaire dans la profession. Pourquoi cette réforme leur pose-t-elle problème ? Europe1.fr vous résume la situation en cinq minutes chrono’.

Ce que prévoit la réforme - Actuellement les CRC sont au nombre de 26, une par région. Créées en 1982, ce sont des juridictions financières indépendantes, notamment chargées de vérifier la bonne gestion des collectivités locales. Elles peuvent également informer le parquet si elles constatent des infractions. Au fil des années, elles ont gagné en notoriété et en médiatisation, épinglant les "gaspis" de ces administrations locales.

C’est, en 2009, qu’une réforme pour les rendre "plus efficaces", "plus rapides" et également "moins coûteuses" a été initiée par l'ancien Premier président de la Cour des comptes Philippe Séguin. Il souhaitait passer de 26 à une dizaine chambres "à l'échelon interrégional, en supprimant les chambres régionales actuelles". Le tout pour permettre "une unité de programmation des contrôles ainsi qu'une unité des procédures". Le principe de cette réforme a ensuite été repris par Didier Migaud, l’actuel président qui lui ne souhaite que "la suppression des plus petites CRC".

DES CHAMBRES "MOINS EFFICACES" ?

Les points d’achoppement - Pour le SJF qui rassemble 70% des 350 magistrats financiers, cette réforme va générer "une longue période d’incertitude", confie son président Sylvain Huet à Europe1.fr. La réforme Séguin prévoyait, selon lui, une réduction des effectifs de 15 %. "Aujourd’hui, plus rien n’est indiqué clairement. Ce texte est, en effet, un blanc-seing signé par les députés au gouvernement qui décidera ensuite comme il souhaite le faire par décret", ajoute le syndicaliste qui s’attend donc à de mauvaises nouvelles.

Pour lui, sept CRC sont directement menacées : celle de Franche-Comté, du Limousin, de Champagne-Ardenne et de Basse-Normandie. Les CRC d'Alsace, d'Auvergne, de Haute-Normandie, de Picardie et de Poitou-Charentes pourraient également être dans le collimateur du gouvernement, pense-t-il.

La suppression de ces chambres "va changer beaucoup de choses sur la manière dont on travaille aujourd’hui", assène Sylvain Huet. "Nos déplacements sont nécessaires - notamment, quand un budget élevé alloué à une association nous paraît suspect. Il faut alors nous rendre sur place pour constater comment se déroulent concrètement les choses. Ce que nous ne pourront presque plus faire, en raison de la distance", ajoute-t-il.

Ce que les magistrats demandent - Le SJF espère d’abord une saisine par 60 sénateurs du Conseil constitutionnel qui pourrait retoquer le texte, explique Sylvain Huet qui regrette qu’une partie de la réforme ait été abandonnée. A l’origine, le texte "prévoyait, en effet, que les CRC puissent engager la responsabilité d’un ministre ou d’un responsable local contre sa mauvaise gestion. Des sanctions pouvant aller jusqu’à deux ans de salaires étaient même prévues", indique-t-il. Exit cette disposition : "il ne reste plus qu’une logique comptable", regrette-t-il. Nous demandons "le retrait pur et simple" de ce projet.