Les députés n’arrêteront pas de tweeter

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REPORTAGE - En plein débat sur le mariage pour tous, pas question de se passer de Twitter.

Twitter en accusation. Faut-il réglementer l’utilisation de Twitter au sein de l’hémicycle ? La question a surgi dans le débat public, lundi, quand l'UMP Philippe Gosselin a demandé  "une réflexion de fond"  sur l’utilisation des réseaux sociaux par les représentants politiques. Hervé Mariton (UMP)  venait alors de lire un tweet nocturne du socialiste Olivier Faure l'accusant d'"homophobie. Dans la nuit de vendredi à samedi, déjà, Christian Jacob, patron des députés UMP, avait demandé une suspension de séance en raison de tweets comparant le même Mariton à la psychorigide Bree Van de Kamp, célèbre personnage de la série Desperte Housewives. 

Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, a rappelé lundi qu’un groupe de travail se penchait sur la question et Bruno Le Roux, patron des députés socialistes, a mis le hola. Mais qu’en pensent les élus ? Europe1.fr a passé la nuit de lundi à mardi avec eux et en a profité pour leur poser la question.

Yann Galut

Twitter, "un outil démocratique". Yann Galut, avec plus de 9.000 tweets à son compteur, est l’un des députés de la majorité les plus actifs sur la toile. Quand lui est posée la question d’une éventuelle restriction de l’accès à Twitter dans l’hémicycle, l’élu du Cher s’étouffe presque. "Cela n’aurait pas de sens. Limiter Twitter, cela serait nier sa réalité même. Cela permet de prolonger le débat, y compris avec des députés de l’opposition", assure-t-il, avant d’expliquer les avantages, pour les parlementaires, du site de microblogging : "cela permet à des gens qui ne peuvent pas suivre le débat d’être en permanence connectés avec nous. C’est un outil démocratique car les Français peuvent savoir ce que font, ce que pense leur parlementaire. Je peux aussi leur expliciter ma position, justifier tel ou tel propos", s’enthousiasme ce jeune élu, qui ne comprend pas les inquiétudes de ses collègues de l’opposition.

Twitter, "un exutoire". Sevrés de temps de parole pour ne pas allonger encore un plus des débats qui n’en finissent pas, les élus socialistes confient tous "leur frustration". "Twitter nous permet de nous oxygéner, de sortir un peu de notre bulle", confie ainsi Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. "Politiquement, pour nous, heureusement qu’il y a Twitter, on subit une telle frustration de ne pas pouvoir répondre à la droite que cela devient un exutoire", confirme Yann Galut.

>> VOIR AUSSI EN VIDÉO : Twitter brouille-t-il l'écoute à l'Assemblée ?

Un exutoire qu’il convient tout de même de relativiser. "Bruno Le Roux n’a jamais cherché à tempérer quelqu’un, non. Ce n’est pas un sujet entre nous", assure Nicolas Bays, député du Pas-de-Calais, au sujet de la prise de position de son chef de file. Guillaume Bachelay, plume du président, a quant à lui parfaitement enregistré le mot d’ordre de Bruno Le Roux, qu’il répète presque au mot près - à 1h45 du matin. "La règle c’est, à mon avis, de ne pas tweeter ce que l’on ne dirait pas dans l’hémicycle. La tempérance est une qualité du législateur", résume dans un sourire cet homme de mots. Et de conclure d’une formule dont il a le secret : "ce n’est pas un sujet, mais il faudra  en parler."

Hervé Mariton : député UMP de la Drôme 930X620

La justice, une solution ? Un sujet dont s’est déjà emparée l’opposition. Hervé Mariton, l’homme-lige de l’UMP sur le mariage pour tous,  n’a pas apprécié le tweet d’Olivier Faure, et il le dit haut et fort : "le sujet, c’est le respect de la loi. Quand il me traite d’homophobe, je suis certain qu’il n’aurait jamais employé ce genre de propos dans une tribune publiée dans la presse écrite. Certains ont du mal à trouver le bon équilibre entre la vanne et l’injure", juge-t-il, avant de conclure, saignant : "il faudrait mettre du plomb dans la tête de certains qui twittent sans réfléchir." De là à aller jusqu’aux prétoires pour injures publiques, il y a un pas que le député de la Drôme n’est pas prêt à franchir : "j’ai assez d’énergie à dépenser ailleurs pour me lancer là dedans…" Mais, parce qu’il y a un mais, "si jamais un élu venait à s’acharner, alors là il faudrait dire stop, en effet", lâche-t-il. Le Rubicon n’est pas si loin finalement…

D’autres idées ? Hervé Mariton, outre la voie judiciaire, avance une autre piste de réflexion : "le brouillage ponctuel de l’Assemblée quand cela dérape." "Ce n’est pas possible, le président de l’Assemblée ne peut pas être l’arbitre de Twitter", tranche Yann Galut, qui préfère la responsabilisation à la sanction, voire à l’interdiction. "Je pense que c’est une bonne chose si l’on s’autorégule, si les parlementaires se respectent", estime-t-il, avant de montrer l’exemple : "je relis mes tweets deux ou trois fois avant de les publier. Ce soir (lundi, Ndlr), j’en ai supprimé trois car j’ai eu peur qu’ils soient mal interprétés". "Je tournerai sept fois mon pouce, maintenant, avant de tweeter", a dit un jour une certaine Valérie Trierweiler…