Le maire de Grenoble prive les usagers de service public pour les sensibiliser

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avec Jean-Luc Boujon , modifié à
Le maire Eric Piolle souhaite, en fermant mercredi la plupart des services municipaux, interpeller ses administrés et l’Etat sur la baisse des dotations aux collectivités locales. 

C’est quand on est privé de quelque chose que l’on se rend compte à quel point on y tient. Ce principe, Eric Piolle, le maire de Grenoble, l’applique mercredi dans sa ville. L’élu écologiste a décidé d’organiser une journée "services publics morts" afin, d’une part, que ses administrés se rendent compte de leur importance dans leur vie quotidienne, mais aussi pour protester contre la baisse des dotations allouées par l’Etat aux collectivités locales. Pas de services en mairie donc, ni de crèches, de bibliothèques, de ramassage d’ordures de piscine ou d’accueil périscolaire mercredi dans le chef-lieu de l’Isère.

"Ça semble naturel que le service public soit là. Mais non." Eric Piolle fait d’avance fi des mécontentements potentiels. Au contraire même, il compte dessus. "Il faut qu’on soit interpellé dans notre vie quotidienne. En tous cas prendre conscience que oui, on est tous des usagers du service public, qu’on le rencontre plusieurs fois dans la journée", explique l’élu écologiste à Europe 1. "Ça nous semble naturel qu’il soit là. Mais non. Il faut se rendre compte de sa richesse et de sa valeur. Et dans le cas de Grenoble, l’adapter à une pénurie financière inouïe".

Moins 13 millions en 2016. Car voilà bien le message qu’Eric Piolle veut faire passer : Grenoble est en grande difficulté financière, notamment parce que l’Etat, avec la baisse des dotations aux collectivités locales, va priver la ville de 13 millions d’euros l’an prochain. Donc il faut se préparer à une transformation des services municipaux.

Un message, mais surtout une journée d’action qui risquent d’être fraîchement accueillis à Grenoble. "On se retrouve coincées, sur un mercredi, ça va trop loin. Je pense qu’il y a d’autres façons de revendiquer", peste une mère de famille  auprès d’Europe 1. "C’est un peu beaucoup, ils auraient fait des informations, et on aurait eu des élus qui serait venus nous expliquer, ça aurait peut-être été plus constructif", abonde une autre.  "C’est bien de sensibiliser, il faut qu’il le fasse et il le fait souvent d’ailleurs", tempère une troisième. "Mais par contre, il ne parle pas des pistes pour s’en sortir".

Un recours socialiste rejeté. L’opposition n’est elle pas non plus franchement ravie. Le groupe socialiste, qui tenait la ville avant Eric Piolle, a d’ailleurs déposé le 12 novembre un référé auprès du tribunal administratif de Grenoble. "Notre opposition socialiste, qui porte à la fois cette baisse des dotations au niveau de l’Etat et est elle-même responsable de cette gabegie, a fait un recours jugé irrecevable sur la forme et que sur le fond a signifié que cette action était légale, normale, et constitutionnelle", s’est félicité le maire de Grenoble sur France Inter.

La police municipale bien présente. Eric Piolle précise par ailleurs que les agents travaillent bel et bien mercredi dans leurs services, en interne, avec les mêmes horaires qu’habituellement. Et qu’il ne s’agit donc pas d’une grève. D’ailleurs, certains services municipaux fonctionneront normalement. Les services d’hygiène, d’urgence et de santé notamment. Sans oublier les policiers municipaux, car vu le contexte, personne n’aurait compris qu’ils ne soient pas à leurs postes.

 

Eric Piolle, un maire atypique

C’est un peu à la surprise générale qu’Eric Piolle a été élu en mars 2014 maire de Grenoble. Ayant fédéré autour de lui les écologistes mais aussi la gauche de la gauche, il avait devancé l’équipe socialiste sortante, privée il est vrai de Michel Destot, maire de 1995 à 2014.Depuis, il s’efforce de faire de la capitale des Alpes un laboratoire d’une nouvelle politique. Dès son arrivée aux affaires, ils décident ainsi de la baisse de 25% de ses indemnités et de celles de son équipe.

Plusieurs de ces décisions ont d’ailleurs eu un certain retentissement médiatique. L’abandon progressif des caméras de vidéosurveillance par exemple. Le démontage de nombreux panneaux publicitaires du centre-ville a également été abondamment commenté, comme la limitation de vitesse réduite à 30 km/h dans la plupart des rues de l’agglomération. A chaque fois, l’opposition, notamment de droite, s’en donne à cœur joie. Ce qui n’a pas empêché la gauche de faire un carton plein dans les quatre cantons de la ville lors des départementales, en mars 2015.